Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

AYER ALFRED JULES (1910-1989)

Vers une élucidation du langage scientifique

Il s'agit de donner au principe de vérification une efficacité mesurée par ce qu'on attend de lui philosophiquement et pratiquement. Éliminer certaine métaphysique comme sécrétion propre du philosophe, fonder la connaissance empiriomathématique contre les attaques sceptiques, fixer le statut des jugements de valeur, des énoncés qui portent sur le passé, l'avenir, les autres esprits (minds). Une application ni trop radicale (sinon, à l'encontre du sens commun et du fonctionnement du langage naturel, tout ce qui ne se réduit pas à l'expérience empirique serait pur non-sens) ni trop anodine (une simple précision terminologique réservant le mot statement aux énoncés à signification empirique).

Il s'agit aussi de formuler ce principe de vérification en maintenant, contre la critique des énoncés protocolaires, une forme forte et une forme faible. La première (« Tout énoncé est vérifiable au sens fort du terme si et si seulement sa vérité peut être établie de façon concluante par l'expérience ») est bien le corrélat épistémologique de la conception extensionnelle des langages construits, selon l'inspiration phénoménaliste des Foundations of Empirical Knowledge (1940). Même quand il abandonnera l'idée de propositions indubitables (The Problem of Knowledge ; 1956), dans des écrits plus récents, Ayer considérera des propositions « qu'on est en droit » de croire vraies (Knowledge, Belief and Evidence, 1964). La seconde, dont on lira la formulation précise dans la préface de la deuxième édition de Language, Truth and Logic (1946), suffit à écarter les énoncés métaphysiques sur l'existence de Dieu, l'unité ou la pluralité des substances, comme elle suffit à fonder notre connaissance du monde extérieur. Elle convient aux propositions générales, permet de tenir les énoncés de la science et du sens commun pour des hypothèses toujours sujettes au test de l'expérience ultérieure et néanmoins légitimes.

Il s'agit surtout de se prononcer sur le statut et la valeur de ce critère positiviste du sens. Ni tautologie ni généralisation empirique, il est un principe méthodologique « évident », dont la définition n'est pas arbitraire. Ainsi, tandis que Neurath et Carnap rejettent, au nom de leur approche ultra-syntactique en philosophie, le non-sens métaphysique qui consiste à parler de la relation entre le langage et les faits, Ayer considère comme Schlick qu'il faut se garder une possibilité de traiter de l'accord entre les propositions et la réalité.

En conséquence, dès lors qu'une phrase a une signification littérale si et si seulement la proposition qu'elle exprime est ou analytique, ou empiriquement vérifiable :

a) On distinguera, en regard des propositions empiriques, les lois de la logique et des mathématiques, considérées comme des opérations a priori ou analytiques, vraies par définition.

b) On donnera une analyse des jugements moraux qui tienne compte des certitudes du sens commun (ce ne sont pas des hypothèses) et rectifie l'analyse fautive de G. E. Moore (elles seraient synthétiques et a priori). Pour autant qu'ils ont un sens, ce sont des énoncés scientifiques, psychologiques ou sociologiques ; pour autant qu'ils ne sont pas scientifiques, ils sont dépourvus de sens ; ni vrais ni faux, ce sont des expressions émotives : c'est la théorie émotive des valeurs affinée dans les Philosophical Essays (1954). L'assertion d'un jugement moral contribue à définir ces patterns de conduite, les attitudes morales. Ayer se défend contre l'accusation de nihilisme : l'analyse des jugements moraux relève d'une méta-éthique, et analyser n'est pas moraliser.

c) La tâche du philosophe est totalement critique – définir la rationalité et ce qu'on accepte pour[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Francis JACQUES. AYER ALFRED JULES (1910-1989) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PHILOSOPHIE ANALYTIQUE

    • Écrit par Francis JACQUES, Denis ZASLAWSKY
    • 13 428 mots
    • 3 médias
    ...positivisme logique au début des années trente... Tandis qu'en Pologne Łukasiewicz et Kotarbiński gardaient leurs distances à l'égard du cercle de Vienne, Ayer réussit la conjonction avec la pratique analytique en sauvant le meilleur de la tradition empiriste anglaise. Le mouvement tente alors de se réfléchir...

Voir aussi