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DÉTROITS ET ISTHMES

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Des espaces à aménager et à entretenir

Pour remplir leur fonction de passage de façon optimale et résister à la pression des flux qui les traversent, ces couloirs intenses de la circulation maritime que sont les détroits et canaux doivent s’adapter en permanence. En effet, dans ces espaces resserrés et moins profonds que la haute mer, soit les difficultés de navigation imposent des limitations de vitesse, voire de tonnages, soit les volumes en transit y rendent la navigation hasardeuse et beaucoup plus lente. La notion de choke point ou « goulet d’étranglement » souligne cette distorsion entre une demande croissante de passages dans les détroits et canaux et l’offre limitée des capacités de transit, tant en nombre qu’en taille des navires ou bien en fonction de la capacité de charge limite des détroits, différente d’un lieu à l’autre. Les armements (c’est-à-dire les équipements navals) se sont ainsi adaptés aux normes d’architectures navales dites « max » (Panamax, Suezmax, Malaccamax). Dans ces lieux où les routes maritimes se rejoignent en faisceaux denses, les risques de collisions sont grands car la fréquentation est intense : au début des années 2020, en moyenne 85 000 navires transitent chaque année par le détroit de Malacca, soit environ dix navires à chaque heure, la capacité de charge limite étant fixée à 100 000 navires par an. À titre de comparaison, 21 000 navires sont passés par le canal de Suez en 2021, année où le trafic dans le canal fut pourtant interrompu pendant sept jours à cause de l’échouage d’un porte-conteneur géant de l’armateur taïwanais Evergreen Marine Corporation. Pour éviter les accidents, les États riverains ont aménagé les détroits internationaux : dispositifs de séparation du trafic par la mise en place de rails montants et descendants (détroits d’Ormuz, de Malacca, de Gibraltar, et pas de Calais), radars de suivis, systèmes d’aide à la navigation (phares, bouées mais aussi systèmes de navigation par satellite). Ces aménagements sont même rendus obligatoires par l’article 43 de la convention de Montego Bay qui stipule que les États riverains sont responsables de la sécurité de navigation dans les détroits. Si ce même article mentionne que le financement de ces infrastructures doit peser autant sur les États côtiers que sur les utilisateurs, dans les faits, ces charges incombent presque exclusivement aux premiers. Dans les années 1990, les gouvernements indonésien et malaisien ont même dénoncé le fait que la législation exige, sans aucune compensation, que des pays pauvres financent les infrastructures de sécurisation du détroit de Malacca alors qu’elles servent essentiellement les intérêts des armateurs, des multinationales et donc des pays riches. Face au problème de la charge financière de l’entretien de ce genre d’infrastructures, l’Organisation maritime internationale (OMI), qui est l’institution des Nations unies spécialisée dans le domaine du transport maritime depuis 1948, a mis en place en 2007 un « système de coopération » visant à une meilleure répartition des coûts entre les acteurs.

Vue satellite du canal de Suez - crédits : USGS/ NASA Landsat/ Orbital Horizon/ Gallo Images/ Getty Images

Vue satellite du canal de Suez

Les évolutions technologiques, notamment le gigantisme naval, peuvent être à l’origine d’un déclassement de certains passages, qui deviennent sous-calibrés par rapport à la demande. Le canal de Panamá a ainsi été progressivement relégué à un second plan dans les échanges internationaux. Si, jusqu’à la fin des années 2000, les flux de fret conteneurisé maritime entre l’Asie du Nord-Est (Japon, Corée, Chine, Taïwan et Hongkong) et la côte est des États-Unis transitaient à 90 % par le canal de Panamá, cette part est tombée à 60 % en 2014 : les compagnies maritimes lui préféraient souvent la route via le canal de Suez car, en dépit de ces 1 200 miles supplémentaires et un allongement de cinq jours du trajet, celle-ci offre l’avantage[...]

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Écrit par

  • : professeure agrégée de géographie, maître de conférences, université Paris Cité

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Pour citer cet article

Nathalie FAU. DÉTROITS ET ISTHMES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 12/12/2022

Médias

Principaux points de passage maritimes mondiaux - crédits : Encyclopædia Universalis France

Principaux points de passage maritimes mondiaux

Détroit de Gibraltar vu depuis l’espace - crédits : HUM Images/ Universal Images Group/ Getty Images

Détroit de Gibraltar vu depuis l’espace

Détroit de Singapour - crédits : Doug Armand/ Stone/ Getty Images

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