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ORDET, film de Carl Theodor Dreyer

Avec Benjamin Christenssen à l'époque du muet et Lars von Trier récemment, Carl Theodor Dreyer (1889-1968) est la seule gloire cinématographique du Danemark. Pourtant, lorsqu'en 1954 il entreprend d'adapter la pièce de Kaj Munk, Le Verbe (Ordet, 1932), il n'a plus tourné de long-métrage de fiction depuis près de dix ans. Les idées ne lui manquent pourtant pas, d'une Mary Stuart à une transposition de Marius et Fanny de Pagnol, et surtout, son grand projet Jésus de Nazareth, qui devait l'occuper pratiquement jusqu'à sa mort. Mais aucun de ces scénarios ne trouve de producteur, et l'activité cinématographique de Dreyer, depuis Dies Iræ (Vredens Dag, 1943) et Deux Êtres (Två Människor, 1944), s'est bornée à quelques courts-métrages, réalisés pour l'organisme officiel du Film culturel danois. Le succès d'Ordet fut immédiat : dans son pays même, où le pasteur Kaj Munk, assassiné par la Gestapo durant la guerre, était devenu un héros, comme à l'étranger. Il valut à son auteur le lion d'or à Venise et, à l'âge de soixante-cinq ans, une reconnaissance tardive.

La puissance de la parole

L'action du film tient en moins de deux jours. Nous sommes dans une grosse ferme du Jutland, dans les années 1920. Le maître de maison, Borgen, un veuf, a trois fils ; l'aîné, Mikkel, est marié et père de deux petites filles ; le deuxième, Johannes, est atteint d'une folie mystique, qui le fait s'identifier au Christ ; le plus jeune, Anders, est amoureux d'Anne, la fille du tailleur Peter Petersen. Borgen a une conception très stricte de la religion chrétienne ; il se désole de l'athéisme de Mikkel et de l'échec de Johannes à devenir celui qui prêcherait la « vraie foi » ; il interdit à Anders de fréquenter Anne, parce que Petersen est d'une obédience différente de la sienne. Entre Borgen et Petersen, le pasteur, membre de l'église d'État, représente la religion tiède et superficiellement conciliatrice. Dans ce monde d'hommes, Inger, l'épouse de Mikkel, est la seule force positive, d'autant qu'elle attend un nouvel enfant. L'accouchement se révèle désastreux, et le médecin ne réussit à sauver ni l'enfant – qu'il doit littéralement couper en morceaux – ni la mère, qui meurt des suites de ces couches sanglantes. Au chevet de la jeune morte, Johannes accepte de prononcer une prière qui, miraculeusement, va redonner la vie. Le film s'achève sur cette résurrection, la réconciliation des familles Borgen et Petersen et la conversion de Mikkel.

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, directeur d'études, École des hautes études en sciences sociales

Classification

Pour citer cet article

Jacques AUMONT. ORDET, film de Carl Theodor Dreyer [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ORDET (C. Dreyer)

    • Écrit par Joël MAGNY
    • 197 mots

    Ordet, c'est-à-dire la « Parole », ou plus exactement le Verbe dont nous parle la Bible. La puissance, après un demi-siècle, du film de Carl Dreyer (1889-1968) tient pourtant plus au silence qu'à la voix. Silence qui accompagne, sur la bande sonore du film, le moment où Johannes, le fils...

Voir aussi