AVIGNON & COMTAT VENAISSIN
Autour d'Avignon, la préhistoire a laissé des traces surtout pour la période néolithique. Abris-sous-roche, stations en plein air, « fonds de cabanes » ont livré armes, outils, parures. Le dolmen de Ménerbes et les stèles anthropomorphes de l'Isle-sur-la-Sorgue et d'Avignon appartiennent à l'âge des métaux. Des inscriptions en caractères grecs apparaissent au ~ ve siècle sur les « castellas » celto-ligures d'Urban, de Vaison, de Monieux. La conquête romaine commence à la fin du ~ iie siècle. En ~ 121, Domitius Ahenobarbus anéantit l'armée allobroge à Vindalium près de Sorgues, et Fabius Maximus disperse les troupes arvernes de Bituit au confluent de l'Eygues. Cavares, Tricastins, Voconces, Memini sont pacifiés et Pompée, puis César accordent à leurs cités les privilèges du droit latin. De cette prospérité demeurent la cité exhumée de Vaison, les arcs de triomphe, les théâtres d'Orange, de Carpentras, de Cavaillon. Des Gallo-Romains s'élèvent aux plus hautes charges de l'Empire : Avintus, Burrus, Trogue Pompée. Les récits légendaires sur sainte Marthe, saint Ruf, saint Eutrope révèlent néanmoins une pénétration précoce du christianisme. Au ive siècle, les évêchés se trouvent organisés. Les Burgondes, les Ostrogoths et les Francs occupent la région (474-570), remplacés par les Saxons et les Lombards, délogés par le patrice Mummole, général du roi Gontran. Charles Martel assiège deux fois, en 737 et 739, Avignon prise par les Sarrasins. Le Comtat passe sous la domination du comte Boson et de ses successeurs, souverains du grand royaume burgondo-provençal (de 879 à 1032). Légué à Conrad II le Salique, il fait partie des fiefs du comte de Toulouse qui possède encore Avignon en coseigneurie avec les comtes de Forcalquier et de Provence. Grâce à cet affaiblissement du pouvoir féodal, Avignon s'érige en commune sous des consuls ou un podestat, construit des remparts ainsi que le célèbre pont Saint-Bénezet. Mais son alliance avec les albigeois cause sa perte. Louis VIII de France la fait capituler (12 sept. 1226) et la détruit. La commune est abolie en 1251 ; le Comtat, annexé par Alphonse de Poitiers, est donné par lui au Saint-Siège. Fuyant Rome, Clément V se réfugie dans son nouvel État en 1309. Jusqu'en 1376, date du retour de Grégoire XI en Italie, sept papes se succèdent à Avignon, acquis de la reine Jeanne, en 1348, pour 80 000 florins d'or. Les pontifes attirent une cour brillante, favorisent les industries nouvelles, papeteries, soieries, orfèvrerie, la banque lombarde et florentine. L'art gothique fleurit avec l'édification du palais des Papes, des églises Saint-Didier, des Célestins, de Montfavet, de résidences à Sorgues et Châteauneuf. Simone di Martino, Matteo Giovanetti, Giovanni Luca ornent de fresques les appartements du pape. Pétrarque compose son Canzoniere à la fontaine de Vaucluse et les étudiants accourent à l'Université : mille quatre cents à la fin du xive siècle. Le pillage des Grandes Compagnies — Du Guesclin exige une rançon pour s'éloigner avec ses troupes —, le départ du pontife, cédant aux objurgations de Catherine de Sienne, le Grand Schisme, marqué par le siège du palais où se défend, durant cinq ans (1398-1403), l'antipape Benoît XIII, mettent fin à cette prospérité. Au xve siècle, le Comtat est gouverné par des légats, grands personnages dont Julien de La Rovère, le futur Jules II. Les guerres de religion sont atroces. Serbelloni, général du pape, saccage Orange ; Montbrun passe au fil de l'épée la garnison entière de Mornas en 1562. À partir de 1590, le pape n'est plus représenté que par des vice-légats italiens. Mazarin occupa cette charge au début de sa carrière. Le recteur, à l'autorité très diminuée, siégeant à Carpentras, l'assemblée du pays complètent une administration tenue en lisière par la congrégation d'Avignon à Rome. Au spirituel, un archevêque à Avignon, trois évêques à Cavaillon, à Carpentras, à Vaison se partagent de minuscules diocèses. La monopolisation des fonctions publiques par des étrangers provoque de 1652 à 1659 les troubles populaires dits des Pévoulins et des Pessugaux. En 1721-1722, la peste ravage le Midi. Rien qu'à Avignon on dénombra 6 000 morts. L'enclave papale est occupée trois fois par le roi de France en deux siècles (1663, 1668, 1768-1774) ; Colbert l'enserre de douanes étouffantes ; Louis XV lui impose le traité de 1734, interdisant la culture du tabac et la fabrication des indiennes. Néanmoins, les 175 000 Comtadins vivent relativement heureux dans quatre-vingt-cinq communautés ou paroisses, sans service militaire et sans impôt. La vie intellectuelle se développe : création par l'évêque de Carpentras d'une bibliothèque publique, parution d'un journal, Le Courrier d'Avignon en 1734, foisonnement des imprimeries travaillant pour la contrebande, apparition d'une loge maçonnique à Avignon en 1736. Les architectes Martelange, de La Valfenière, Laîné, les Franque bâtissent églises, chapelles et hôtels particuliers, ornés par les sculpteurs Bernus, Péru et les peintres Parrocel et Mignard. Deux mille juifs se livrent au commerce, isolés dans des quartiers spéciaux appelés « carrières ». La Révolution française précipite une réunion souhaitée par la classe bourgeoise et commerçante. Une assemblée représentative se réunit en 1790 contre le gré du pape et se trouve vite dépassée par les événements : pendaison de quatre notables à Avignon, prise de Cavaillon par l'armée des « braves brigands » qui échoue devant Carpentras après la bataille de Sarrians. L'annexion d'Avignon et du Comtat à la France, le 14 septembre 1791, première application du principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, clôt l'histoire de ce petit État, survivance d'un autre temps. Mais ce n'est que par les traités de 1814 que le pape reconnaîtra officiellement la perte de ses possessions outre-monts.
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Écrit par
- Alain MAUREAU : docteur en droit
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