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VIAN BORIS (1920-1959)

Jouer avec la censure

Mais cet espoir, quel est-il, si mince et lancinant, autre que de conquérir, et non de retrouver – Vian ne croit pas à l'Éden – le monde de l'enfance et de l'adolescence, un monde de jeu, de joies, d'inventions qui ne coûtent rien et n'engagent à rien. Oui, les adultes, leur ordre, entourent l'enfant, le surveillent, mais l'enfant déjoue leur censure. Alain Costes (« Boris Vian et le plaisir du texte », Les Temps modernes, août-sept. 1975) imagine que Vian conte ses histoires à des enfants qui sont dans la chambre, tandis que les parents écoutent derrière la porte ; quand les parents s'apprêtent à intervenir à tel passage scabreux, aussitôt le texte dérape dans la cocasserie qui les rassure : c'est bien une histoire sans conséquence, un conte à dormir debout. Vian, bien sûr n'est pas le conteur, il est l'enfant lui-même, et l'adulte qui s'efforce d'échapper à sa propre censure. Les héros de Vian échouent d'être inaptes à supporter la déception que cause à leur narcissisme l'épreuve de la réalité adulte : toujours leur histoire se clôt sur la mort, la déchéance ou, pire que tout, insinuante, imparable, l'usure, thème fréquent chez Vian. Sa première œuvre connue : Conte de fées à l'usage des moyennes personnes (1942) est pur divertissement à l'intention de quelques amis, mais il n'est pas excessif de dire que tous ses romans se définissent par ce titre : ils ignorent les « grandes personnes », définitivement établies dans leur ordre dérisoire ; ils expriment l'adolescence que nulle morale n'ankylose, qui sent son enfance menacée dès qu'elle affronte un monde voulu rationnel où ne se voient que laideur et ruines ; à la magie, à la fête succède le cauchemar ; à la toute-puissance de l'imaginaire s'oppose la nécessité, celle de gagner sa vie, de se livrer à des travaux absurdes, inutiles, exténuants, nocifs. D'où sans doute l'exceptionnel succès, et durable, depuis le début des années 1960, des œuvres de Vian dans la tranche d'âge des quinze-vingt ans.

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Pour citer cet article

Noël ARNAUD. VIAN BORIS (1920-1959) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Boris Vian - crédits : Pierre Vauthey/ Sygma/ Getty Images

Boris Vian

Autres références

  • L'ÉCUME DES JOURS, Boris Vian - Fiche de lecture

    • Écrit par Guy BELZANE
    • 1 548 mots
    • 1 média

    L'Écume des jours est un roman de Boris Vian (1920-1959) paru en mars 1947 aux éditions Gallimard. Rédigé en quelques mois au printemps 1946, le livre ne fut publié que sur l'insistance de Raymond Queneau et de Jean-Paul Sartre, et passa alors complètement inaperçu. Il ne fut réellement...

  • ARRANGEURS DE LA CHANSON FRANÇAISE

    • Écrit par Serge ELHAÏK
    • 7 929 mots
    • 3 médias
    Le pianiste Jimmy Walter (1930-2012) est très présent lors des débuts de Boris Vian en tant que chanteur au milieu des années 1950. Pour lui, il compose et arrange la musique des chansons cultes On n’est pas là pour se faire engueuler et J’suis snob. Il est aussi arrangeur et en partie compositeur...
  • EXISTENTIALISME

    • Écrit par Yves STALLONI
    • 1 084 mots

    Indépendamment de ses fondements théoriques et de ses retentissements philosophiques, l’existentialisme mérite d’être considéré dans une perspective littéraire et même sociologique. Une des raisons de sa popularité est sans doute que cette philosophie de l’existence ne propose pas un système...

  • GONDRY MICHEL (1963- )

    • Écrit par René PRÉDAL
    • 1 022 mots
    • 2 médias
    En montrant à plusieurs reprises le roman en train de s'écrire dans un gigantesque pool de secrétaires, L'Écume des jours (2013) distord la logique de la narration en brouillant les frontières entre fiction, pastiche littéraire et science-fiction qui caractérisaient le livre de Boris Vian...
  • PATAPHYSIQUE

    • Écrit par Noël ARNAUD
    • 1 833 mots
    ...au cœur de toute réalité, de toute pensée, de tout art. Et de toute science : expliquant la 'pataphysique devant un auditoire nombreux et peu averti, Boris Vian pourra affirmer qu'il n'y a que l'exception qui fasse avancer la science, et il ajoutera : « Je n'ai pas besoin de vous rappeler les exemples...

Voir aussi