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WEGENER ALFRED (1880-1930)

Les dernières expéditions au Groenland, 1929-1930

En novembre 1926, Wegener est invité au symposium de l'Association américaine des géologues du pétrole qui se tient à New York. L'objet de ce congrès n'a rien à voir avec le pétrole, puisqu'il s'intitule « La Théorie de la dérive des continents, symposium sur l'origine et le mouvement des masses terrestres, aussi bien intercontinentaux qu'intracontinentaux, suivant les propositions d'Alfred Wegener ». Wegener ne se rend pas à New York, il se contente d'envoyer une communication. Pourquoi ? Sans doute parce que Wegener est découragé « de discuter avec ses contradicteurs au scepticisme borné ou même de se défendre contre des malentendus évidents », comme le dira un de ses fidèles collaborateurs autrichiens. Peut-être aussi parce qu'à l'époque l'Autriche traverse une crise économique grave, contrairement aux États-Unis, et qu'il est trop onéreux d'envoyer un professeur d'université outre-Atlantique pour un symposium. Peut-être, enfin, parce que Wegener pense déjà, bien au-dessus de la mêlée des fixistes et des mobilistes, à préparer ses propres expéditions au Groenland, auxquelles il songe depuis plusieurs années. Son rêve, il le réalise en 1929, sa préoccupation étant de confirmer sur la base des mesures géodésiques antérieures que le Groenland dérive bien vers l'ouest. Cette année-là, Wegener entreprend ainsi, à partir de la côte ouest, une traversée suivant le 71e parallèle, un peu au sud des lieux étudiés par l'expédition de 1912. Il installe trois stations séparées de plusieurs centaines de kilomètres : une à l'ouest, près de la côte ; une autre beaucoup plus à l'est ; la dernière au milieu de l'inlandsis, à 3 000 mètres d'altitude, nommée Eismitte, ce qui signifie « au milieu des glaces ». En juin 1930, Wegener rejoint à nouveau la côte ouest. Ce sera son dernier voyage. Le 21 septembre, il quitte la station ouest, accompagné de son collègue Fritze Loewe et de treize guides groenlandais, pour aller ravitailler, à 400 kilomètres de là, ses amis, Johann Georgi, son ancien élève, et le glaciologue Ernst Sorge, isolés à Eismitte et en pénurie de réserves de vivres et de pétrole à l'approche de l'hivernage. Les conditions météorologiques sont épouvantables ; les guides abandonnent l'expédition en chemin pour retourner au camp ouest. Seul un jeune Esquimau, Rasmus Villumsen, reste avec Wegener et Loewe jusqu'à Eismitte, qu'ils atteignent le 30 octobre, après quarante jours de traîneau au lieu des vingt prévus au départ. Avec Villumsen, Wegener repart dès le lendemain, jour de son cinquantième anniversaire, pour retourner à la station ouest. Loewe, les pieds gelés, ce qui lui vaudra l'amputation de ses orteils, est contraint de rester avec Georgi et Sorge. Ils ne reverront jamais leurs compagnons. Le 8 mai 1931, on retrouva, enfoui sous la neige, le corps de Wegener, à 189 kilomètres de la côte, gisant sous sa tente dans un sac de couchage et enveloppé dans une peau de renne. On pense que Wegener n'est pas mort de froid mais probablement d'un arrêt du cœur à la suite d'un effort physique trop intense. Villumsen avait marqué l'emplacement de son ami en plantant ses skis dans la neige, avant de disparaître lui-même.

Les explorations de Wegener au Groenland fournirent de précieuses connaissances météorologiques et géographiques. On loua sa carrière remarquable de savant et de professeur, son intelligence et sa haute valeur morale, en occultant cependant sa théorie sur la dérive des continents. Quarante ans plus tard, le géologue anglais Anthony Hallam écrira que « le fait que Wegener n'ait pas été imprégné pendant ses études de la doctrine géologique traditionnelle a certainement constitué un élément important,[...]

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Écrit par

  • : docteur en sciences de la Terre, concepteur de la collection La Science au présent à la demande et sous la direction d'Encyclopædia Universalis, rédacteur en chef de 1997 à 2015

Classification

Pour citer cet article

Yves GAUTIER. WEGENER ALFRED (1880-1930) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BIOGÉOGRAPHIE

    • Écrit par Pierre DANSEREAU, Daniel GOUJET
    • 11 072 mots
    • 18 médias
    ...renseigne sur l'état de la géographie et l'histoire de la Terre, même si l'influence des habitats et des différents climats doit également être prise en compte. Elle préfigure les idées qui vont se développer dans le contexte introduit par Alfred Wegener dans la première moitié du xxe siècle.
  • DÉRIVE DES CONTINENTS

    • Écrit par Universalis, John Tuzo WILSON
    • 3 402 mots
    • 9 médias
    Le travail d'Alfred Wegener fait date. Non qu'il soit à l'origine de la théorie de la dérive, mais ce météorologiste allemand a déployé beaucoup d'efforts pour l'étudier et la démontrer. Entre ses premières affirmations, en 1912, et sa mort, en 1930, Wegener a publié des articles et des ouvrages en six...
  • DÉRIVE DES CONTINENTS, en bref

    • Écrit par Yves GAUTIER
    • 708 mots

    Le 6 janvier 1912, le météorologue allemand Alfred Wegener (1880-1930) présente une communication à la session annuelle de l'Union géologique, qui se tient à Francfort-sur-le-Main (Allemagne) : Idées nouvelles sur la formation des grandes structures de la surface terrestre (continents...

  • LITHOSPHÈRE

    • Écrit par Marc DAIGNIÈRES, Adolphe NICOLAS
    • 6 968 mots
    • 10 médias

    Dès la naissance de la géophysique et de la géodynamique, les continents furent considérés comme un ensemble de masses rigides, le sial (acronyme de silice et alumine) flottant sur un manteau fluide, le sima (acronyme de silice et magnésium). Ainsi fut introduite en gravimétrie la notion de...

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Voir aussi