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ANIMALIER DROIT

Tendances actuelles

L'animal, être sensible

Depuis les années 1970, plusieurs textes ont reconnu, dans un domaine déterminé ou de manière générale, de façon spécifique ou à titre incident, en France comme à l'étranger, l'animal comme un « être sensible ». Cette reconnaissance a le plus souvent une valeur proclamative et symbolique, aucun effet concret ne s'y attachant dans les ordres juridiques. Néanmoins, la prise en compte de cette sensibilité a eu pour prolongement, à partir des années 1990, l'apparition et le développement de la notion de « bien-être » animal. De nombreux instruments juridiques ont consacré cette notion au cours des dernières années, spécialement en Europe, au point de l'imposer comme une notion phare du droit animalier contemporain. L'exigence de bien-être animal s'entend du respect de ses besoins essentiels, notamment sur les plans physiologique et éthologique.

La constitutionnalisation

L’animal dans son monde - crédits : L. Casagrande

L’animal dans son monde

Plusieurs pays ont inscrit, dans leur Constitution, des dispositions visant à la protection de l'animal. L'accueil de ce dernier au sommet de la hiérarchie des normes s'est réalisé à travers diverses formules : « protection de l'animal » en Allemagne, prise en compte de « la protection et du bien-être de l'animal » au Luxembourg, respect de la « dignité de la créature » en Suisse, « devoir de compassion » envers les créatures vivantes en Inde, « interdiction de la cruauté » au Brésil. L'insertion de ces dispositions au sommet de l'ordre juridique est un phénomène récent. Débuté en Inde en 1976, il s'est étendu au Brésil en 1988 avant de gagner l'Europe dans les années 1990 et 2000. La présence de l'animal dans le texte le plus important et le plus élevé de l'ordre juridique traduit un changement notable. Il signifie que les règles régissant la relation entre l'homme et l'animal ne doivent plus être abandonnées au législateur. Celui-ci n'est plus libre de définir comme il l'entend les modalités de cette relation. Il est soumis, dans leur détermination, et par la volonté du constituant, au respect d'un ou plusieurs principes juridiques supérieurs. Les dispositions qui y contreviennent, en abaissant les standards ou le niveau de protection, peuvent être censurées par les tribunaux compétents.

La souffrance inutile hors la loi

Corrida dans les arènes de la Monumental, Barcelone - crédits : Natursports/ Shutterstock

Corrida dans les arènes de la Monumental, Barcelone

La notion de « souffrance inutile », qui n'est pas nouvelle en droit animalier, connaît actuellement un regain d'utilisation en vue de justifier l'interdiction des spectacles et attractions impliquant la mise à mort récréative d'animaux. En Suisse, le canton de Genève a adopté en 1974, par votation populaire, une disposition constitutionnelle interdisant purement et simplement la pratique de la chasse. Si celle-ci peut toujours être pratiquée depuis ce référendum, c'est uniquement par des gardes forestiers et aux fins de régulation des espèces. Dans le droit genevois, la chasse n'est plus un sport ni un loisir. Participant de la même logique, le Parlement de Catalogne a voté en juillet 2010 l'interdiction des corridas. La mesure, inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée locale sur initiative populaire, procédait d'une volonté d'affirmer l'identité catalane comme intégrant, davantage que les autres régions espagnoles, les apports de la modernité (en particulier la redéfinition des rapports entre l'humanité et l'animalité sur des bases éthiques). Son adoption a eu un impact symbolique important, y compris en dehors de ses frontières, en montrant qu'une région berceau de la tauromachie pouvait évoluer en abandonnant une pratique jusque-là admise au nom de la tradition.

Les droits fondamentaux

L'une des propositions les plus controversées des promoteurs du droit animalier consiste à étendre aux animaux[...]

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Écrit par

  • : agrégé des facultés de droit, professeur à l'université de Nice-Sophia-Antipolis

Classification

Pour citer cet article

Olivier LE BOT. ANIMALIER DROIT [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le

Autres références

  • ANTISPÉCISME

    • Écrit par
    • 4 127 mots
    • 4 médias
    ...antispécistes de Singer ou de Ryder, alors non traduits, circulaient déjà au sein de groupes comme la Ligue française contre la vivisection (L.F.C.V.). L’adoption, dans la même période, de la notion de spécisme par la Ligue française des droits de l’animal est aussi significative ; créé en 1976, ce collectif...
  • SINGER PETER (1946- )

    • Écrit par
    • 1 482 mots
    ...partie de son temps et de son énergie (ainsi qu’une partie importante de ses revenus) à des causes politiques et sociales : tout particulièrement les droits des animaux, mais aussi la lutte contre la famine et la pauvreté, la protection de l’environnement naturel et le droit à l’avortement. Au cours...
  • ANIMALITÉ

    • Écrit par
    • 7 682 mots
    • 9 médias
    ... morale des hommes à l'égard des animaux pris individuellement » (Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, 2011) : l'utilitarisme de Peter Singer et la théorie des droits des animaux de Tom Regan. Ces deux philosophes sont ceux dont les ouvrages sont les plus traduits et les théories les plus étudiées...