PARÉ AMBROISE (1510 env.-1590)
Chirurgien français, Ambroise Paré a été nommé le « père de la chirurgie moderne ». Né près de Laval, il s'initie à la médecine chez un chirurgien de Vitré. Arrivé à Paris vers 1529, il devient aide-chirurgien-barbier à l'Hôtel-Dieu ; puis maître chirurgien (1536), et entre au service du duc de Montejean qu'il suit au siège de Turin. À la bataille du Pas de Suse (1537), il pratique la première désarticulation du coude et, manquant de l'huile que l'on répandait bouillante sur les blessures par arme à feu, il panse la plaie avec un mélange de jaune d'œuf, d'huile de rosat et de térébenthine ; ses malades guérissent sans présenter les complications habituelles (fièvres, tuméfactions, etc.) rencontrées avec la cruelle cautérisation.
À la mort de son maître, il revient à Paris, se marie, entre dans la corporation des chirurgiens-barbiers (1541), et tient boutique rue de l'Hirondelle à l'enseigne des Trois Bassins. En 1542, il est au service du comte de Rohan qui dirige le siège de Perpignan, et soigne les nombreux blessés ; pour extraire une balle particulièrement mal logée dans l'épaule du maréchal de Brissac, il replace le blessé dans la position qu'il occupait au moment de l'arrivée du projectile qu'il trouve plus facilement ensuite. L'année suivante, il est avec l'armée en Basse-Bretagne où l'on craint un débarquement anglais. Le jour de la Toussaint 1543, il assiste à la bataille de Landrecies contre les impériaux, puis rentre à Paris et commence à rédiger le récit de ses voyages et les observations faites durant ses campagnes. Il obtient, le 20 août 1545, le privilège du roi et fait imprimer la Méthode de traicter les playes faictes par harquebutes et aultres bastons à feu et de celles qui sont faictes par flèches, dards et semblables, qui soulève l'indignation de la faculté de médecine de Paris : l'auteur reconnaît n'avoir pas lu Galien, n'entendre ni le grec ni le latin (son ouvrage est rédigé en français).
Après la mort de François Ier en 1547, Paré, dans sa boutique parisienne, prodigue à sa clientèle les soins nécessaires à l'opération de la taille, de la cataracte, à la réduction des fractures ; il pratique les accouchements ; il confectionne et vend des emplâtres. En 1552, la guerre reprend avec la maison d'Autriche, et Paré suit l'armée du comte de Rohan au siège de Danvilliers. Là, il doit amputer un gentilhomme, opération peu pratiquée car l'on craignait l'hémorragie des vaisseaux que l'on cautérisait au fer rouge ; Paré, perfectionnant une vieille technique, ligature les artères du blessé qui survit.
À la mort du comte de Rohan, Paré entre au service d'Antoine de Bourbon qui vante à Henri II les mérites de son chirurgien ; le roi s'attache Paré comme chirurgien ordinaire. En octobre 1552, les soldats du duc François de Guise, assiégés dans Metz par Charles Quint, sont démoralisés par la mortalité à la suite des blessures ; Henri II envoie Paré dont la présence et les soins réconfortent l'armée. L'année suivante, il est fait prisonnier au siège de Hesdin, mais il soigne l'un des vainqueurs qui le renvoie à Paris. Il souhaite alors être reçu docteur en chirurgie, mais la Faculté dresse des obstacles contre cet autodidacte, et il faut l'appui du roi pour qu'il reçoive le bonnet de docteur du Collège de Saint-Côme, le 8 décembre 1554, avec une thèse rédigée en français et sans subir les examens en latin. En 1559, il soigne mais ne peut guérir Henri II, blessé lors d'un tournoi. Il ne peut davantage sauver, en 1560, François II, de santé délicate. Il conserve cependant la confiance de Charles IX, qui, le 1er janvier 1562, le nomme son « premier chirurgien » (un mois plus tard, paraît la Méthode curative des playes et fractures de la teste humaine).
Les guerres de Religion vont ensanglanter la France trente ans durant, et Paré va à Rouen soigner Antoine de Bourbon (devenu roi de Navarre et père du futur Henri IV), puis puis à Dreux (1562) et au Havre (1563) où il soigne catholiques et protestants. À son retour, il publie en 1564 les Dix Livres de la chirurgie avec le magasin des instruments nécessaires à icelle (parmi ces instruments, certains figurent encore, à peine modifiés, de nos jours). De 1564 à 1566, Charles IX, voyageant autour de son royaume, emmène son chirurgien qui, à son retour, soigne les blessés des affrontements de Saint-Denis (1567) et de Moncontour (1569). À l'avènement de Henri III il demeure premier chirurgien du roy, mais ne voyage plus ; il défend ses méthodes nouvelles (ligature des artères, traitement des plaies sans huile bouillante, simplification du traitement des luxations et des trépanations), et rédige un Traicté de la peste, de la petite vérolle et rougeolle (1568), ouvrage dans lequel il insiste sur la notion de contagion. La faculté de médecine déclare ces textes contraires aux bonnes mœurs et demande qu'ils soient brûlés en place publique. La protection du roi permet leur publication en 1575. Cette œuvre influence la chirurgie des siècles suivants en la libérant de l'obéissance aux Anciens. Paré disait : « Ce n'est pas grand-chose de feuilleter des traités et de caqueter en chaire si la main ne besogne » ; ce que fit la sienne durant un demi-siècle passé auprès des blessés. Cette œuvre ne concerne pas seulement la chirurgie militaire (où il termine l'exposé de chaque cas par : « Je le pansay, Dieu le guarit »), mais l'obstétrique (Précis d'anatomie et des accouchements), l'ophtalmologie, l'urologie, la pédiatrie, et d'autres domaines encore...
À côté de l'aspect purement médical, se dégage de l'œuvre de Paré un profond sentiment de bonté, de générosité. De nombreuses pages de ses œuvres sont des appels à l'apaisement, à l'entente fraternelle.
Paré fut-il huguenot ? Si tous les actes de sa vie passent par l'église Saint-André-des-Arts (ses deux mariages, les baptêmes de ses enfants, sa sépulture « en bas de la nef proche le cloché ») et s'il fut au service de quatre rois catholiques, son cœur semble bien avoir été du côté protestant. Il ne faut en tout cas pas voir, dans le silence de Paré, une fuite devant sa conscience ou une marque d'indifférence, mais bien au contraire preuve de son amour de l'humanité : avouer son protestantisme aurait signifié, en ce temps de persécution, monter au bûcher, et Paré se savait utile aux hommes ; il sut garder un mutisme digne sur ses convictions personnelles et ne montrer qu'un soin inlassable et généreux à guérir ses semblables.
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Écrit par
- Jacqueline BROSSOLLET : archiviste documentaliste à l'Institut Pasteur, Paris
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