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ANNONE

À l'origine, le mot « annone » désignait l'approvisionnement de Rome, qui fut conçu sous la forme d'un impôt en nature versé par les provinciaux ; par la suite, il reçut un second sens et s'appliqua au service administratif chargé de collecter ce prélèvement et de le redistribuer à ses bénéficiaires.

Il faut chercher à l'époque républicaine l'origine de cette institution. Par tradition, l'État romain a pour fonction d'assurer un ordre public que peuvent troubler diverses circonstances, notamment la famine ; il assure donc la police des marchés et veille à ce que les étals soient garnis, tâche qui incombe aux édiles. Cette responsabilité, limitée à Rome au début, s'étendit avec la conquête à l'Italie puis aux provinces (les magistrats municipaux s'en chargèrent). La crise de ~ 133 à ~ 31 donna une nouvelle importance à ce rôle du pouvoir. En effet, de nombreux citoyens ruinés vinrent grossir les rangs des chômeurs de la capitale. D'autre part, les ambitieux cherchaient à se constituer des clientèles en pratiquant la générosité (évergétisme). C'est ainsi que des lois frumentaires organisèrent gratuitement ou à bas prix des distributions de blé. Pompée se fit confier pour cinq ans, à partir de ~ 57, une « mission d'approvisionnement » (cura annonae), et César fit dénombrer cent cinquante mille assistés ; en ~ 44, le sort de ces malheureux fut confié à deux « édiles du blé » (aediles ceriales).

Dans ce domaine, Auguste réalisa une œuvre considérable. Des difficultés, en ~ 22, lui firent prendre une première cura annonae : il se chargea de faire acheter, transporter et distribuer du blé à bas prix. Ces mesures n'empêchèrent pas une nouvelle crise en 6 après J.-C. Mais des « préfets pour la distribution des céréales » sont attestés dès son époque, et les plus anciens « préfets de l'annone » connus datent de 14 (la création de ce poste remonte sans doute à 8 apr. J.-C.). L'attitude de l'empereur s'explique vraisemblablement par des motifs politiques : une famine risque toujours de provoquer des troubles qui le renverseront ; le peuple de Rome, jouisseur et conscient de cette situation, n'exige plus que « du pain et des jeux » (Juvénal).

L'État fournit donc des céréales puis d'autres denrées, qu'il prélève à titre d'impôt (dîme sicilienne), qu'il réquisitionne ou achète. Le grenier de Rome se trouva d'abord en Sicile, puis en Égypte à partir de ~ 31, et enfin au Maghreb dès le milieu du ier siècle de notre ère ; à partir du iie siècle, de l'huile fut importée de Bétique. La collecte fut effectuée sous l'autorité du préfet d'Égypte et du proconsul d'Afrique, assistés par des services installés à Alexandrie, en Numidie et, à partir de 315, à Carthage. Le transport incombe au premier chef au préfet de l'annone qui s'appuie sur les naviculaires (armateurs) et dispose d'un nombreux personnel de dockers, mesureurs, etc. Le déchargement se fit d'abord à Pouzzoles, puis surtout à Ostie quand Claude puis Trajan y eurent fait creuser des ports. Les produits étaient entreposés sur les lieux de débarquement et à Rome. À chacun de ces points se trouvaient des employés de l'administration. La distribution était le fait de praefecti frumenti dandi ; eux et leurs employés tenaient leurs assises au forum boarium puis sans doute dans les « marchés de Trajan ».

Le préfet de l'annone occupe un des postes les plus importants de l'État : à partir des environs de 80, sa charge vient au troisième rang des grandes préfectures (après le prétoire et l'Égypte) ; il est secondé par un autre chevalier et dispose de nombreux esclaves et affranchis impériaux qui l'aident dans sa tâche.

L'institution évolua.[...]

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Pour citer cet article

Yann LE BOHEC. ANNONE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ÉGYPTE - L'Égypte arabe

    • Écrit par Gaston WIET
    • 8 924 mots
    • 2 médias
    ...l'importance que sa situation géographique et ses propres productions lui avaient assurée dans l'Antiquité. Les Arabes y trouvèrent une institution, l' annone, par laquelle Byzance recevait annuellement un tribut considérable en blé : l'annone fut désormais dirigée sur Médine, et cette exportation fut...
  • ROME ET EMPIRE ROMAIN - Le Haut-Empire

    • Écrit par Yann LE BOHEC, Paul PETIT
    • 35 262 mots
    • 17 médias
    ...sénateurs et décurions, et parlent, non sans excès, de « lutte de classes ». La situation des villes s'aggravait : afin de nourrir les soldats, un impôt, l' annone militaire, payable en nature, fut organisé, promis à un long avenir, versé par les propriétaires fonciers, y compris ceux de l'Italie jusque-là...

Voir aussi