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LA FOSSE CHARLES DE (1636-1716)

Son époque, comme sa formation et son tempérament, ont mené Charles de La Fosse au cœur des transformations de l'esthétique picturale française, dans la seconde moitié du xviie siècle. Fils d'un orfèvre parisien, il est l'élève du puissant Charles Le Brun, qui l'emploie pour une décoration du séminaire Saint-Sulpice. En 1658, il entreprend un voyage de cinq années en Italie et il passera plus de temps à Venise et à Parme qu'à Rome. Dès son retour, il participe, avec l'équipe de Le Brun, à toutes les grandes commandes de la fin du siècle : aux Tuileries d'abord, ensuite aux grands appartements de Versailles (où son rôle est important), puis à Trianon.

Peu après sa réception à l'Académie royale de peinture, en 1673, il exécute des décorations pour des églises parisiennes, avant de partir pour Londres (avec le peintre Monnoyer) dans le sillage de l'ambassadeur anglais (1690-1692). Quatre ans après la mort de Pierre Mignard, il devient directeur de l'Académie (1699) et, grâce à l'appui du surintendant Jules Hardouin-Mansart, se voit confier des travaux dans deux grandes décorations religieuses de la fin du règne de Louis XIV : la coupole de la chapelle des Invalides (1702-1705) et l'abside de la chapelle de Versailles, à la composition mouvementée (1709). Installé chez le financier Crozat (il a peint sa galerie), il va rencontrer chez lui toute la nouvelle génération d'artistes (dont Watteau) et d'amateurs.

Œuvres décoratives, grands ensembles religieux, la carrière de La Fosse, dédiée au grand genre, est bien remplie ; son art est présent dans les programmes les plus significatifs de la peinture d'histoire de son temps. C'est pourtant un homme situé au confluent de deux courants esthétiques : le sensualisme et l'idéalisme, dont l'opposition a pris corps autour de ce qu'on a appelé la querelle des coloristes et des dessinateurs. Il est pourtant exactement lié aux deux tendances : élève de Le Brun, le dessinateur partisan de Nicolas Poussin, et ami de Roger de Piles, le coloriste champion de Rubens. On connaît l'issue du combat dont l'âpreté a été excitée par des dogmatiques, puis par des historiens de l'art polémistes ; dès que le pouvoir royal n'a plus appuyé suffisamment la recherche d'un idéal de l'image, d'un art intellectuel, défendu par l'Académie royale de peinture, « école du crayon, commune aux peintres et aux sculpteurs » (B. Teyssèdre), les amateurs privés et les grands marchands ont pu faire triompher la peinture faite pour satisfaire les sens (« les yeux sont les portières de l'âme »). Sous l'accès d'une sensibilité nouvelle, le rempart des formes pures a cédé. Et tout autant que la victoire de l'opulente peinture de Rubens, c'est aussi la revendication du luminisme subtil des Vénitiens et de Corrège. On voit bien chez La Fosse cette hésitation, due sans doute à sa formation classique qui bride un peu sa liberté (L'Enlèvement de Proserpine, 1673), tandis que, sept ans plus tard, il affirme un goût de la dynamique et des carnations claires, proche de Rubens (Le Sacrifice d'Iphigénie, château de Versailles). Même dans ses dessins, les formes sont lourdes et pleines, un peu courtes, et il se révèle plus un sensuel qu'un visionnaire par ses contrastes de coloris dus au mélange de la pierre noire et de la sanguine. Certaines œuvres, comme Clythie changée en tournesol pour Trianon, annoncent la composition et l'éclairage nouveaux, avec le charme aimable de la peinture du début du xviiie siècle. Avant même l'entrée de Roger de Piles comme conseiller à l'Académie royale de peinture en 1699, l'œuvre de La Fosse témoigne d'un engagement aux côtés des tenants de la nouvelle sensibilité : Antoine Coypel, Desportes et les portraitistes Largillière[...]

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Écrit par

  • : historien de l'art, chargé de mission à la Caisse nationale des monuments historiques et des sites

Classification

Pour citer cet article

Jean-Pierre MOUILLESEAUX. LA FOSSE CHARLES DE (1636-1716) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LE BRUN CHARLES (1619-1690)

    • Écrit par Jennifer MONTAGU
    • 3 114 mots
    • 3 médias
    ...limites du plan décoratif général qui ne variera pas. Cela est vrai, même des peintres qui avaient reçu leur formation dans l'atelier de Le Brun, tel Charles de La Fosse, dont le plafond du salon d'Apollon a une luminosité et une délicatesse de couleur qui ne doivent rien à l'enseignement de son maître....

Voir aussi