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DU SPIRITUEL DANS L'ART ET DANS LA PEINTURE EN PARTICULIER, Wassily Kandinsky Fiche de lecture

La première ébauche d'une étude entièrement vouée à la couleur remonte à l'année 1904, alors que Kandinsky (1866-1944) était établi à Munich depuis huit ans. Ce petit texte inédit, intitulé Définition de la couleur, donne déjà la mesure d'une utopie universaliste : « Si la destinée m'accorde assez de temps, écrit le peintre, je découvrirai un nouveau langage international qui existera pour l'éternité et qui s'enrichira continuellement. Et l'on ne l'appellera pas espéranto. Son nom sera peinture. Un mot ancien qui a été utilisé à tort. » Les réflexions que Kandinsky développe à partir de 1904 portent aussi bien sur les effets physiologiques des couleurs que sur leur qualité symbolique ou psychologique. Le modèle théorique qui s'impose tout d'abord à l'artiste est la Farbenlehre de Goethe (Théorie des couleurs, 1811), qu'il entend revisiter à travers sa propre expérience de peintre. Mais l'investigation puise aussi dans des manuels techniques plus anciens, et s'étend jusqu'à l'optique scientifique des couleurs du xixe siècle, dont de nombreux éléments sont résumés dans une autre lecture de jeunesse de Kandinsky : le traité de Paul Signac, D'Eugène Delacroix au néo-impressionnisme (Paris, 1899). Lorsque le fruit de cette recherche paraît en décembre 1911 (avec la date de 1912) chez l'éditeur munichois Reinhard Piper, sous le titre Du spirituel dans l'art et dans la peinture en particulier, le peintre a considérablement mûri son ambition. C'est une redéfinition profonde des moyens et des fins de l'art qu'il engage dans ce premier livre théorique, où des références très précises aux innovations artistiques de son temps alternent avec les fondements d'une esthétique non-figurative.

Le contenu et la forme de l'art

Les huit chapitres de Du Spirituel dans l'art sont divisés en deux grandes parties, « Généralités » et « Peinture ». Cette répartition reflète la jonction établie après coup par l'artiste entre sa « théorie des couleurs » et un raisonnement général exprimant l'exigence d'un renouveau spirituel du contenu artistique. Dans la première partie, Kandinsky lance une polémique contre les tenants de « l'art pour l'art » qui, dans le Jugendstil munichois comme parmi les symbolistes russes, prônent la toute-puissance d'une forme décorative, vouée à l'agrément des sens. Ces invectives ont pris tout leur sens lors de la lecture publique du texte en décembre 1911, au Congrès pan-russe des artistes de Saint-Pétersbourg. Position paradoxale pour l'un des premiers théoriciens de l'abstraction, dont le propos en vient à considérer la forme comme un problème secondaire – l'idée resurgira plus explicitement encore dans son article « Sur la question de la forme », qui paraît au mois d'avril 1912, dans L'Almanach du Cavalier bleu (co-édité avec Franz Marc chez Piper). La mission de l'artiste, définie dans le chapitre « Tournant spirituel », se cristallise dans le modèle messianique qu'offre non seulement la tradition judéo-chrétienne, mais encore la théosophie d'Helena Blavatsky. Kandinsky se réfère à un « climat spirituel », voué à détruire les fondements du positivisme, et dont il relève méthodiquement les « indices » artistiques. Chez Maeterlinck, il observe le dénuement dramatique et l'exploitation sonore du simple matériau verbal : le mot. Dans les quatuors de Schönberg, il salue l'émancipation d'un langage dissonant qui remet fondamentalement en cause la structure « finie » de l'harmonie classique. Devant Cézanne, Picasso et Matisse, il souligne enfin un processus pictural d'isolation et de séparation des moyens : dessin et couleur. La théorie picturale de Kandinsky[...]

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Écrit par

  • : docteur en histoire de l'art, responsable de programmation au musée du Louvre

Classification

Média

Parties diverses, W. Kandinsky - crédits : Städtische Galerie im Lenbachhaus, Munich, Allemagne

Parties diverses, W. Kandinsky

Autres références

  • ART (notions de base)

    • Écrit par
    • 3 284 mots
    Une explication supplémentaire dans l’élucidation du génie nous est apportée au xxe siècle par le peintre Wassily Kandinsky (1866-1944) dans son essai théorique Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier (1911). Le peintre y développe le concept de « nécessité intérieure...