BOURIATES
On appelle « Bouriates » (ou Burjad selon la transcription scientifique du nom indigène) une population mongole (branche des Mongols septentrionaux) installée principalement dans la région du lac Baïkal (sud-ouest de la Sibérie orientale) et intégrée au monde russe depuis le xviie siècle. L'ethnogenèse des Bouriates, l'époque de leur installation dans la région du lac Baïkal (au xiiie siècle ou beaucoup plus tôt ?), les conditions du passage du nomadisme à la sédentarisation, le rôle que joua le bouddhisme dans la prise de conscience ethnique sont autant de questions pour les chercheurs.
Un peuple
L'époque ancienne
Peuplée dès le Paléolithique supérieur, la zone du Baïkal fut, au Néolithique, un foyer de riche culture et, dans les derniers siècles avant notre ère, un creuset de mélanges ethnoculturels, où se confondirent « Paléoasiates » autochtones et immigrés de la Grande Plaine chinoise. Et c'est sur ses marges méridionales que se concrétisèrent les premiers « Empires des steppes » (malheureusement connus de l'histoire sous leurs seuls noms chinois) : Hiong-nou depuis la fin du iiie siècle avant J.-C. (Xiongnu, selon la transcription pinyin), et, plus tard, Sien-pi ou Sien-pei du iie au ive siècle (Xianbei en pinyin), Jouan-jouan (Ruanruan), puis T'ou-kiue (Tujüe, ou encore Türk).
À l'époque de l'Empire gengiskhanide (xiiie s.), il est avéré que les ancêtres des actuelles tribus bouriates y résidaient déjà, reconnaissant l'autorité du Grand Khan et s'adonnant à la chasse et à l'élevage nomade. D'ailleurs, le type anthropologique des Bouriates contemporains, tout en appartenant au type centre-asiatique mongoloïde, semble présenter des liens génétiques avec la population locale néolithique, ce qui prouverait une implantation ancienne des Bouriates dans la région.
La colonisation russe
Au xviie siècle s'amorcent les premiers contacts avec les Russes, lorsque vers 1620-1630 apparaissent les Cosaques partis de leur propre initiative à la découverte de la Sibérie ; viennent ensuite les commerçants attirés par les fourrures, l'or, l'argent, les pierres précieuses, et les paysans en rupture de servage. En 1640 et 1660, pour tenir en main le pays bouriate, les autorités russes y élèvent des forteresses, à la fois prisons, centres militaires, administratifs et commerciaux ; celle d'Irkutsk était appelée à jouer un rôle notable.
À l'ouest du Baïkal, en Cisbaïkalie, les colons rencontrent le peuple bouriate le plus anciennement attesté en Sibérie : les Ekhirit-Bulagat qui, dispersés dans la forêt en petits clans rivaux, mènent une vie de chasseurs nomades, pratiquant subsidiairement l'élevage et la pêche. Assujettis contre leur gré au régime tsariste, les Ekhirit-Bulagat savent s'adapter avec une souplesse surprenante aux tentatives de démantèlement de leur organisation sociale, mentale et économique.
À l'est du Baïkal, dans les vastes steppes de la Transbaïkalie, la situation est tout autre : les onze clans khori, qui y pratiquent le grand élevage nomade, sont arrivés là depuis peu, fuyant l'assujettissement aux Mongols et aux Mandchous qui les menaçaient plus au sud. Aussi trouvent-ils dans le tsar un protecteur acceptable parce que lointain, et se soumettent-ils volontairement. Et, pour le pouvoir russe, leur structure politico-sociale bien hiérarchisée et structurée apparaît comme une garantie d'ordre et de solidité face à la menace d'expansion des Mongols khalkhas, et leurs troupeaux de chevaux un réservoir inépuisable pour la cavalerie tsariste.
L'annexion est, en définitive, sanctionnée juridiquement par les conventions sino-russes de Nertchinsk (ou Nerčinsk) en 1689 et de Kiakhta (ou Kjakhta en transcription scientifique) en 1727, qui fixent les frontières entre les empires russe et chinois.[...]
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Écrit par
- Françoise AUBIN : directeur de recherche au C.N.R.S. et à la Fondation nationale des sciences politiques (C.E.R.I)
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