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HERZEN ALEXANDRE IVANOVITCH (1812-1870)

Le temps des prophéties et du grand œuvre

Les idées de Herzen évolueront encore après l'abolition du servage (1861), que suivra de près le déclin de son influence : jugé trop radical par les libéraux, attaqué par une partie de la jeune génération révolutionnaire, il est déconsidéré dans l'opinion russe à cause de son courageux soutien à l'insurrection polonaise de 1863. Sans rien renier de ses idées, il devient de plus en plus sensible aux menaces qui pèsent sur l'avenir : le « socialisme russe » n'est pas garanti par l'histoire ; l'avènement d'un communisme sans liberté, « despotisme russe à l'envers », est également possible. L'Occident vieilli et égoïste est mûr pour une civilisation de masse, nouvelle barbarie, irrésistible puisqu'elle tendra à satisfaire les besoins et les goûts de la majorité. Dans ses lettres à Bakounine (À un vieux camarade, 1869), il n'attend plus la fin du monde bourgeois : une nouvelle révolution serait catastrophique et recréerait un nouveau monde bourgeois, à peine modifié. Il insiste sur le double primat de l'économie, désormais grand ressort des sociétés, et de la culture : la conscience des masses populaires est le moteur de l'histoire, dont on ne peut brûler les étapes. S'il renonce à demi au « socialisme russe », il manifeste un grand intérêt pour les mouvements internationaux de travailleurs.

Pendant quinze ans (1852-1868), il se consacre à Passé et méditations, immense ouvrage qui embrasse plus d'un demi-siècle de vie russe et européenne. Mémoires, histoire, roman, les genres les plus divers composent cette synthèse originale : « Non pas monographie historique, mais reflet de l'histoire sur un homme qui s'est trouvé par hasard sur son chemin. » L'intérêt documentaire extraordinaire de Passé et Méditations, la vivacité d'un style débordant d'intelligence et de sensibilité, l'originalité d'une démarche qui concilie le sens de l'individuel et une conscience historique aiguë en font l'une des œuvres les plus originales du xixe siècle et l'un des meilleurs témoignages sur son histoire.

Les dernières années de sa vie s'écoulent à Genève – où il transfère La Cloche en 1865 – qui est alors le haut lieu de l'émigration politique. Il meurt à Paris en 1870.

— Jean BONAMOUR

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Jean BONAMOUR. HERZEN ALEXANDRE IVANOVITCH (1812-1870) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • FOURIÉRISME

    • Écrit par Simone DEBOUT-OLESZKIEWICZ
    • 4 186 mots
    ...police, ses membres dispersés et les fondateurs emprisonnés. Le fouriérisme eut un développement beaucoup plus important mais non moins tragique en Russie. Herzen et un professeur, Polochine, le firent connaître, Petrachevski fonda un groupe. Tenus pour des conspirateurs, ses membres furent incarcérés en...
  • LE SPLEEN CONTRE L'OUBLI. JUIN 1848 (D. Oehler) - Fiche de lecture

    • Écrit par Daniel OSTER
    • 1 659 mots

    Roland Barthes voyait dans la révolution de juin 1848 la fracture fondatrice de l'écriture. L'écriture, écrivait-il, « est le langage littéraire transformé par sa destination sociale, elle est la forme saisie dans son intention humaine et liée aux grandes crises de l'histoire ». 1848,...

  • OCCIDENTALISTES RUSSES

    • Écrit par Alexandre BOURMEYSTER
    • 480 mots

    Né avec les réformes de Pierre le Grand, l'occidentalisme ne peut être exclusivement défini comme un courant progressiste opposé à un chauvinisme passéiste et rétrograde ; la bureaucratie pétersbourgeoise, après tout, était « occidentaliste » à sa manière. Le grand débat des années 1840 entre...

  • OGAREV NIKOLAÏ PLATONOVITCH (1813-1877)

    • Écrit par Alexandre BOURMEYSTER
    • 301 mots

    Fils d'un riche propriétaire, Ogarev se lie dès l'adolescence d'une amitié indéfectible pour Herzen : étudiant à Moscou, membre de son cercle, arrêté avec lui en 1834, il est exilé dans la propriété paternelle à Penza. En 1839, il retourne à Moscou. Ses réceptions, ses activités littéraires, ses déboires...

Voir aussi