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LITTRÉ ÉMILE (1801-1881)

Émile Littré se confond aujourd'hui avec son grand œuvre, le Dictionnaire de la langue française. On cite le Littré, on l'invoque comme un recours suprême réglant également le bon usage mais ouvrant sur l'histoire de la langue. Plus encore, user du Littré appartient aux pratiques du lecteur lettré ; proximité sémantique offrant comme un emblème de cette entreprise éditoriale qui, en ce xixe siècle de l'encyclopédisme et de la compilation, lui dessine une place à part, et en fait, selon l'expression d'Alain Rey, « un objet social »

Littré, A. Gill - crédits : AKG-images

Littré, A. Gill

Reste que la vie de son auteur excède cette seule tâche, quand bien même elle fut titanesque. Comme l'a souligné Alain Rey dans son étude magistrale et pleine d'acuité sur la place d'Émile Littré dans le panorama intellectuel de son temps, il ne fut ni un écrivain, ni un philosophe positiviste novateur face à Auguste Comte, et encore moins un linguiste au sens moderne du mot. Littré reste un érudit fascinant dont les interventions sont nombreuses, tant en médecine qu'en histoire médiévale. Mais ce philologue représente surtout le témoin d'une vision du monde caractéristique du xixe siècle que l'on délaisse souvent mais qui n'en constitue pas moins le fond politique et intellectuel de cette époque.

Le choix de l'étude

Émile Littré est né le 1er février 1801 à Paris. Il s'y éteindra le 2 juin 1881 ; après une vie calme et réglée consacrée à la passion du savoir et des mots. Son père, après une carrière de sous-officier, entre dans l'administration des contributions indirectes et fonde une famille en épousant Sophie Johannot, fille de Jean-Baptiste Johannot, fabricant de papier à Annonay. Les Lumières de la Révolution française, la libre-pensée, le goût des connaissances et des langues firent le fond de l'éducation d'Émile. Contrairement à la légende de surdoué colportée dès le xixe siècle, il ne fut qu'un élève sérieux et appliqué avant de se hisser parmi les meilleurs grâce à son opiniâtreté. En 1811, il fait ses études au lycée Louis-le-Grand où il a comme coreligionnaires Barthélemy Saint-Hilaire, Eugène Burnouf et Louis Hachette. Il obtient son diplôme de bachelier en 1818, mais ne se dirige pas encore vers les facultés. Il entre comme secrétaire du comte Pierre Daru, académicien et directeur de l'Institut et complète alors son apprentissage des langues, avec l'étude de l'italien, de l'allemand, et bientôt du sanskrit auprès de Barthélemy Saint-Hilaire et de Burnouf qui poursuit ses études à l'école des Chartes. C'est le moment où Littré concède à la rime, en écrivant de la poésie dont le didactisme désuet, n'est plus aujourd'hui que le vestige d'une poétique « scientifique » que le romantisme a voué aux gémonies. Suivront plus tard des entreprises de traduction (Dante notamment) qui relèvent du loisir lettré d'un érudit à la différence de ses autres traductions, comme celle de Pline l'Ancien, qui font toujours autorité.

En 1822, Émile Littré opte enfin pour des études supérieures et s'inscrit à la faculté de médecine. Il sera reçu douzième au concours de l'internat en 1826, mais ne poursuivra pas jusqu'au doctorat et ne sera qu'officier de santé. Il collabore alors au Journal hebdomadaire de médecine (1828-1833) où il donne de nombreux articles et publie Du Choléra oriental (G. Baillière, 1832). En 1837, il lance L'Expérience, journal de médecine et de chirurgie qu'il anime avec Jean-Eugène Dezeimeris (1837-1844).

Si 1830 lui a offert l'occasion d'un engagement politique (il est républicain et a coiffé la casquette des bousingots), son tropisme naturel le voue à l'étude. À sa demande, sa mère lui choisit une épouse, qui lui donnera une fille : Sophie. La sage sécurité de la cellule familiale,[...]

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Pour citer cet article

Jean-Didier WAGNEUR. LITTRÉ ÉMILE (1801-1881) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Littré, A. Gill - crédits : AKG-images

Littré, A. Gill

Autres références

  • COMTE AUGUSTE (1798-1857)

    • Écrit par Bernard GUILLEMAIN
    • 9 502 mots
    • 1 média
    Les disciples d'Auguste Comte ne l'ont pas tous suivi dans sa mission prophétique. Le premier à s'éloigner fut Stuart Mill. Littré ressentit très mal l'approbation donnée au coup d'État de Louis Napoléon et, à la mort du maître, appuya Caroline Massin qui attaquait le testament. Mais les motifs de...
  • DÉTERMINISME

    • Écrit par Étienne BALIBAR, Pierre MACHEREY
    • 9 713 mots
    ...scientifique et qui retournent de celle-ci à celle-là, en passant par les usages philosophiques, l'histoire même du mot est un fil conducteur essentiel. Émile Littré, positiviste de stricte obédience, ne l'inclut pas dans son Dictionnaire de la médecine (écrit en collaboration avec C. Robin). Dans le...
  • DICTIONNAIRE

    • Écrit par Bernard QUEMADA
    • 7 965 mots
    • 1 média
    ...prononciation, de synonymes, étymologiques, analogiques ou idéologiques) en seront les premiers bénéficiaires. Les dictionnaires généraux suivront. Celui d'Émile Littré (1863-1877), le plus célèbre, est surtout le plus représentatif du renouveau méthodologique sinon scientifique de la lexicographie....
  • HIPPOCRATE DE COS (460-env. 370 av. J.-C.)

    • Écrit par Jacques JOUANNA
    • 6 854 mots
    • 1 média
    ...la tradition nous a conservé une soixantaine d'écrits médicaux de langue ionienne que l'on peut lire dans la monumentale édition en dix volumes d'Émile Littré (texte grec avec traduction française), édition qui n'est pas encore totalement remplacée, en dépit des progrès de la philologie hippocratique...

Voir aussi