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BERRUGUETE ALONSO (1490-1561)

On a toujours considéré Alonso Berruguete comme le sculpteur le plus original et le plus important de la Renaissance espagnole. Artiste de formation maniériste, acquise directement en Italie, il était le fils de Pedro Berruguete, peintre espagnol qui travailla à la cour des Montefeltro à Urbin dans les Marches et qui introduisit en Castille la peinture du Quattrocento, sans oublier pour autant la filiation flamande de ses débuts. Alonso Berruguete, qui est encore très gothique et qui est le seul antécédent espagnol de Greco, a réussi à insuffler vie et esprit à tout un monde de formes et il a créé l'école des statuaires castillans. Par son art expressionniste, de facture parfois incorrecte, il donne à ses statues un mouvement et un paroxysme dont la tension dramatique est comparable à celle des héros de la littérature mystique de l'époque.

La biographie de Berruguete ne comporte aucun trait romanesque. Son existence est celle d'un artiste qui aspire avant tout à la hidalguía et au succès immédiat, dont la vie se partage entre un poste de fonctionnaire public et un atelier actif qui l'aide à s'enrichir et à s'élever dans l'échelle sociale. Il y réussira puisque François de Hollande le considérait de son vivant comme un des « aigles » de la Renaissance.

En 1504, il part pour l'Italie où il visite Florence et Rome. Vasari, dans les Vite, fait plusieurs allusions à son long séjour en Italie et le décrit en train de copier Michel-Ange et le Laocoon et terminant pour un couvent de Florence un retable laissé inachevé par Filippo Lippi. À son retour, en 1518, grandi par le prestige de son séjour italien, il est nommé par l'empereur Charles Quint peintre de la cour. Il occupe cette charge à Saragosse en même temps que le sculpteur bourguignon Bigarny. Mais Berruguete ne reçoit pas de commandes de l'empereur, qui l'envoie travailler à Grenade à la chapelle royale, où collaborent également l'Italien Jacopo Florentino et Bigarny. Là non plus, Berruguete n'a pas l'occasion de démontrer son génie, ce qui le pousse à renoncer à l'art officiel. L'empereur le nomme alors, en 1523, greffier criminel de la chancellerie de Valladolid, poste de la cour de justice qu'il occupera pendant dix-neuf ans.

Il dirige, en même temps, un atelier de sculpture où il obtient bientôt d'importantes commandes. La première sera, en 1525, le retable du couvent de la Mejorada d'Olmedo, en collaboration avec le sculpteur Vasco de La Zarza. Ce retable, placé actuellement dans la chapelle du Musée national de sculpture de Valladolid, est le premier d'une longue série dont le chef-d'œuvre est le grand retable de l'église Saint-Benoît de Valladolid (ses éléments sont répartis dans les salles de ce même musée). Dans ces figures mouvantes, au volume étiré, l'artiste recherche les effets de masses contorsionnées, les élans qui rompent avec la quiétude classique. Malgré les réminiscences de Michel-Ange, la hardiesse de Berruguete est très grande : il n'hésite pas à ajouter aux vêtements sculptés des morceaux de tissus collés, à déséquilibrer ses personnages au visage asymétrique et au rictus douloureux.

Gisant du cardinal Tavera, A. Berruguete - crédits :  Bridgeman Images

Gisant du cardinal Tavera, A. Berruguete

En 1528, jouissant d'une position aisée, d'un rang social élevé et d'une réputation d'artiste éminent, il se fait construire une grande maison seigneuriale. Homme d'une prodigieuse capacité de travail, Berruguete s'installe, à la fin de sa vie, à Tolède pour achever les stalles du chœur de la cathédrale, œuvre commencée par Bigarny ; il exécute, en outre, le groupe de la Transfiguration du Christ. Mais son chef-d'œuvre est la statue d'albâtre du gisant du cardinal Tavera dans l'église de l'hôpital de Afuera, fondé par ce prélat, dont Greco fera un portrait posthume. Berruguete a représenté avec un[...]

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Pour citer cet article

Antonio BONET-CORREA. BERRUGUETE ALONSO (1490-1561) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Gisant du cardinal Tavera, A. Berruguete - crédits :  Bridgeman Images

Gisant du cardinal Tavera, A. Berruguete

Autres références

  • BAROQUE

    • Écrit par Claude-Gilbert DUBOIS, Pierre-Paul LACAS, Victor-Lucien TAPIÉ
    • 20 831 mots
    • 23 médias
    ...sont traduites par un réalisme hallucinant, composaient un répertoire d'art en apparence fermé à l'idéalisme et à la sérénité de la Renaissance. Ainsi, Alonso Berruguete (1488-1561) avait pu passer par l'Italie et travailler à la cour d'Urbino, quand il revint à Valladolid, il s'y montra baroque...
  • CASTILLE

    • Écrit par Marcel DURLIAT, Universalis, Philippe WOLFF
    • 10 285 mots
    • 12 médias
    Un élève de Michel-Ange, Alonso Berruguete, le fils du peintre de Paredes de Navas, enleva à Burgos, au profit de Valladolid, le rôle de capitale de la sculpture espagnole. Il sut trouver dans le maniérisme une manière pathétique d'exprimer la profondeur de son sentiment religieux. L'émotion et...

Voir aussi