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COLBERTISME

Une politique agricole

En ce qui concerne la production agricole et son écoulement, l'action de Colbert se borne à peu de chose. Les céréales – et notamment le blé – étant de première nécessité pour le pays et ne pouvant pas être produites en quantité suffisante, il était de bonne politique d'en approvisionner le royaume par tous les moyens : alors que Colbert entrave l'importation des produits industriels et en favorise l'exportation, il autorise toujours au contraire l'importation des produits agricoles et n'en permet l'exportation que dans certains cas déterminés. Le « système pourvoyeur » ou annonaire confiait depuis longtemps au souverain la police des subsistances, pour lui permettre d'assurer les approvisionnements en grains, à quelque prix que ce soit. Colbert, sans doute impressionné par les famines qui marquent les deux premières années de son administration, conserve ce fameux système pourvoyeur, mais en travaillant surtout à abaisser le plus possible le prix du blé. Parfois même, pour combattre la famine, il achète du grain à l'étranger et le fait distribuer presque gratuitement, surtout dans les villes.

Ne voyons pas là un témoignage de quelconques préoccupations sociales de la part de Colbert : il pense, non pas aux intérêts des particuliers, mais à la grandeur de l'État, à sa puissance qui serait directement ébranlée si la vie économique était troublée par une famine. De même, il est certain que Colbert ne poursuit pas un but social lorsqu'il s'attaque aux inégalités dans la répartition de l'impôt ; s'il cherche à obtenir la proportionnalité dans l'impôt entre les provinces, entre les différentes classes sociales, c'est encore pour mieux asseoir les finances du royaume, et par là son économie tout entière. Il note par exemple, avec justesse, l'exemple de communes dépeuplées par l'impôt ; il ne cesse, dans ses mémoires au roi, de rappeler la nécessité d'impôts modérés et justes, la nécessité de l'équilibre budgétaire, non dans une optique sociale, mais bien pour éviter les catastrophes économiques : « Si le roi veut continuer à excéder chaque année les recettes de 4 ou 5 millions, c'est la ruine. »

Les destinées du colbertisme

Moins de vingt ans après la mort de Colbert, sa politique économique est mise publiquement en accusation. Trois facteurs y contribuent : la révocation de l'édit de Nantes entraîne « la fuite des religionnaires qui ont emporté beaucoup d'argent, de bonne têtes capables et de bons bras » ; les guerres épuisantes de la fin du règne de Louis XIV ont vite raison de l'équilibre financier, des tentatives d'égalité fiscale, et portent un coup pénible au commerce français ; les successeurs de Colbert compromettent le colbertisme, non pas en prenant le contre-pied de cette politique, mais en exagérant ses exigences, la réglementation postcolbertienne condamnant les manufactures à l'immobilisme.

Les jugements ultérieurs seront moins sévères pour le colbertisme. D'une part, on a reconnu que si l'expansion maritime et commerciale, pour laquelle le contrôleur général des Finances avait tant œuvré, a tourné court, c'est en raison de l'indifférence de ses successeurs : Colbert avait arraché la France à ses seules préoccupations continentales et il n'y a point de sa faute si par la suite elle revint à ses errements anciens et si Voltaire crut bon un jour de proclamer que la France pouvait être heureuse sans Québec. Et, d'autre part, tous les historiens reconnaissent que Colbert a dessiné la carte industrielle de la France ; après une période de marasme entre 1690 et 1715, les résultats de sa politique économique se maintiennent ou se renforcent : forges, galeries, papeteries, savonneries, manufactures de laine ou de soie, fabriques de meubles ou de [...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris

Classification

Pour citer cet article

Jean IMBERT. COLBERTISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANCIEN RÉGIME

    • Écrit par Jean MEYER
    • 19 103 mots
    • 3 médias
    La Fronde donna le coup d'arrêt, Colbert le coup de grâce aux prétentions des officiers. La personnalité de celui qui a passé (et passe encore) pour le plus grand ministre français a été passionnément discutée. L'homme privé était, on peut le craindre, non seulement difficilement vivable, mais assez...
  • BOURGEOISIE FRANÇAISE

    • Écrit par Universalis, Régine PERNOUD
    • 7 659 mots
    Colbert est très représentatif de la bourgeoisie du commerce et des manufactures pour laquelle l'autre fraction de la bourgeoisie – la noblesse de robe – laisse percer quelque dédain, mais qui n'en est pas moins la partie la plus dynamique de cette classe et, probablement aussi, de la nation. Au service...
  • COLBERT JEAN-BAPTISTE (1619-1683)

    • Écrit par Jean-Marie CONSTANT
    • 946 mots
    • 1 média

    Une légende tenace faisait de Colbert le fils d'un marchand drapier de Reims. Les historiens ont eu raison de ce mythe en montrant que le grand ministre était issu d'une dynastie de grands marchands internationaux, banquiers et financiers. Laboureurs à la fin de la guerre de Cent Ans, entre Reims...

  • PATRIMOINE INDUSTRIEL (France)

    • Écrit par Bruno CHANETZ, Laurent CHANETZ
    • 6 548 mots
    • 2 médias
    Le mélange des intérêts privé et public, souligné dans le cas des Salines royales, est constant sous la monarchie française. Ce sera la marque du colbertisme, mais la pratique était en réalité plus ancienne. La manufacture royale des Gobelins doit son essor à Henri IV, qui y installe en 1601 deux...
  • Afficher les 7 références

Voir aussi