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FAMILLE Économie de la famille

Les décisions dans la famille

Comment prend-on, dans la famille, les principales décisions en matière de consommation ou de division du travail, par exemple ? Quatre grandes catégories de modèles sont utilisées pour représenter la famille, qui suivent assez bien l'évolution du regard que portent sur elle les économistes.

Le modèle unitaire

Le comportement des familles sur les marchés se modélise traditionnellement à l'aide du modèle unitaire, dans lequel le ménage, pris comme un centre de décision unique, maximise une fonction d'utilité sous la contrainte de budget total, englobant les revenus de tous ses membres (Becker, 1981). L'offre de travail et la consommation de chacun sont déterminées de façon à respecter la règle de l'efficacité maximale. Une variante de ce modèle prend en compte la possibilité que les membres du ménage consacrent du temps à la production domestique (Gronau, 1977). À l'équilibre, les choix de consommation et de travail devraient dépendre du budget total du ménage, mais être indépendants de la part apportée par chacun des revenus hors travail. Le modèle unitaire a cependant été critiqué sur des bases théoriques et, par ailleurs, certaines de ses implications, testables, sont le plus souvent réfutées empiriquement.

Sur le plan théorique, la difficulté vient du passage des préférences de deux personnes (au moins) à une fonction d'utilité, donc à un décideur, unique. Becker assimile la fonction d'utilité familiale à celle d'un chef de ménage bienveillant, mais l'hypothèse d'un « dictateur altruiste », comme on l'appelle parfois, reste insatisfaisante sur le plan méthodologique.

En ce qui concerne l'aspect empirique, le modèle comporte une implication testable majeure : l'hypothèse de mise en commun du revenu hors travail, qui est le plus souvent rejetée par les données. Le changement de politique sociale au Royaume-Uni opéré à la fin des années 1970 en a fourni une excellente illustration. Une étude (Lundberg, Pollak et Wales, 1997) s'est saisie de cette expérience naturelle pour montrer que le changement de bénéficiaire (de l'homme vers la femme) des allocations familiales a modifié la structure de consommations du ménage en faveur des femmes et des enfants, ce qui tend à prouver qu'un individu se comportera différemment selon que l'allocation de transfert est versée à lui-même ou à son (sa) conjoint(e).

Les jeux coopératifs

L'approche par les jeux coopératifs avec solution de Nash (Manser et Brown, 1980 ; McElroy et Horney, 1981) décrit le ménage comme un lieu de négociation active entre les conjoints. La modélisation est celle des jeux coopératifs, c'est-à-dire qu'il peut y avoir à l'origine divergences, conflit ou rapport de force entre homme et femme sur la répartition des consommations (qui inclut celle du loisir), mais il y a accord final sur le fait de réaliser une répartition des consommations et une division du travail efficientes. Cette représentation, qui repose sur l'existence, au sein du ménage, de deux individus aux préférences distinctes, échappe partiellement à la critique méthodologique du modèle unitaire, puisque chaque membre du couple a sa propre fonction d'utilité. L'allocation finale dépend de la situation de référence de chaque conjoint, aussi appelée « point de menace » dans la mesure où aucun d'entre eux n'acceptera une répartition des consommations dans le ménage qui le laisse à un niveau de satisfaction inférieur à ce point.

La plupart des modèles (en particulier les premiers : McElroy et Horney, 1981 ; Manser et Brown 1980) définissent ce point de menace en faisant intervenir le niveau d'utilité obtenu par chaque conjoint en cas de divorce. La satisfaction de chacun au sein du ménage dépend explicitement, dans ce cadre, de la situation[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Catherine SOFER. FAMILLE - Économie de la famille [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

William Stanley Jevons - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

William Stanley Jevons

Thomas Malthus - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Thomas Malthus

Autres références

  • ADOLESCENCE

    • Écrit par Mihalyi CSIKSZENTMIHALYI, Universalis
    • 2 667 mots
    • 1 média
    ...certaines études ont montré que les adolescents passent en moyenne trois heures et demie par jour sans leurs parents ou sans la présence d'autres adultes. En outre, pendant les rares heures où leurs parents sont présents, pour peu que ces derniers restent rivés devant le poste de télévision, les adolescents...
  • ADOPTION

    • Écrit par Pierre MURAT
    • 8 894 mots
    ...la connaissent. Surtout elle a été très pratiquée par les romains, selon des formes et pour des raisons qui ont varié selon les époques. Mais à Rome, la notion de famille ne repose pas sur l'engendrement et l'affection, mais sur la soumission à la puissance d'un chef de famille (pater...
  • ASSYRIE

    • Écrit par Guillaume CARDASCIA, Gilbert LAFFORGUE
    • 9 694 mots
    • 6 médias
    La famille est de type patriarcal. Son chef possède sur la femme et les enfants une forte autorité ; il exerce même sur eux une véritable juridiction domestique pour les méfaits qui le lèsent dans son honneur ou ses biens (adultère de la femme, inconduite de la fille, vol commis par l'épouse). On ignore...
  • BABYLONE

    • Écrit par Guillaume CARDASCIA, Gilbert LAFFORGUE
    • 7 328 mots
    • 14 médias
    La famille babylonienne est fondée sur un mariage qui n'est pas rigoureusement monogamique. En principe, l'homme n'a qu'une épouse en titre, procréatrice de fils qui assureront le culte des ancêtres et continueront l'exploitation du domaine familial. Néanmoins, non seulement les rapports sexuels du...
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