ANIMALIER DROIT

Règles applicables

Les catégories d'animaux

Dans les ordres nationaux comme sur le plan international et régional, il n'existe pas un régime juridique unique et uniforme pour l'ensemble des animaux. La réglementation se caractérise au contraire par la diversité des règles applicables. Selon un procédé habituel, le droit répartit les animaux en différentes catégories juridiques et soumet chacune d'entre elles à des règles spécifiques définies selon la conception que l'homme se fait d'un animal, l'intérêt qu'il lui porte et l'usage auquel il le destine. À la lumière des législations nationales et supranationales, trois grandes catégories d'animaux peuvent être identifiées.

L’exploitation des animaux. - crédits : Branislavpudar/ Shutterstock

L’exploitation des animaux.

La première correspond aux animaux-sujets. Elle s'applique aux animaux regardés comme étant le plus proches de l'homme : animaux de compagnie et, plus largement, animaux domestiques. Le maître mot de cette catégorie est la protection : protection de l'animal, protection de l'homme, protection de leur relation. Ces animaux bénéficient du régime le plus favorable. Il se traduit, en particulier, par l'existence de règles pénales interdisant l'abandon de l'animal et réprimant les mauvais traitements qui lui sont infligés. L'homme lui-même est protégé dans la relation d'affection qu'il peut nouer avec l'animal. L'attachement qu'il lui porte est en effet pris en compte par la jurisprudence dans le contentieux de la responsabilité. Les tribunaux admettent la réparation du préjudice moral ou du préjudice d'affection lié à la perte d'un animal. Lorsque celui-ci décède du fait d'un tiers, son propriétaire pourra demander l'allocation de dommages-intérêts destinés à compenser la tristesse éprouvée.

La deuxième catégorie juridique correspond aux animaux-objets, ceux que le droit ravale à de simples choses. Le maître mot de cette catégorie est l'utilisation. Les animaux qui en relèvent peuvent être utilisés largement par l'homme, y compris par leur mise à mort, sous réserve du respect de règles minimales. Tel est le cas des animaux d' élevage, dont les conditions de vie, de transport et d'abattage font l'objet de réglementations (quant à la dimension des cages ou encore l'exigence de procéder à un étourdissement de l'animal préalablement à son abattage). Il en va de même, par exemple, des animaux utilisés à des fins expérimentales ou à d'autres fins scientifiques. Des textes nationaux et internationaux établissent des garde-fous qui finalisent et encadrent le recours aux animaux de laboratoire (nécessité d'établir l'utilité scientifique de l'expérience, définition des conditions de son déroulement en vue de limiter la douleur infligée).

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La troisième catégorie envisagée par le droit correspond aux animaux sauvages. Le maître mot de celle-ci est la régulation. Les animaux qui en relèvent sont des res nulius, des choses sans maîtres vivant à l'état de liberté naturelle. Ils ne sont pas appréhendés en tant qu'individus dans le cadre de ce régime, mais plutôt perçus comme un stock qu'il convient de gérer (en plus ou en moins) : autoriser des « prélèvements » (la froideur du terme exprimant cette logique purement technicienne) lorsqu'il augmente ; les interdire lorsqu'il diminue et se raréfie au point de menacer la survie d'une espèce (qui sera alors protégée en tant qu'elle est menacée de disparition).

Le statut juridique

Quelle que soit la catégorie juridique dont il relève, l'animal est appréhendé par le droit comme un bien. Il est réifié par le droit, sa situation juridique étant calquée sur celle des choses. Toutes les législations retiennent cette qualification, avec de simples nuances d'un pays à l'autre.

L'effet de cette qualification est aisé à saisir, tout comme son intérêt pour l'homme : l'animal est juridiquement assimilé à un bien, et en suit par conséquent le régime. En tant que chose, il peut être l'objet d'un vol, d'une escroquerie, d'un abus de confiance ou encore d'un recel. De même, sur le plan civil, l'animal est regardé comme un bien, meuble ou immeuble. Le possesseur dispose à son égard de tous les attributs du droit de propriété. Il peut l'utiliser, le vendre, le détruire, l'animal servant alors – dans cette hypothèse – de matière première ou de matériau.

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De nos jours, un nombre croissant de juristes contestent l'assimilation de l'animal à une chose, en mettant en avant le caractère artificiel et inadapté de cette qualification. Artificiel car, d'un point de vue physique, il apparaît immédiatement qu'un animal ne peut être réduit à une chose. Inadapté également, le régime des biens ne correspondant pas à la qualité d'être vivant et sensible de l'animal. Le législateur est contraint – ce qui est l'aveu du caractère insatisfaisant de cette qualification – d'apporter des dérogations spécifiques tenant compte de sa nature.

Pour autant, si un consensus se fait jour pour pointer les limites de cette qualification, force est de constater la difficulté à bâtir une qualification alternative. Plusieurs formules sont envisagées : reconnaissance de l'animal comme un « bien spécial » (soumission de principe au régime des biens avec introduction de dérogations tenant compte de sa nature) ; rattachement à la catégorie des « personnes » (une personnalité animale voyant le jour à côté des personnes physiques et des personnes morales) ; création d'une catégorie des « êtres », englobant les personnes et les animaux ; ou enfin création d'une catégorie spécifique des « animaux », distincte de celles des biens et des personnes.

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  • : agrégé des facultés de droit, professeur à l'université de Nice-Sophia-Antipolis

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