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BAUSCH PHILIPPINE dite PINA (1940-2009)

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Le spectacle du monde

Personne n'a su créer un univers aussi personnel à partir de danseurs choisis pour la force de leur individualité et leur humour corrosif, tels les fidèles de la première heure, Jan Minarik, Dominique Mercy, Lutz Förster, Beatrice Libonati ou Malou Airaudo. On citera aussi l'inimitable Mechthild Grossmann, comédienne allemande menant une carrière personnelle, mais jamais bien loin du Tanztheater Wuppertal. Et des figures historiques comme celles des Australiennes Meryl Tankard et Josephine Ann Endicott, mémorables jumelles perverses de Kontakthof. Ou encore la Suisse Anne Martin, la frêle accordéoniste de Nelken, devenue depuis musicienne à part entière. Et tant de figures inoubliables avec l'Espagnole Nazareth Panadero, provocatrice à la voix de stentor, le malicieux Polonais Janusz Subicz, les Français Jean-Laurent Sasportès, Helena Pikon, Anne-Marie Benati, la Japonaise Kyomi Ichida, les Américains Ed Kortland, Arthur Rosenfeld.

Ces femmes et ces hommes de nationalités les plus diverses sont devenus au fil des ans comme les icônes de notre propre histoire. Avec leurs peurs, leurs rires, leurs férocités, leur irrépressible besoin d'amour et leur désespérante solitude, ils nous ont entraîné au-delà de la scène. Car on ne regarde pas une pièce de Pina Bausch, on la vit. Même si, prenant la mesure du temps qui passe, Pina Bausch a créé, des années 1990 à sa mort (30 juin 2009), des œuvres plus distantes, sinon plus apaisées, et a choisi des danseurs très jeunes et très « techniques » telle l'étonnante Indonésienne Ditta Miranda Jasjfi, ou encore la Coréenne Azusa Seyama. Parcourant le monde avec sa compagnie, elle a rendu compte à sa façon de l'état de la planète, chaque résidence dans une capitale se traduisant par une pièce en prise directe avec le pays visité. Après Palermo, Palermo, qui inaugura le dispositif en 1989, on citera Le Laveur de vitres, (1997), issu d'un séjour à Hong Kong, Wiesenland (2000), issu d'un séjour à Budapest, ou encore Ten Chi (2004), impressionnant résultat d'un voyage au Japon.

Telle a été l'alchimie de cet art si particulier qui, à travers des formes et des images, a transporté quelque chose d'une mémoire collective sans cesse réinventée. Telle a été aussi la force de cette créatrice, qui, avec quelques écrivains et quelques cinéastes de sa génération, comme Botho Strauss ou Rainer Werner Fassbinder, a su prendre le risque de la séparation, du morcellement, de l'inquiétude fondatrice pour remonter, et de quelle façon magistrale, de la destruction à l'unité première. Sans crainte du scandale ni de la transgression.

— Chantal AUBRY

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Chantal AUBRY. BAUSCH PHILIPPINE dite PINA (1940-2009) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Média

Pina Bausch - crédits : N. Stauss/ AKG-images

Pina Bausch

Autres références

  • BARBE-BLEUE (P. Bausch)

    • Écrit par
    • 198 mots

    Créé le 26 mai 1977 à l'Opéra de Wuppertal (Allemagne) par sa propre compagnie, Barbe-Bleue de Pina Bausch est l'une des œuvres les plus fortes et les plus profondes de cette chorégraphe allemande. Née en 1940, élève à Essen de l'école fondée par Kurt Jooss, elle y apprend...

  • PINA (W. Wenders)

    • Écrit par
    • 1 146 mots

    Présenté hors compétition, Pina, le film en 3 dimensions (3D) de Wim Wenders, a créé l'événement lors du festival international du film de Berlin en février 2011, et ce à plusieurs titres. Tout d'abord, il y a eu la curiosité de connaître quel regard portait ce réalisateur allemand sur l'œuvre...

  • ALLEMAND THÉÂTRE

    • Écrit par
    • 8 394 mots
    • 2 médias
    ...: la vie, un rêve... l'amour, sa mort. Et comment ne pas citer l'apport considérable fourni par le théâtre-danse des « trois cousines de Essen », Pina Bausch, Reinhild Hoffmann et Suzanne Linke ? Pina Bausch (1940-2009), depuis Barbe-bleue (1976) et Café Müller (1977), doit beaucoup de sa force à l'improvisation...
  • BALLET

    • Écrit par et
    • 12 613 mots
    • 20 médias
    ...apparaît dans les années 1970. Gerhard Bohner (1936-1992) renoue avec le passé dans son travail sur Oscar Schlemmer. Suzanne Linke, Reinhild Hoffmann et Pina Bausch, qui se sont succédé à la direction de l'école d'Essen, assurent l'héritage de la danse d'expression. Mais seule Pina Bausch réussit à imposer...
  • CHORÉGRAPHIE - L'art de créer les gestes

    • Écrit par
    • 3 702 mots
    • 6 médias
    De son côté,Pina Bausch, en Allemagne, va inventer une nouvelle forme de chorégraphie appelée Tanztheater qui n'est ni du théâtre, ni de la danse, ni un compromis entre ces deux arts, mais une façon de pervertir la théâtralité à partir de la danse. Le corps n'est plus un moyen d'expression mais...
  • DUPONT AURÉLIE (1973- )

    • Écrit par
    • 1 025 mots
    • 1 média
    En 1997, Aurélie Dupont rencontre Pina Bausch qui l’a choisie pour le rôle de l’Élue dans sa version du Sacre du printemps. Cette chorégraphe explique son choix par un commentaire qui fera profondément réfléchir la danseuse : « Vous êtes une femme très dure, vous êtes une danseuse très dure, mais...
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