DREYER CARL
Carte mentale
Élargissez votre recherche dans Universalis
Avec Le Cuirassé Potemkine d'Eisenstein, La Passion de Jeanne d'Arc de Dreyer est sans doute le film le plus célèbre du cinéma muet. Des générations de cinéphiles ont recueilli avec ferveur cette liturgie de visages tourmentés, ces face-à-face tragiques de gros plans sans autre fard que la lumière la plus crue, dans un décor réduit à quelques voûtes obsédantes, où les soldats casqués se glissent et courbent l'échine en silence, menaçants, lointains, pas même hostiles.
Antonin Artaud dans
Le poète et acteur français Antonin Artaud dans La Passion de Jeanne d'Arc (1928), film muet du réalisateur danois Carl Dreyer (1889-1968), d'après Joseph Delteil.
Crédits : Henry Guttmann/ Getty Images
C'est à partir de ce film que s'est développée la légende du réalisateur danois Dreyer. On l'a dit austère, froid, rigoureux, exigeant. Et, comme en sa longue carrière il n'a fait que quatorze films, on n'a pas manqué de le comparer à Bresson. Une telle réputation ne pouvait qu'ouvrir un immense fossé entre l'œuvre et le public. Le dernier film de Dreyer en a fait les frais, dans des circonstances honteuses pour une bonne majorité de la critique française : Dreyer était venu à Paris présenter Gertrud en décembre 1965. L'accueil fut d'une rare méchanceté. Bien sûr, cette œuvre si simple, qui tournait le dos à la mode, n'avait rien pour séduire un public friand de « tape à l'œil ». On s'empressa de reparler de Jeanne d'Arc, ce monument classé, plutôt que d'ouvrir les yeux sur la nouveauté secrète et profonde de Gertrud. Dreyer repartit à Copenhague, continua de préparer calmement des projets qui lui tenaient à cœur depuis longtemps, entre autres une « Vie de Jésus ».
La nudité des visages
Si l'œuvre de Dreyer peut paraître difficile, c'est seulement parce que cet homme astucieux et inventif n'a jamais pris deux fois le même chemin. Peut-être parce qu'il a peu tourné, chacun de ses films s'est nourri d'une longue réflexion, et donc aussi d'une critique impitoyable de ce qui fut fait, de telle sorte que chaque film apparaît comme une aventure neuve, une expérience originale.
Les films muets qui aboutissent à La Passion de Jeanne d'Arc sont marqués par l'expressionnisme et, à travers lui, par l'influence plus souterraine, mais plus décisive, de Griffith, d'une d [...]
1
2
3
4
5
…
pour nos abonnés,
l’article se compose de 3 pages
Écrit par :
- Jean COLLET : docteur ès lettres, professeur à l'université de Paris-V-René-Descartes, critique de cinéma
Classification
Autres références
« DREYER CARL (1889-1968) » est également traité dans :
DREYER CARL - (repères chronologiques)
3 février 1889 Naissance d'un enfant sans nom à Copenhague, d'une fille mère employée dans une ferme, Joséphine Nillson.5 avril 1891 Adopté, l'enfant reçoit le nom de Carl Theodor Dreyer.1905-1912 Après des études au cours desquelles il a fréquenté des groupes « libéraux », Dreyer entre à la compagnie des télégraphes. Il fa […] Lire la suite
ORDET (C. Dreyer)
Ordet, c'est-à-dire la « Parole », ou plus exactement le Verbe dont nous parle la Bible. La puissance, après un demi-siècle, du film de Carl Dreyer (1889-1968) tient pourtant plus au silence qu'à la voix. Silence qui accompagne, sur la bande sonore du film, le moment où Johannes, le fils « perdu » qui parcourt les dunes en se prenant […] Lire la suite
ORDET, film de Carl Theodor Dreyer
Avec Benjamin Christenssen à l'époque du muet et Lars von Trier récemment, Carl Theodor Dreyer (1889-1968) est la seule gloire cinématographique du Danemark. Pourtant, lorsqu'en 1954 il entreprend d'adapter la pièce de Kaj Munk, Le Verbe ( […] Lire la suite
ÉROTISME
Dans le chapitre « Érôs et Thanatos » : […] « Tu me tues, tu me fais du bien. » Les huit monosyllabes de ce leitmotiv harcelant d' Hiroshima mon amour , agressivement contradictoires, deviennent, dans la mémoire, chant profond, recomposent idéalement, au bénéfice de la simplicité, un film surchargé d'intentions. Par-delà la rhétorique des dialogues et du montage, par-delà les symboliques pluies de cendre couvrant les corps, ce chant demeure […] Lire la suite
PARLANT (CINÉMA) - (repères chronologiques)
1899 États-Unis. Th e Astor Tramp , « picture song » de Thomas Edison. Bande filmée destinée à être accompagnée d'une chanson chantée en salle (derrière l'écran) par des artistes invités. 1900 France. Présentation par Clément Maurice du Phono-Cinéma-Théâtre à l’'Exposition universelle. Au programme, une scène d' Ham l et interprétée par Sarah Bernhardt, une autre de Cyrano de Bergerac avec C […] Lire la suite
SCANDINAVE CINÉMA
Dans le chapitre « L'âge d'or du muet » : […] Jusqu'à la Première Guerre mondiale, le cinéma danois est un des premiers producteurs mondiaux. Les réalisateurs August Blom, Urban Gad, Viggo Larsen, Robert Dinesen tournent des mélodrames et des drames romantiques d'atmosphère parfois fantastique, dominés par des figures de femmes émancipées qui préfigurent l'archétype de la vamp, où excellent Asta Nielsen (« la Duse du Nord »), Clara Pontopidda […] Lire la suite
VAMPIRE, cinéma
Le thème du vampire doit sa célébrité au cinéma. Dès le xviii e siècle, Dom Calmet avait réuni tous les éléments du mythe (monstre buveur du sang des vivants, qui ne peut mourir que d'un pieu enfoncé dans le cœur), éléments repris, au xix e siècle, par Collin de Plancy dans son Dictionnaire infernal et par de nombreux écrivains russes (Gogol, Alexis Tolstoï), anglo-saxons (Polidori, Montaigue R […] Lire la suite
Pour citer l’article
Jean COLLET, « DREYER CARL », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 14 avril 2021. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/carl-dreyer/