Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ARCHÉES ASGARD

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par

Les difficultés des phylogénies anciennes

L’idée selon laquelle les archées Asgard sont les ancêtres des Eucaryotes reste controversée. La phylogénie publiée en 2015 par Ettema et ses collaborateurs pour déterminer la position des archées Asgard dans l’ensemble du monde vivant était fondée sur l’assemblage bout à bout (on parle de concaténation) des séquences de 36 protéines universelles. On obtient ainsi une longue séquence unique caractéristique de chaque organisme et on construit un arbre unique fondé sur la comparaison de ces séquences concaténées. Mais l’analyse des arbres individuels concernant chacune des 36  protéines universelles a montré que des contradictions se cachent derrière l’analyse globale de ces mêmes 36 protéines. En effet, on note que la position des archées Asgard varie fortement dans les arbres individuels selon la protéine étudiée. Dans de nombreux cas, elles ne sont pas groupées dans les arbres individuels : certaines sont proches des Eucaryotes tandis que d’autres se retrouvent au milieu des Archées. Leur proximité avec les Eucaryotes s’observe surtout avec les petites protéines. Si on s’intéresse aux plus grosses protéines, qui portent plus de signaux pour placer correctement les organismes car elles permettent de comparer les positions d’un plus grand nombre d’acides aminés, les archées Asgard se retrouvent le plus souvent placées au milieu des autres archées. Dans les concaténations, les très nombreuses protéines universelles de petite taille masqueraient le signal présent dans les protéines de grande taille. En utilisant comme marqueur évolutif l’ARN polymérase, l’enzyme qui permet la lecture de nos gènes ADN sous la forme d’ARN messager, Patrick Forterre et ses collaborateurs ont obtenu un arbre dans lequel tous les Asgard étaient groupés, au sein des Archées. L’ARN polymérase est une enzyme de très grande taille composée de deux sous-unités qui sont les deux plus grandes protéines universelles disponibles. Dans l’arbre obtenu en concaténant les séquences de ces deux sous-unités, les Archées ne sont plus à l’origine des Eucaryotes, mais elles partagent avec ces derniers un ancêtre commun spécifique, c’est-à-dire un individu qui a donné naissance à la fois à toutes les Archées et à tous les Eucaryotes. La branche qui conduit de l’ancêtre commun aux Archées et aux Eucaryotes à l’ancêtre commun des Archées est toutefois très courte, ce qui expliquerait pourquoi on ne peut l’obtenir qu’avec des protéines possédant assez de signal phylogénétique. En effet, la longueur d’une branche dans un arbre phylogénétique est proportionnelle au nombre de mutations (changement d’acides aminés) qui se sont produites par le passé le long de cette branche. Si ce nombre est faible, il est possible que les méthodes informatiques utilisées pour comparer les séquences n’arrivent pas à les compter et que la branche correspondante disparaisse de l’arbre. Ce phénomène est amplifié avec les petites protéines pour lesquelles le nombre d’acides aminés à comparer est faible. Dans le cas qui nous intéresse, si la branche disparaît, ce qui se passe la plupart du temps avec les petites protéines, on obtient un arbre dans lequel les Eucaryotes se retrouvent au milieu des Archées.

La position des Eucaryotes dans l’arbre du vivant est donc l’objet de vifs débats entre spécialistes. Il ne faut pas trop s’étonner de ces désaccords entre scientifiques. Ils proviennent des difficultés inhérentes à la construction d’arbres évolutifs pour retracer des événements aussi anciens, puisqu’ils remontent sans doute à près de trois milliards d’années. Les phylogénies obtenues dépendent du choix des organismes analysés, des protéines universelles utilisées et des méthodes permettant l’alignement de leurs séquences. Les résultats peuvent être biaisés par la présence de protéines dont les séquences[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite à l'université Paris-Saclay, professeur honoraire à l'Institut Pasteur

Classification

Pour citer cet article

Patrick FORTERRE. ARCHÉES ASGARD [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 31/08/2020

Médias

Diversité des archées Asgard - crédits : Encyclopædia Universalis France

Diversité des archées Asgard

Place des archées Asgard dans l’arbre universel du vivant - crédits : Encyclopædia Universalis France

Place des archées Asgard dans l’arbre universel du vivant

<em>Prometheoarchaeum synthrophicum</em> - crédits : H. Imachi, M.K. Nobu, JAMSTEC

Prometheoarchaeum synthrophicum