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COLBERTISME

Une politique industrielle

Pour accroître la quantité du numéraire du royaume, il est nécessaire de diminuer les importations de l'étranger : protéger la production nationale, écouler au-dehors les objets fabriqués dans le royaume ne sont qu'une première étape. Colbert devra par son action développer l'industrie française ; les manufactures nouvelles permettront à la France d'éviter les achats à l'étranger et, le cas échéant, d'exporter à son tour. « Sollicitez fortement le particulier qui veut entreprendre un établissement de le réussir et, s'il a besoin de la protection du roi, vous pouvez lui assurer qu'elle ne lui manquera pas. » Ce conseil de Colbert à l'un de ses mandataires à Lille est suivi d'effets : les manufactures se multiplient.

La protection des manufactures

Dans ce domaine encore, Colbert n'innove pas : il pense rétablir et multiplier les manufactures qu'il croit avoir été florissantes sous le règne d'Henri IV. Son succès vient de son énergie et de sa persévérance : il commence par entreprendre dans toute la France une enquête qui le renseigne sur les ressources économiques des diverses provinces, sur la main-d'œuvre dont elles disposent et enfin sur les avantages qu'il y aurait pour ces contrées à avoir des manufactures. Il s'entoure lui-même de gens actifs : le Conseil du commerce, créé en 1664, rassemble des fonctionnaires royaux et des délégués de dix-huit villes manufacturières ; certains de ses collaborateurs, tel Camuset, sont chargés d'introduire des fabriques de tricot ; d'autres, les frères Dalliez, veillent à la création de fonderies ; Mme de La Petitière a pour mission de développer la fabrication des dentelles et des broderies.

Pour assurer le lancement de la manufacture, il faut des capitaux : Colbert fait preuve ici d'un réalisme efficace et tous les moyens sont concurremment employés pour aboutir. Parfois, les capitaux sont fournis uniquement par le roi : les manufactures sont alors propriété de l'État, assez peu nombreuses à la vérité (les Gobelins, la Savonnerie, des ateliers militaires ou des manufactures d'armes comme Saint-Étienne). Dans la plupart des cas, le roi ou une collectivité publique finance au départ une entreprise, par des prêts, des subventions, ou en souscrivant à des actions : officiellement, cette « manufacture royale » a le droit de sortir des produits « aux armes de Sa Majesté ». Enfin, dans la mesure du possible, mais c'est une solution très rarement adoptée, Colbert laisse jouer l'initiative privée, en encourageant les particuliers à créer des sociétés capitalistes, des compagnies comme celles qu'il favorisait en vue du commerce extérieur.

Il ne s'agit pas seulement de financer l'entreprise, il faut aussi lui permettre de concurrencer l'étranger, et c'est grâce aux initiatives de Colbert que les manufactures créées sous son égide ne connaissent pas le sort des entreprises de Laffemas qui s'étaient soldées au début du siècle par un échec. Colbert s'efforce d'attirer en France des fabricants étrangers réputés dans leur métier : l'un des exemples les mieux connus est celui de Van Robais (de Middelbourg) qui fonde à Abbeville une grande manufacture de draps fins et reçoit à cet effet un prêt de 80 000 livres et un don de 20 000 livres. Pour permettre l'essor des industries retardataires, le contrôleur général n'hésite pas à faire venir des ouvriers de tous pays. Ainsi les Vénitiens sont des ouvriers habiles dans l'art de couler les glaces, tandis que la France en manque : des démarcheurs vont les solliciter à domicile et, à prix d'or, en ramènent à la manufacture royale. À Liège, on recrute des fondeurs de cuivre, en Espagne des chapeliers, en Italie des brodeurs, en Allemagne des fondeurs et des mineurs, etc. Encore fallait-il empêcher la désertion des ouvriers qualifiés[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris

Classification

Pour citer cet article

Jean IMBERT. COLBERTISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANCIEN RÉGIME

    • Écrit par Jean MEYER
    • 19 103 mots
    • 3 médias
    La Fronde donna le coup d'arrêt, Colbert le coup de grâce aux prétentions des officiers. La personnalité de celui qui a passé (et passe encore) pour le plus grand ministre français a été passionnément discutée. L'homme privé était, on peut le craindre, non seulement difficilement vivable, mais assez...
  • BOURGEOISIE FRANÇAISE

    • Écrit par Universalis, Régine PERNOUD
    • 7 659 mots
    Colbert est très représentatif de la bourgeoisie du commerce et des manufactures pour laquelle l'autre fraction de la bourgeoisie – la noblesse de robe – laisse percer quelque dédain, mais qui n'en est pas moins la partie la plus dynamique de cette classe et, probablement aussi, de la nation. Au service...
  • COLBERT JEAN-BAPTISTE (1619-1683)

    • Écrit par Jean-Marie CONSTANT
    • 946 mots
    • 1 média

    Une légende tenace faisait de Colbert le fils d'un marchand drapier de Reims. Les historiens ont eu raison de ce mythe en montrant que le grand ministre était issu d'une dynastie de grands marchands internationaux, banquiers et financiers. Laboureurs à la fin de la guerre de Cent Ans, entre Reims...

  • PATRIMOINE INDUSTRIEL (France)

    • Écrit par Bruno CHANETZ, Laurent CHANETZ
    • 6 548 mots
    • 2 médias
    Le mélange des intérêts privé et public, souligné dans le cas des Salines royales, est constant sous la monarchie française. Ce sera la marque du colbertisme, mais la pratique était en réalité plus ancienne. La manufacture royale des Gobelins doit son essor à Henri IV, qui y installe en 1601 deux...
  • Afficher les 7 références

Voir aussi