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ALPINISME

Le 16 octobre 1986, un homme de quarante-deux ans se dresse au sommet du Lhotse : Reinhold Messner, un Italien du Nord, vient de réussir l'ascension du seul des quatorze sommets de la planète dépassant 8 000 mètres qu'il n'avait pas encore atteint. Ainsi s'achève la quête entamée en 1970 au Nānga Parbat. Ainsi trouve également son aboutissement le processus enclenché le 8 août 1786 lorsque Jacques Balmat et Michel Gabriel Paccard avaient foulé le sommet du mont Blanc, remportant ainsi cette joute entre l'homme et l'univers farouche des montagnes lancée par le savant genevois Bénédict de Saussure lorsqu'il avait promis une forte récompense destinée au premier vainqueur de ce sommet, qu'il devait gravir à son tour le 3 août 1787.

Le Lhotse - crédits : Nicholas DeVore/ Getty Images

Le Lhotse

Horace de Saussure - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Horace de Saussure

Pics inaccessibles faits de neige et de glace, lieux de mystère et de terreur respectés et craints par l'espèce humaine depuis les premiers âges, ces « monts affreux » devenaient la matière même d'un jeu merveilleux, aux conséquences souvent tragiques. Durant le siècle qui suit — et notamment sous l'impulsion des Anglais —, les sommets des Alpes sont tous gravis. Le 14 juillet 1865, Edward Whymper — membre de l'Alpine Club de Londres créé en 1857 tandis que la Compagnie des guides de Chamonix s'organisait dès 1821 — vient à bout du Cervin ; mais la descente s'avérera dramatique : sur les sept alpinistes vainqueurs d'un instant, quatre basculeront mortellement dans le vide.

L'ascension de la Meije (Dauphiné), en août 1877, marquera le dernier épisode de cette conquête. Désormais seront recherchées des « voies » de plus en plus hardies, affrontées délibérément dans des conditions de plus en plus hostiles. Ce sera par exemple l'ascension des « faces nord » : Cervin (ou Matterhorn), 1931 ; Cima Grande di Lavaredo, 1933 ; Eiger, 1938 ; Grandes Jorasses par la pointe Walker, 1938. Les grimpeurs allemands et autrichiens d'une part, les italiens tel Ricardo Cassin de l'autre, rivalisèrent alors de courage pour « sortir en tête », dans le climat d'une époque bien particulière. Ce seront, plus tard, les « hivernales » et les ascensions solitaires, Walter Bonatti repoussant toujours plus loin dans les années 1960 les limites imaginées. Ce seront enfin les expéditions himalayennes. Car le jardin alpestre ne suffit plus. Les dimensions gigantesques de la chaîne asiatique ouvrent des horizons apparemment sans limites. Après les coups de sonde de l'Anglais Mummery, puis du duc des Abruzzes menant une première expédition d'envergure au K2 ou Chogori (1909), les Britanniques vont s'acharner sur la plus haute montagne du monde, l'Everest (8 848 m), dans le brouillard duquel disparaissent Mallory et Irvine en 1924. Mais c'est l'équipe française de Maurice Herzog et de Louis Lachenal, sauvés ensuite lors de la descente par Gaston Rébuffat et Lionel Terray, qui, le 3 juin 1950, passe sur l'Annapūrnā la barre des 8 000 mètres. Il faudra attendre le 29 mai 1953 pour qu'Edmund Hillary et le Sherpa Tenzing Norgay se tiennent au sommet des sommets.

Les Grandes Jorasses - crédits : Simeone Huber/ Getty Images

Les Grandes Jorasses

Edmund Hillary et Tenzing Norgay, 1 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Edmund Hillary et Tenzing Norgay, 1

De l' équipement combien sommaire des premiers montagnards — une longue canne et parfois quelques échelles utilisées pour franchir les crevasses — à celui des grimpeurs modernes, l'évolution a été considérable. C'est ainsi que sont devenus possibles le franchissement d'incroyables surplombs grâce à l'utilisation de pitons, technique perfectionnée notamment dans les Dolomites ; et l'évolution en altitude extrême, avec bouteilles portatives et masques à oxygène. Mais les progrès et le constant recul des barrières psychologiques de l'« impossible » sont tels que Messner et ses émules se sont affranchis de cette dernière contrainte, fût-ce pour atteindre le toit du monde. L'accroissement constant du nombre des « alpinistes » de la planète conduit[...]

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Écrit par

  • : écrivain, directeur du Musée du sport français, membre de l'Académie internationale olympique

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Pour citer cet article

Jean DURRY. ALPINISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Le Lhotse - crédits : Nicholas DeVore/ Getty Images

Le Lhotse

Horace de Saussure - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Horace de Saussure

Les Grandes Jorasses - crédits : Simeone Huber/ Getty Images

Les Grandes Jorasses

Autres références

  • ALPINISME : CONQUÊTE DE L'EVEREST

    • Écrit par Pierre LAGRUE
    • 139 mots
    • 1 média

    Le Néo-Zélandais Edmund Hillary et le Sherpa Tenzing Norkay atteignent le sommet de l'Everest, le « toit du monde » (8 848 m). Ils réalisent ainsi le rêve de tous les « conquérants de l'inutile ».

    Jusque-là mélange d'aventure et de découverte, l'alpinisme va...

  • BONATTI WALTER (1930-2011)

    • Écrit par Melinda C. SHEPHERD
    • 348 mots

    L'Italien Walter Bonatti se trouva au cœur d'une des querelles les plus vives de l'histoire de l' alpinisme, qui l'opposa à son compatriote Achille Compagnoni. Sa version de l'ascension du K2, le deuxième plus haut sommet au monde, fut cependant confirmée cinquante ans après...

  • DESMAISON RENÉ (1930-2007)

    • Écrit par Jean-Marie PRUVOST-BEAURAIN
    • 768 mots

    Alpiniste français de renommée internationale, écrivain et cinéaste, René Desmaison est né le 14 avril 1930 à Bourdeilles (Dordogne) et mort le 28 septembre 2007 à Marseille.

    Adolescent au décès de sa mère, il va vivre avec son parrain à Paris et découvre l'escalade sur les rochers de la forêt...

  • FRISON-ROCHE ROGER (1906-1999)

    • Écrit par Michel P. SCHMITT
    • 584 mots

    Roger Frison-Roche fait partie de ces hommes qui ont maintenu vivante, à travers de nombreux romans et récits prenant pour cadre la montagne ou la nature désertique, la tradition de l'enthousiasme dans l'effort, de la victoire sur soi, de la communion avec l'universel dans une nature âpre et somptueuse....

  • HERZOG MAURICE (1919-2012)

    • Écrit par Pierre LAGRUE
    • 1 053 mots
    • 1 média

    Alpiniste glorieux puis politicien ambitieux, vainqueur de l'Annapurna, « premier 8 000 », en 1950 puis secrétaire d'État compétent du général de Gaulle, Maurice Herzog fut un héros de la France d'après guerre encore marquée par les heures sombres de l'Occupation. Il sut parfaitement faire fructifier...

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Voir aussi