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FASCISME

Essais d'interprétation

Au-delà de la variété de ses aspects, si on le considère dans son unité et dans sa plus grande généralité, le phénomène fasciste peut faire l'objet de plusieurs types de jugements.

Pour les historiens des idées politiques, le fascisme constitue la synthèse de divers courants de pensée et de sensibilité issus du contexte intellectuel et moral des dernières années du xixe siècle et des premières années du xxe siècle : nationalisme, anti-individualisme, antilibéralisme, antirationalisme et anti-intellectualisme. Il se rattacherait donc directement au grand mouvement de remise en cause qui a profondément bouleversé la conscience européenne dans les années qui ont précédé la Première Guerre mondiale. Les philosophies de l'intuition et de l'action, l'exaltation du sens tragique de la vie, les traditions d'un certain type de socialisme révolutionnaire, les doctrines du nationalisme et les systèmes de pensée antidémocratiques se seraient rencontrés et mêlés pour en préparer l'avènement.

Se plaçant sur un plan différent, d'autres auteurs voient dans le développement des mouvements fascistes une conséquence immédiate de la violence des crises qui ont ébranlé les structures sociales des pays européens à la suite de la Première Guerre mondiale, puis de la grande dépression économique de 1929. L'accent est mis sur les catégories sociales qui ont fourni aux diverses organisations fascistes les plus nombreux de leurs militants ou de leurs sympathisants : anciens combattants mal réintégrés dans la vie civile, jeunes générations en opposition avec l'ordre instauré par des aînés contestés, enfin et surtout les éléments de la moyenne et de la petite bourgeoisie (rentiers, employés, commerçants, artisans) qui se sentent menacés de prolétarisation par l'évolution économique ou la dépréciation monétaire. Le fascisme correspondrait ainsi à un éclatement des cadres sociaux traditionnels.

L'explication fournie par les analyses se réclamant des principes du matérialisme historique se veut plus précise : le fascisme serait essentiellement lié à l'action du grand capital (plus spécialement des milieux de l'industrie lourde) menacé à la fois par le progrès du socialisme et par l'amenuisement des profits. L'appui du grand capital serait ainsi à l'origine de tout mouvement fasciste, et c'est aux grands monopoles industriels, à l'accroissement de leur puissance de concentration et à l'augmentation de leurs surprofits qu'aurait d'abord servi la politique des fascismes au pouvoir. Cette interprétation est généralement partagée par les auteurs qui, sur le plan politique, définissent le fascisme comme un mouvement spécifiquement réactionnaire, permettant aux forces conservatrices de reprendre ou de conserver un pouvoir en passe de leur échapper.

À cette version s'oppose celle qu'ont parfois présentée certains ouvrages d'inspiration plus ou moins favorable au fascisme. Celui-ci s'expliquerait fondamentalement par une fonction de salut public. Les régimes de démocratie parlementaire s'étant montrés incapables de faire face à certaines menaces d'une particulière gravité, le fascisme aurait tendu à répondre à ces menaces par l'établissement d'un système dictatorial et militaire, inspiré des formes prises par le pouvoir au cours de la Première Guerre mondiale : la mobilisation de tous est opérée au profit d'un grand dessein collectif.

Il convient enfin de signaler l'interprétation d'ordre psychologique développée par quelques auteurs. Le fascisme correspondrait à la peur de la liberté qu'éprouverait tout individu isolé, ayant perdu l'appui des autorités traditionnelles qui l'enserraient et le protégaient (famille, Église, ordres professionnels, etc.). Au désarroi entraîné par un total[...]

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Pour citer cet article

Encyclopædia Universalis et Raoul GIRARDET. FASCISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

La Libye italienne - crédits : Baron/ Hulton Archive/ Getty Images

La Libye italienne

Marche sur Rome, 1922 - crédits : Pathé

Marche sur Rome, 1922

La Garde de fer en Roumanie, 1940 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

La Garde de fer en Roumanie, 1940

Autres références

  • QU'EST-CE QUE LE FASCISME ? HISTOIRE ET INTERPRÉTATION (E. Gentile)

    • Écrit par
    • 961 mots

    Il aura fallu beaucoup de temps pour que le public francophone prenne connaissance de l'œuvre de Renzo De Felice, le grand historien romain disparu en 1996, auquel nous devons un réexamen radical de la nature du régime mussolinien. Emilio Gentile, qui fut son élève et qui est aujourd'hui professeur...

  • LATRAN ACCORDS DU (1929)

    • Écrit par
    • 208 mots
    • 1 média

    Signés par le pape Pie XI (1922-1939) et Mussolini, les accords du Latran règlent la « question romaine », qui envenimait les relations entre la papauté (et, par suite, les catholiques) et l'État unitaire italien, depuis que ce dernier avait annexé Rome le 2 octobre 1870, mettant...

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  • ALMIRANTE GIORGIO (1914-1988)

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    Né le 27 juin 1914, Giorgio Almirante commence sa carrière politique en 1932 comme journaliste au Tevere, publication caractérisée par ses campagnes antisémites. En 1944, il est nommé chef de cabinet du ministre de la Culture de la République sociale italienne, fondée par Mussolini pour continuer...

  • ANARCHISME

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    • 13 391 mots
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    L'histoire des anarchistes sous le fascisme se confond avec celle des organisations prolétariennes. Après la suppression de toute presse d'opposition en 1926, et donc la disparition de la revue que Malatesta publiait à Rome, Pensiero e Volontà, les anarchistes continuèrent de s'exprimer...
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