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AFRIQUE AUSTRALE

Un développement inégal au sein de l'Afrique australe

L’Afrique australe comprend des États aux régimes politiques divers (monarchie au Lesotho et en Eswatini, république ailleurs), plus ou moins démocratiques et stables. Les différenciations économiques et sociales sont fortes entre les pays, du fait notamment des modèles économiques et politiques adoptés.

Le leadership sud-africain

L’Afrique du Sud s’affirme comme l’un des rares pays africains dont l’économie moderne est diversifiée et tertiarisée. Le pays est bien arrimé à l'économie mondiale et sa puissance est reflétée par son statut de principal investisseur sur le continent, mais également de pays privilégié par les investissements directs étrangers. Son hégémonie ne se limite pas à son poids économique ; elle repose, depuis l'ère post-apartheid de Nelson Mandela et de Thabo Mbeki, sur une politique étrangère orientée vers le renforcement des relations Sud-Sud et un discours sur l’africanité, symbolisé par l’expression « Renaissance africaine ». Cet ancrage au « Sud » passe par une adhésion aux forums et groupements de pays en développement dans lesquels l’Afrique du Sud compte assurer un rôle de leader. Son intégration en 2011 au sein des BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) devenus BRICS (S pour South Africa), bien que contestée du fait de son faible poids démographique et économique, apparaît comme la suite logique de cette stratégie diplomatique. L'Afrique du Sud se positionne comme le porte-parole africain et se projette comme la principale puissance émergente du continent.

Des périphéries plus ou moins dynamiques

Le « premier cercle » de l'Afrique du Sud est hétérogène économiquement et socialement. Le Botswana passe pour un modèle de réussite économique et a assuré avec succès sa transition démocratique. La rente diamantifère a été mise à profit, sous la forme de larges investissements dans les secteurs de l'éducation et de la santé et d’une réelle politique de redistribution. La Namibie, bien que dépendante des ressources minières, a su développer un secteur touristique florissant ; son économie est stable et ouverte et son revenu moyen par habitant la place parmi les pays d'Afrique les plus prospères. Au contraire, de petits pays comme le Lesotho et l'Eswatini demeurent peu dynamiques et largement dépendants de leur grand voisin : leur économie est encore très agricole et beaucoup de familles survivent grâce aux transferts d'argent des émigrés en Afrique du Sud. Très industrialisé jusqu'au début des années 1990, le Zimbabwe a souffert quant à lui d'une terrible crise économique, d'une hyperinflation et de graves crises politiques, qui ont engendré une pauvreté de masse. Dans le « deuxième cercle », l'Angola et le Mozambique ont connu une croissance économique spectaculaire dans les années 2000 ; cette croissance de rattrapage post-conflit était également tirée par les revenus pétroliers en Angola ou les investissements dans les mégaprojets énergétiques au Mozambique. Mais ces pays figurent encore parmi les plus pauvres du monde ; ils souffrent d'un manque de démocratie et d'une faible redistribution des revenus d'exportation.

Des inégalités persistantes à toutes les échelles

L'Afrique du Sud demeure un des pays connaissant les plus fortes inégalités internes, notamment entre les populations blanche et noire. Socialement, les politiques de discrimination positive (Black EconomicEmpowerment) ont favorisé l’essor d’une classe moyenne noire, les Black Diamonds, qui s’est approprié rapidement les codes de la société de consommation. Mais le gouvernement peine à mener à bien les objectifs de redistribution initialement fixés en raison de l’ampleur des investissements à réaliser (plus d’un million de logements ont été construits en vingt ans, sans pour autant suffire à satisfaire une demande croissante). Dans la majorité des pays de la région, on observe un chômage important, notamment chez les jeunes, des entreprises publiques déficitaires et de nombreux scandales de corruption qui entament la confiance des citoyens envers leurs dirigeants. Ces injustices criantes génèrent un risque social latent qui se traduit parfois par des émeutes, comme les manifestations contre la vie chère au Mozambique (en 2008 et 2010). La forte croissance économique dans ce pays a principalement bénéficié à une minorité sans réellement être investie dans les secteurs des infrastructures, de l'éducation ou de la santé.

La SADC comme outil d'intégration régionale ?

Si les pays d’Afrique australe ont connu une croissance économique souvent plus rapide que la moyenne africaine depuis le début du siècle, leurs échanges internes sont restés relativement modestes si on les compare au volume d'échanges au sein d'autres organisations régionales comme l'Union européenne ou le Mercosur. La SADC pourrait constituer un outil renforçant l’intégration régionale et favoriser l’émergence d’une Afrique australe attractive et puissante, mais les biens échangés sont essentiellement des matières premières et des produits agroalimentaires, et de nombreux freins entravent les échanges (coûts de transport, contrôles frontaliers longs, normes non harmonisées, etc.). En outre, les petits pays, dont l’économie demeure dépendante, peinent à s’intégrer dans cet ensemble. Quant à la création d’une zone de libre circulation des personnes, plusieurs États y sont encore fermement opposés (Afrique du Sud, Botswana, Namibie), car ils craignent un essor des flux migratoires.

Johannesburg, Afrique du Sud - crédits : Ian Dagnall/ Alamy/ hemis.fr

Johannesburg, Afrique du Sud

L'Afrique du Sud, malgré sa position géographique périphérique, est bien le cœur de cet ensemble composite, à la fois hub aérien et carrefour de communications, centre émetteur et récepteur des principaux flux financiers, principal partenaire économique de la plupart des pays et modèle ou repoussoir politique et culturel. Le principal enjeu pour l’Afrique australe réside aujourd'hui dans la capacité et la volonté politique des différents États à mettre en place des politiques de développement afin de résorber les disparités socio-économiques nationales. Il réside également dans la mise au point de politiques régionales afin de participer à des dynamiques communes d’émergence, qui demeurent encore limitées.

— Jeanne VIVET

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Écrit par

  • : agrégée de géographie, maître de conférences à l'université Bordeaux Montaigne

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Afrique australe - crédits : Encyclopædia Universalis France

Afrique australe

Mine d’or au Zimbabwe - crédits : Ian Murphy/ Getty Images

Mine d’or au Zimbabwe

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