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FÉMINISME Les théories

Des sexes aux sexualités

À partir des années 2000, certains courants dérivés de la pensée derridienne mais davantage encore de la problématique des homosexualités greffée ainsi sur celle des sexes vont, en partant des États-Unis pour gagner la scène française, faire de l'indécidabilité non plus un différer, une différance, mais un état, une « indifférence » non seulement des sexes mais des orientations sexuelles. Pour récuser la hiérarchie des sexes – et des sexualités – contestent jusqu'à leurs différences, tenant pour négligeable la morphologie. Certaines recherches scientifiques (H. Rouche) tendent d'ailleurs à montrer la similitude même biologique des sexes sous leur apparente dissymétrie.

Alors que chez Derrida la différance est un mouvement, chez les théoriciennes ou théoriciens postérieurs du gender trouble (Judith Butler), réinterprété par la queer theory, l'indécidabilité devient un statut. L'affirmation de la « différance » se transforme en affirmation de l'« indifférence » des sexes (Prokhoris). À la limite de cette perspective, la réversibilité des sexes et des sexualités est donc potentiellement radicale. La différence morphologique devient insignifiante, ainsi que l'indiquait d'ailleurs déjà Gilles Deleuze en revendiquant un « corps sans organes ». L'inégalité est surmontée par l'identité – une identité mouvante – au moins potentielle qu'il s'agit d'exercer.

Paradoxalement, les théories de l'indifférence des sexes et des sexualités viennent ainsi rejoindre par une voie détournée les théories classiques du sujet neutre et souverain, voire tout- puissant – l'individu –, qui serait à la fois homme et femme, homo- et hétérosexuel. Se heurtant toutefois à la dissymétrie flagrante des sexes dans le processus générationnel, dissymétrie qu'avait à sa manière déjà rencontrée et recouverte Le Deuxième Sexe, elles en minimisent la portée ou soutiennent le projet des technologies de la reproduction.

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Écrit par

  • : docteur en philosophie, professeur honoraire, Bruxelles et Paris

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Pour citer cet article

Françoise COLLIN. FÉMINISME - Les théories [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Simone de Beauvoir - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Simone de Beauvoir

Carol Gilligan, un regard différent sur la responsabilité - crédits : D.R.

Carol Gilligan, un regard différent sur la responsabilité

Jacques Derrida - crédits : Louis Monier/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Jacques Derrida

Autres références

  • 1848 ET L'ART (expositions)

    • Écrit par Jean-François POIRIER
    • 1 189 mots

    Deux expositions qui se sont déroulées respectivement à Paris du 24 février au 31 mai 1998 au musée d'Orsay, 1848, La République et l'art vivant, et du 4 février au 30 mars 1998 à l'Assemblée nationale, Les Révolutions de 1848, l'Europe des images ont proposé une...

  • ALLEMANDES (LANGUE ET LITTÉRATURES) - Littératures

    • Écrit par Nicole BARY, Claude DAVID, Claude LECOUTEUX, Étienne MAZINGUE, Claude PORCELL
    • 24 585 mots
    • 29 médias
    ...littérature des femmes à l'écriture introspective du moi et à l'écriture-thérapie qui sera le ferment du courant dominant de la littérature des années 1980. Oppression, soumission, répression sexuelle, viol, solitude, isolement, froideur sont les thèmes principaux de la littérature des femmes qui n'évite ni...
  • ALLEN PAULA GUNN (1939-2008)

    • Écrit par Universalis
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    Poétesse, romancière et essayiste américaine, Paula Gunn Allen mêle dans son œuvre les influences du féminisme et de ses racines amérindiennes.

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    Le roman néo-réaliste des années 1950 a rencontré un écho dans le roman féministe, apparu au cours des années 1960. Là aussi, on décrète que la littérature, pour sonner juste et avoir quelque force, doit être tirée du vécu ; seconde source d'inspiration : le culte de la solidarité féminine, qui a pour...
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