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ATGET, UNE RÉTROSPECTIVE (exposition)

Les quelque vingt-cinq mille photographies aujourd'hui connues de l'œuvre d'Eugène Atget constituent le fonds le plus riche sur le Paris des quatre décennies 1890-1930. L'hommage que le site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France lui rendait, du 27 mars au 1er juillet 2007, à travers un choix de trois cent cinquante épreuves, permet d'appréhender à la fois l'ampleur d'un travail documentaire et la démarche obstinée d'un photographe à la vocation tardive.

Eugène Atget naît à Libourne le 12 février 1857. Orphelin très jeune, il doit à la tutelle d'un oncle d'avoir pu suivre des études jusqu'au séminaire. Le grec et le latin ne retiendront pas longtemps le jeune homme, qui s'inscrit au Conservatoire d'art dramatique en 1878. Il n'y restera que deux ans, compensant son exclusion par une carrière médiocre qui le fera néanmoins vivre une dizaine d'années jusqu'à ce qu'il s'essaie à la peinture, sans plus de succès. Celle-ci sera pourtant à l'origine de sa carrière de photographe. Comme Durieu ou Nadar, qui en leur temps, approvisionnaient en clichés de nus Delacroix et Gérôme, Eugène Atget fournira ses amis de Montparnasse en « documents pour artistes » dont il passe l'annonce publicitaire dans un numéro de la Revue des beaux-arts de 1892. Autodidacte en la matière, il entreprend de sillonner Paris avec un vieil appareil à plaques de verre pour faire moisson des vues pittoresques dont le nombre est censé susciter l'intérêt de sa clientèle. Artisan courageux et dur à la tâche, Atget, qui ne prétend pas au statut d'artiste, privilégie les premières heures du jour pour saisir des rues et des quartiers encore déserts, découvrant aussi que la lumière du matin, généreuse en contrastes et en contre-jours, convient le mieux aux plaques de bromure d'argent qu'il développe le reste de la journée.

L'importance du fonds à la tête duquel devait le conduire une activité sans relâche intéresse bientôt les bibliothèques et les musées concernés par le patrimoine, qui lui achètent régulièrement ses photographies. Avec cinq mille tirages, la Bibliothèque nationale se situe entre la bibliothèque de la Ville de Paris et le musée Carnavalet dans l'ordre de la clientèle institutionnelle d'Eugène Atget. Du catalogue pour artistes qu'il envisageait à ses débuts, Atget se tourne vers un inventaire des vues de Paris qu'il rêve de rendre exhaustif, stimulé par l'urgence que représente la disparition d'immeubles frappés d'alignement par les plans d'urbanisme. Assumant à lui seul un travail comparable à celui que la Mission héliographique de 1851 étendait au patrimoine de la France, il accumule les vues de rues, de cours d'immeuble, de détails d'architecture. Dans la rigueur géométrale des épures d'architecte, il exploite cette précision qu'artistes et critiques reprochent alors volontiers à la photographie. Contemporain des maniérismes pictorialistes, le travail d'Atget s'inscrit de lui-même et sans prétention théorique dans la nouvelle objectivité qui allait inspirer la photographie moderne. Sa reconnaissance comme artiste le surprend lui-même quand Man Ray publie en 1926, dans La Révolution surréaliste, quatre images extraites du lot qu'il vient de lui acheter. Eugène Atget, qui mourra pauvre un an plus tard, le 4 août 1927, se montre plutôt inquiet de l'avenir d'un travail dont il revendique le volume plutôt que la portée esthétique.

Conservée et répertoriée en France, l'œuvre d'Eugène Atget jouira d'une première notoriété aux États-Unis grâce aux efforts de Berenice Abbott. La jeune assistante de Man Ray et ses confrères Lee Friedlander et Walker Evans sauront reconnaître ce qu'ils doivent au photographe français[...]

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Hervé LE GOFF. ATGET, UNE RÉTROSPECTIVE (exposition) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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