Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ETHNOLOGIE Ethnographie

Chaque science possède, en fait, deux principales sphères d'activité superposées : travaux expérimentaux ou documentaires, d'une part, travaux comparatifs et analytiques, d'autre part, se fondant sur les premiers. Il en est ainsi pour les sciences exactes et naturelles comme pour la philosophie et les sciences humaines. L' anthropologie, ou plus exactement l'anthropologie physique dans son sens universel du xixe siècle et dans son sens européen actuel, a besoin, pour ses analyses biologiques et raciales, des résultats de l'anthropométrie que la génération de Herder et des Humboldt nommait encore, à la fin du xviiie siècle, « anthropographie ». De même, l'histoire comparée et pragmatique se base sur les données d'une « historiographie », dont la documentation extrêmement diverse va des textes antiques et médiévaux, des annales d'État et des archives aux mémoires intimes et aux informations journalistiques. La sociologie fait aussi état d'un domaine purement descriptif que Sebald Rudolf Steinmetz, à la veille de la Première Guerre mondiale, dénomma « sociographie », et que Jacob L. Moreno baptisa, avant la Seconde Guerre mondiale, « sociométrie ». Les autres sciences humaines ne sont pas exemptes non plus d'une telle division interne, et, par exemple, les sciences économiques ont créé l'économétrie, les sciences politiques la démographie, et les interprétations des sciences juridiques se basent sur la matière concrète d'une codification législative et juridictionnelle. Une logique et une nécessité identiques sont à l'origine de l'existence, en ethnologie, d'une sous-discipline centrée sur un domaine documentaire spécial, l'« ethnographie ».

Premières apparitions du terme et du concept

Certes, l'histoire de l'ethnographie, commencée par les périples (περ́ιπλους, guide maritime) et les périégèses (περίηγησις, description géographique) helléniques décrivant les peuples méditerranéens et pontiques vers le ixe siècle avant J.-C., a parcouru un long et fructueux chemin jusqu'aux monographies de groupes modernes. Elle fait cependant partie intégrante de celle de l'ethnologie dont l'ethnographie elle-même n'est qu'une branche distincte. Il est donc tout indiqué de limiter l'historique de l'ethnographie à un examen purement terminologique et conceptuel.

Les ethnologues, de nos jours, sont unanimes à considérer l'ethnographie comme la partie descriptive de l'ethnologie. Une telle définition s'impose par suite non seulement du raisonnement présenté plus haut, mais aussi de l'étymologie de ce terme, le mot grec εθνος voulant dire « peuple », « peuplade », « tribu », « peuple barbare » ; le morphème γραϕια, « description », « dessin ». Il n'en a pas été toujours ainsi, et, comme la plupart des concepts scientifiques, celui de l'ethnographie a subi une longue évolution avant d'en arriver à son interprétation actuelle. La science des groupes et cultures ethniques, appelée aujourd'hui « ethnologie » et dont les domaines et les devoirs furent précisés dans un sens moderne par Joseph-François Lafitau, en 1724, fut longtemps à la recherche de son nom. Giovanni Batista Vico la nomma, en 1725, scienza nuova, expression trop simpliste et trop générale pour qu'elle puisse désigner une discipline particulière.

Le terme d'ethnographie, proposé alors pour l'ensemble de cette nouvelle science avec une forte tendance géographique, apparaît pour la première fois, semble-t-il, en Allemagne, en 1791, dans le titre d'une Ethnographische Bildergallerie publiée à Nuremberg. En 1807, un certain Campl, d'après Jorge Dias, ou Camper, selon Paulo de Carvalho Neto, l'utilise dans l'acception de description des peuples,[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Geza de ROHAN-CSERMAK. ETHNOLOGIE - Ethnographie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AFRICAINS CINÉMAS

    • Écrit par Jean-Louis COMOLLI
    • 1 131 mots

    L'histoire des cinémas africains se sépare difficilement de celle de la décolonisation. Il y eut d'abord des films de Blancs tournés en Afrique. Puis, à partir des années soixante, les nouveaux États africains ont été confrontés au problème de savoir quel rôle, quelle orientation, quels...

  • ANTHROPOLOGIE

    • Écrit par Élisabeth COPET-ROUGIER, Christian GHASARIAN
    • 16 158 mots
    • 1 média
    En Europe, le terme « anthropologie » désigna longtemps l'anthropologie physique, ce qui explique l'usage général du mot« ethnologie » pour les études s'appliquant à l'aspect social et culturel des populations, tandis que la préhistoire, l'archéologie et la linguistique constituaient des domaines...
  • ANTHROPOLOGIE RÉFLEXIVE

    • Écrit par Olivier LESERVOISIER
    • 3 448 mots
    ...dans la prise de conscience de la nécessité de ne plus passer sous silence les effets de la dimension intersubjective de l'enquête de terrain. En dévoilant les frustrations et les colères de l'ethnologue contre ses hôtes, l'ouvrage révèle le caractère illusoire d'une observation neutre et montre...
  • ANTHROPOLOGIE ANARCHISTE

    • Écrit par Jean-Paul DEMOULE
    • 4 849 mots
    • 3 médias
    ...développé cette même problématique des zones hors de l’État, cette fois à propos des hauts plateaux entre Soudan et Éthiopie. Combinant archéologie et ethnologie, il recense les diverses stratégies qu’ont adoptées différents groupes ethniques face à l’État, certains ayant opposé une résistance radicale,...
  • Afficher les 44 références

Voir aussi