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COLBERTISME

Colbert, le plus grand des « grands commis » de la royauté française, a donné son nom à un système économique original qui, selon le mot de Blanqui dans son Histoire de l'économie politique (1837), était « complet et conséquent, dans toutes ses parties ». Pourtant, tous les historiens – et Blanqui lui-même dans une certaine mesure – sont d'accord pour considérer que Colbert n'a pas inventé une doctrine neuve, comparable par exemple à celle des physiocrates ou à celle de Marx. Bien des théoriciens, et quelques-uns de ses prédécesseurs dans la direction des affaires publiques, avaient pensé, en France même, que l'argent constitue la fortune d'un État et qu'« il n'y a que l'abondance d'argent qui fasse la différence de sa grandeur et de sa puissance ». Et ces doctrinaires français ne faisaient que se rallier à un courant plus général, né au cours du xvie siècle, le « mercantilisme ».

À la base du système mercantiliste, ce principe essentiel : la richesse d'un État est avant tout fonction de l'accumulation des métaux précieux. En conséquence, puisque cette conquête des métaux précieux doit être la préoccupation principale des gouvernements, d'une part la nation qui possède des mines d'or, d'argent ou de cuivre doit s'efforcer d'empêcher la fuite de ces métaux précieux, et celle qui n'en a pas doit les attirer par l'échange et en freiner la sortie ; d'autre part, pour aboutir à cette balance favorable, il faut établir un contrôle constant de l'État, d'où la nécessité d'une politique dirigiste : à l'intérieur, réglementation du commerce et de l'industrie ; aux frontières, contrôle douanier ; au-dehors, recherche des débouchés.

Il est vrai que toutes ces thèses ont été défendues, avant et après Colbert, aussi bien en France que dans d'autres pays européens. L'originalité de Colbert et du colbertisme ne doit donc pas être cherchée dans les principes mêmes du régime économique qu'il préconise : elle apparaît en pleine lumière, semble-t-il, dans deux directions. D'une part, alors que le mercantilisme se présente ailleurs comme « une philosophie de comptable hargneux » (tel Laffemas qui, sous Henri IV, souhaitait que tous les importateurs soient pendus et étranglés), Colbert a fait de ces pratiques de gagne-petit un système prestigieux de gouvernement, où apparaît un souci inégalé de puissance et de grandeur. D'autre part, jamais avant Colbert un homme d'État n'a poussé aussi loin, ne s'est efforcé de réaliser avec autant d'efficacité, jusque dans les moindres détails, toutes les conséquences qu'entraînait, logiquement, le mercantilisme : si l'Espagne et la France sont toutes deux mercantilistes, la première voit son économie sombrer au moment même où la seconde connaît une expansion sans précédent, parce que Colbert n'a négligé aucun aspect du système mercantiliste. Pour retracer l'histoire du colbertisme, c'est donc de toute l'économie française de l'époque qu'il faudrait évoquer les orientations.

Une politique commerciale

Pour Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), comme pour ses contemporains mercantilistes, la possession des métaux précieux est fondamentale pour la puissance de l'État, but suprême de l'ancien « domestique » (entendons : secrétaire particulier) de Mazarin, devenu contrôleur général des Finances après la disgrâce de Fouquet. Or, constate Colbert, « il n'y a qu'une même quantité d'argent qui roule dans toute l'Europe, et qui est augmentée de temps en temps par celui qui vient des Indes occidentales ». Pour multiplier l'argent, disait-il, « il faut l'attirer du dehors et le conserver au-dedans », ou encore : « Il est certain que pour augmenter les 150 millions qui roulent dans le public de[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris

Classification

Pour citer cet article

Jean IMBERT. COLBERTISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANCIEN RÉGIME

    • Écrit par Jean MEYER
    • 19 103 mots
    • 3 médias
    La Fronde donna le coup d'arrêt, Colbert le coup de grâce aux prétentions des officiers. La personnalité de celui qui a passé (et passe encore) pour le plus grand ministre français a été passionnément discutée. L'homme privé était, on peut le craindre, non seulement difficilement vivable, mais assez...
  • BOURGEOISIE FRANÇAISE

    • Écrit par Universalis, Régine PERNOUD
    • 7 659 mots
    Colbert est très représentatif de la bourgeoisie du commerce et des manufactures pour laquelle l'autre fraction de la bourgeoisie – la noblesse de robe – laisse percer quelque dédain, mais qui n'en est pas moins la partie la plus dynamique de cette classe et, probablement aussi, de la nation. Au service...
  • COLBERT JEAN-BAPTISTE (1619-1683)

    • Écrit par Jean-Marie CONSTANT
    • 946 mots
    • 1 média

    Une légende tenace faisait de Colbert le fils d'un marchand drapier de Reims. Les historiens ont eu raison de ce mythe en montrant que le grand ministre était issu d'une dynastie de grands marchands internationaux, banquiers et financiers. Laboureurs à la fin de la guerre de Cent Ans, entre Reims...

  • PATRIMOINE INDUSTRIEL (France)

    • Écrit par Bruno CHANETZ, Laurent CHANETZ
    • 6 548 mots
    • 2 médias
    Le mélange des intérêts privé et public, souligné dans le cas des Salines royales, est constant sous la monarchie française. Ce sera la marque du colbertisme, mais la pratique était en réalité plus ancienne. La manufacture royale des Gobelins doit son essor à Henri IV, qui y installe en 1601 deux...
  • Afficher les 7 références

Voir aussi