ENFANCE (Les connaissances) La socialisation
L'adolescence
Âge des ruptures, des découvertes, l'adolescence est aussi rupture avec les socialités à fondement affectif : dans la vie familiale, avec les camarades. Pour les uns, d'emblée, joue la sexualité, l'attirance vers l'autre sexe, renforcée par le sentiment que la relation amoureuse autonomise, libère des dépendances à l'égard des parents. Pour d'autres, c'est le groupe monosexué qui joue cette fonction de libération, dans la mesure où il donne, sur le plan culturel, sportif, social, la possibilité de faire succéder aux rôles de jeu des rôles à valeur sociale ; la camaraderie change profondément d'allure, elle se fait par la médiation d'un engagement dans un projet de transformation des modes de vie. L'adolescent aime participer à la fondation des institutions.
L'adolescence est aussi rupture avec la routine du travail scolaire : « À quoi sert... l'histoire, ou le dessin ? » Certes, l'enfant valorisait l'école dans la mesure où elle le guidait vers les pouvoirs adultes. Mais l'adolescent doit définir son projet professionnel, choisir, étant donné ce qu'il constate de ses « aptitudes », ce qu'il croit savoir de ses désirs et de la possibilité de les réaliser dans un métier. Et il doit donc assumer son choix. C'est l'âge où s'affirme le sentiment de la responsabilité à l'égard du soi social : je me dois de planifier mes activités vers la réussite professionnelle, parce que je dois m'affirmer devant les autres. Il y a, dans cet engagement, une pluralité de composantes. Souvent, c'est l'identification à une personne admirée qui l'anime. C'est aussi son adhésion à un système de valeurs qui a cours dans son milieu, et le sujet est alors quelque peu passif dans son « choix ». Mais l'engagement dépend aussi d'un sentiment caractéristique de l'adolescence : celui d'un pouvoir-faire, d'une plénitude de soi, liés à la pulsion sexuelle, renouvelés par la découverte de relations entre des réalités lointaines.
Pourtant, la socialisation de l'adolescent est anxieuse : pourra-t-il réaliser les potentialités qu'il sent affleurer ? en maîtrise-t-il les instruments ? Il en doute. Il se heurte aux interdits, aux critiques, aux ironies des adultes, se révolte, refoule l'attachement qu'il a envers eux, part à la recherche de modèles changeants. Il a besoin de se faire une représentation générale du monde : les idéologies jouent alors un rôle socialisant. Dès avant sa naissance, elles sont intervenues chez ses parents pour orienter leurs pratiques et leurs sentiments, comme elles ont guidé les maîtres et autres éducateurs. À cette imprégnation idéologique inconsciente s'ajoute, dès l'enfance, la rencontre de représentations morcelées des idéaux humains, dans les conversations entendues, dans les leçons (français, histoire, religion), dans les lectures. L'adolescence superpose à ces systèmes syncrétiques de valeurs une tentative de mise en forme, la recherche d'une cohérence, qui est souvent plus apparente que réelle, mais qui a l'avantage de lui indiquer un idéal de soi : même s'il est provisoire, même s'il n'inspire pas vraiment ses actes, cet idéal garantit à l'adolescent qu'il va pouvoir, adulte, intervenir activement dans l'évolution de la société, parvenir à la socialisation responsable. Il est la condition de l'aspiration au dépassement.
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Écrit par
- Philippe MALRIEU : professeur honoraire à l'université de Toulouse.
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Pour citer cet article
Philippe MALRIEU, « ENFANCE (Les connaissances) - La socialisation », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
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