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ALBUQUERQUE AFONSO DE (1453-1515)

Cette guerre à outrance connut plusieurs étapes. En 1506, prise de l'île de Socotora, au large d'Aden. En 1510, Albuquerque s'empare de Goa, après avoir passé tous les musulmans au fil de l'épée. Goa devient alors la capitale, aux dépens de Calicut, et devra surtout sa prospérité au commerce des chevaux arabes. En 1511, conquête de Malacca, le grand emporium des échanges avec la Chine (soie) et avec les fameuses îles Moluques qui produisent les épices de « luxe » : cannelle, girofle, gingembre. Dès 1513 parvient à Lisbonne le premier vaisseau chargé d'épices de Malacca. Trois caravelles sont envoyées vers les Moluques, et Magellan, qui a participé à l'assaut contre Malacca, s'en souviendra plus tard...

En 1515, prise d'Ormuz, qui commande l'entrée du golfe Persique (les Portugais y resteront jusqu'en 1621). Mais auparavant, en 1513, Albuquerque avait été repoussé d'Aden, escale obligatoire, depuis l'Antiquité, entre l'Asie et l'Égypte. « Si vous êtes fort sur la mer Rouge, écrivait-il au roi Manuel, vous aurez toutes les richesses du monde entre les mains : tout l'or du Prêtre Jean [l'Abyssinie]... et les épices et denrées de ces contrées, et vous empêcherez toutes les marchandises des Indes de parvenir au Caire, si ce n'est sur vos vaisseaux. » Rêve qui ne sera jamais réalisé. À défaut d'Aden, le gouverneur voudrait s'emparer de Djeddah, le port de La Mecque, et, de là, tenter un coup de main sur la Ville sainte pour y dérober le corps de Mahomet.

La maladie l'empêchera de mener à bien ses grands desseins : il meurt en décembre 1515.

Albuquerque nous est bien connu grâce à ses nombreuses lettres au roi Manuel. D'un ton abrupt, dépourvues de la rhétorique chère à l'époque, ce sont les rapports d'un homme d'action et d'un administrateur. Il sait faire ses comptes, réclamer la solde de ses hommes (« et que ce soit en bonne monnaie de cuivre »), rétorquer avec mépris à ceux qui envoient à la cour des nouvelles pessimistes : « Voyez, Seigneur, les livres des factoreries : là sont les registres de la vérité, et non dans les lettres de vos chroniqueurs de l'Inde. » Il recrute des bombardiers hollandais, allemands. Il fait épouser à ses soldats des femmes hindoues, pour bien marquer que les Portugais sont décidés à rester, et pour assurer la stabilité de ces hommes rongés par l'inaction pendant les six mois où la mousson rend la navigation impossible.

Il mérite bien le nom de « Terrible » que lui a donné Camoens. C'est une guerre d'extermination qu'il mène contre l'Islam. Quand ses énormes vaisseaux (souvent de mille tonneaux) parviennent au voisinage des côtes, « tout se tait et les oiseaux eux-mêmes cessent de raser les flots ».

Sa réussite est due à l'emploi de l'artillerie navale, au fait, aussi, que l'Égypte traversait depuis la fin du xve siècle une crise économique et qu'il n'existait pas alors de vraie force navale asiatique. C'est au lendemain de la mort d'Albuquerque, en 1517, que les Turcs Ottomans vont recueillir l'héritage des Mamelouks et se trouver mêlés directement aux problèmes de l'océan Indien.

— Marianne MAHN-LOT

Bibliographie

Œuvres d'Afonso de Albuquerque

Cartas de Afonso de Albuquerque, R. A. de Bulhão Pato éd., 7 vol., Lisbonne, 1875-1884 ; The Commentaries, W. de Gray Birch éd., Londres, 1875-1884 ; Comentários, A. Baião éd., Coïmbre, 1923 ; Cartas para el Rei D. Manuel I, A. Baião éd., Lisbonne, 1942.

Études

R. Bouvier, Albuquerque, Paris, 1932

C. R. Boxer, Portuguese Conquest and Commerce in Southern Asia, 1500-1750, Variorum, Londres, 1987

V. de Magalhaes Godinho, Les Grandes Découvertes, Coïmbre, 1953.

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Pour citer cet article

Marianne MAHN-LOT. ALBUQUERQUE AFONSO DE (1453-1515) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ART COLONIAL

    • Écrit par Véronique GERARD-POWELL, Alexis SORNIN
    • 8 370 mots
    • 2 médias
    ...économie industrielle précapitaliste que par le maintien d'un empire flottant et du monopole lié au commerce maritime, en particulier celui des épices. Alfonso de Albuquerque, gouverneur de l'Inde portugaise (1509-1515), promeut une politique officielle d'assimilation raciale et culturelle, limitée cependant...
  • INDE (Le territoire et les hommes) - Histoire

    • Écrit par Universalis, Christophe JAFFRELOT, Jacques POUCHEPADASS
    • 22 936 mots
    • 25 médias
    ...Lisbonne, du vieux commerce musulman des épices entre l'Inde et la Méditerranée, qui transitait par les ports de la mer Rouge et l'isthme de Suez. Albuquerque donne rapidement à cette vaste entreprise les bases territoriales nécessaires, et acquiert dans tout l'Océan, et notamment sur les deux côtes...
  • DÉCOUVERTES GRANDES

    • Écrit par Frédéric MAURO
    • 7 968 mots
    • 14 médias
    Le successeur d'Almeida, Albuquerque, est plus ambitieux. La plus grosse partie des épices, négociée sur la côte de Malabar, n'y est pas produite. Elle vient de plus loin, des Moluques. Dès 1509, une flotte a atteint Malacca qui jouait alors, entre l'océan Indien et l'Extrême-Orient, le rôle actuel de...
  • MANUEL Ier (1469-1521), roi de Portugal (1495-1521)

    • Écrit par Universalis, Harold V. LIVERMORE
    • 847 mots

    Roi de Portugal (1495-1521), né le 31 mai 1469 à Alcochete (Portugal), mort en décembre 1521 à Lisbonne.

    Fils de Ferdinand, frère cadet du roi Alphonse V, Manuel succède à son cousin Jean II lorsque celui-ci meurt sans enfant légitime en 1495. Dès son accession au trône, Manuel Ier, dit...

Voir aussi