Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

NOLTE ERNST (1923-2016)

Ernst Nolte - crédits : Daniel Janin/ AFP

Ernst Nolte

Ernst Nolte est un historien et philosophe allemand, ancien professeur à l’université de Marburg et professeur émérite de l’Université libre de Berlin. Ses travaux sur la genèse des totalitarismes (fascisme, nazisme et communisme) sont à l’origine de nombreux débats sur le passé allemand et sur les idéologies du xxe siècle. La controverse la plus importante qu’ils ont suscitée, appelée la « querelle des historiens » (Historikerstreit), a agité la République fédérale d’Allemagne dans les années 1980.

Ernst Nolte est né le 11 janvier 1923 à Witten (Rhénanie-du-Nord–Westphalie), le jour même de l’occupation de la Ruhr par les Français et les Belges. Son père est directeur d’une école primaire catholique et adhère au Zentrum, le parti du centre catholique. Dans un texte rétrospectif, Nolte décrira la peur du bolchevisme nourrie par sa famille et fera remarquer que toute son œuvre peut être lue comme une réaction au sentiment de crise répandu dans la République de Weimar. Toujours selon son propre témoignage, il aurait vécu les années du régime nazi dans une « coquille de noix ». Un handicap congénital à la main gauche lui épargne le service militaire ; il ne partage donc pas l’expérience du front et des combats avec la plupart des jeunes hommes de sa génération. Ainsi, entre 1941 et 1945, Ernst Nolte étudie la philosophie à l’université de Fribourg-en-Brisgau où il est considérablement influencé par Martin Heidegger. Mais celui-ci s’éloigne de l’université après 1945, ce qui l’empêche de diriger la thèse de doctorat de Nolte (« une des plus grandes déceptions de ma vie », écrira-t-il plus tard). Ce dernier est finalement reçu docteur en philosophie avec une thèse dirigée par Eugen Fink sur « l’autoaliénation et la dialectique dans l’idéalisme allemand et chez Marx ». Son parcours professionnel se situe alors pour l’essentiel en dehors de l’université, puisqu’il enseigne l’allemand et le grec dans des établissements secondaires.

L’historien du fascisme

C’est donc en marge du monde universitaire qu’Ernst Nolte prépare l’ouvrage qui le rend célèbre : Le Fascisme dans son époque, publié en 1963 en Allemagne. Cet ouvrage, qui prend la forme d’une trilogie, est une tentative de compréhension historico-phénoménologique de « ce qu’est » le fascisme (plutôt que de poser les questions du « pourquoi » et du « comment ») à travers l’étude de l’Action française, du fascisme italien et du national-socialisme allemand. La première, qui n’a jamais conquis le pouvoir, est considérée par Nolte comme un phénomène précurseur des deux autres, ce qui déclenche une tempête chez les spécialistes français du sujet. Certains reprochent à Nolte un déterminisme inhérent à sa méthodologie. L’ouvrage est cependant reçu comme thèse d’habilitation, et ouvre ainsi la carrière universitaire à son auteur. En 1965, Ernst Nolte échange les classes du secondaire contre une chaire d’histoire contemporaine à l’université de Marburg. Sa réputation repose alors sur son analyse du fascisme dans une perspective non marxiste qui met en évidence les racines européennes du national-socialisme allemand.

À Marburg, Ernst Nolte est d’abord considéré comme un professeur « progressiste », notamment parce qu’il intègre le national-socialisme dans son enseignement, ce qui, à cette période, représente une exception au sein de la science historique allemande. Cependant, face au mouvement estudiantin de la fin des années 1960, Nolte témoigne de plus en plus d’incompréhension en devenant l’un des inspirateurs d’un mouvement de rassemblement des professeurs d’université allemands opposés aux réformes de l’enseignement supérieur. Son passage à l’Université libre de Berlin en 1973 marque la fin de cet engagement. Sa réputation d’historien de gauche s’étiole néanmoins[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : chercheur qualifié FRS-FNRS, maître de conférences à l'université de Liège (Belgique)

Classification

Pour citer cet article

Christoph BRÜLL. NOLTE ERNST (1923-2016) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Ernst Nolte - crédits : Daniel Janin/ AFP

Ernst Nolte

Autres références

  • SHOAH

    • Écrit par Philippe BURRIN
    • 5 912 mots
    • 3 médias
    ...Vidal-Naquet) en niant ce que le génocide des juifs eut de plus spécifique, à savoir les chambres à gaz. D'autres veulent, pour faire « passer le passé » ( Ernst Nolte), dissoudre la singularité de l'événement, comme il apparut de manière exemplaire à la faveur du débat qui agita les historiens d'Allemagne...
  • GÉNOCIDE

    • Écrit par Louis SALA-MOLINS
    • 8 501 mots
    • 1 média
    Achevons avec le cas d'Ernst Nolte. Historien, philosophe, il enseigne à l'Université libre de Berlin. Il signe en juillet 1980 dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung « Entre la légende historique et le révisionnisme : le IIIe Reich dans la perspective de 1980 » et, dans le même journal,...
  • TOTALITARISME

    • Écrit par Brigitte STUDER
    • 1 367 mots
    ...d'interdépendance entre les systèmes détermine la grille d'interprétation. Pour l'une et l'autre approche, des travaux plus anciens servent de référence, Karl Dietrich Bracher et Hannah Arendt, d'un côté, Ernst Nolte, à l'origine de la « querelle des historiens » (Historikerstreit), de l'autre.

Voir aussi