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GLUCK CHRISTOPH WILLIBALD VON (1714-1787)

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« Une belle simplicité »

La relative incompréhension dont Gluck est victime aujourd'hui vient en partie de ce que l'essentiel de son apport à l'histoire de l'opéra est d'ordre architectural : or il faut bien reconnaître que le spectateur moderne, habitué aux finales mozartiens et à la continuité wagnérienne, n'éprouve aucune admiration ni surprise particulière devant de grandes scènes d'action comme la confrontation entre Orphée et les Furies, ou la succession haletante d'événements sur laquelle se termine Iphigénie en Tauride. De même, la « belle simplicité » postulée par Calzabigi dans sa préface d'Alceste laisse parfois une certaine impression de fadeur, alors même que les contemporains y voyaient la mise à nu des émotions essentielles de l'âme humaine, la traduction musicale authentique des modèles euripidiens. La réhabilitation de Gluck passera sans doute par la redécouverte d'un style d'interprétation vigoureux et coloré, en particulier dans les récitatifs : à cet égard, il faut signaler que Calzabigi avait réclamé pour ses opéras viennois des chanteurs formés à l'opéra bouffe, et que Gluck apportait un soin maniaque aux représentations de ses tragédies lyriques parisiennes. Mais l'originalité de Gluck est tout autant à chercher dans les détails de son écriture musicale : c'est à Berlioz et à Donald Tovey, en particulier, que revient le mérite d'avoir attiré l'attention sur la diversité des carrures métriques dans des airs comme « Divinités du Styx » (Alceste, acte I, scène vii) ou « Peuvent-ils ordonner qu'un père » (Iphigénie en Aulide, acte I, scène iii), révélant un contrôle souverain du débit dramatique et du temps musical. Analysé d'aussi près, Gluck apparaît paradoxalement comme un maître de l'irrégularité et du déséquilibre dynamique – preuve que le néo-classicisme des Lumières n'était pas si austère et si solennel qu'on veut bien le croire.

— Michel NOIRAY

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, chargé de recherche au C.N.R.S.

Classification

Pour citer cet article

Michel NOIRAY. GLUCK CHRISTOPH WILLIBALD VON (1714-1787) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 21/03/2024

Médias

Christoph Willibald von Gluck - crédits : Heritage Arts/ Getty Images

Christoph Willibald von Gluck

Christoph Willibald von Gluck - crédits : Archive Photos/ Getty Images

Christoph Willibald von Gluck

Autres références

  • ALCESTE (C. W. von Gluck), en bref

    • Écrit par
    • 226 mots

    Dès Orfeo ed Euridice en 1762, Christoph Willibald von Gluck affiche son ambition : réformer l'opéra. Sclérosé à ses yeux par un siècle d'opera seria italien dévolu à la virtuosité vocale et aux délices du bel canto, au détriment de la vérité dramatique, le genre a besoin d'être...

  • ORFEO ED EURIDICE (C. W. von Gluck)

    • Écrit par
    • 1 352 mots

    Cet Orphée fameux est une œuvre fondatrice qu'il est difficile d'appréhender sous un angle unique : Christoph Willibald von Gluck (1714-1787) en laissa deux versions distinctes : Orfeo ed Euridice, « azione teatrale », et Orphée et Eurydice, « drame héroïque » ; ces deux versions...

  • ALTO

    • Écrit par
    • 982 mots
    • 8 médias
    ...abandonné à des violonistes manqués. À l'orchestre, par sa position entre le violon et le violoncelle, il a longtemps tenu un rôle de « remplissage ». Christoph Willibald von Gluck sera le premier compositeur à donner à l'alto un rôle original, dans le récit d'Oreste d'Iphigénie en...
  • ANGIOLINI GASPARO (1731-1803)

    • Écrit par
    • 357 mots

    Chorégraphe, librettiste, compositeur et théoricien italien, Gasparo Angiolini fut l'un des premiers à mêler danse, musique et intrigue dans des ballets dramatiques.

    Né le 9 février 1731, à Florence, Gasparo Angiolini (de son vrai nom Domenico Maria Angelo Gasparini) devient en 1757 maître...

  • BERLIOZ HECTOR (1803-1869)

    • Écrit par
    • 4 247 mots
    • 3 médias
    ...bibliothèque du Conservatoire de musique (« École royale de musique » sous la Restauration), il peut étudier les partitions de ces opéras, notamment celles de Gluck, auquel Berlioz voue une admiration sans faille, comme le montrent ses efforts pour faire renaître Orphée en 1859 et Alceste en 1861 et 1866. Quand...
  • BOUFFONS QUERELLE DES

    • Écrit par
    • 1 976 mots
    Le grand vainqueur de la querelle des Bouffons fut, vingt ans après, Gluck. Le premier sur le plan dramatique, sans renier l'apport de Rameau, il apporta à la musique française, avec ses chefs-d'œuvre, les deux Iphigénie, Orphée, Alceste et Armide, ce qu'avaient réclamé les partisans d'un...
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