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THIERS ADOLPHE (1797-1877)

Au service de la monarchie de Juillet

Dans les Mémoires d'outre-tombe, Chateaubriand distingue Thiers de l'ensemble du personnel politique de la monarchie citoyenne : « Sans jalousie, sans petitesse, sans morgue et sans préjugés, il se détache sur le fond terne et obscur des médiocrités du temps. » Effectivement, sa carrière est rapide : député des Bouches-du-Rhône, ministre de l'Intérieur du cabinet Soult, puis ministre de l'Agriculture et du Commerce, à nouveau ministre de l'Intérieur. Par l'entremise de Simon Deutz, il assure l'arrestation de la duchesse de Berry, mène la lutte contre les émeutes républicaines d'avril 1835, contribue à faire voter les lois de répression dites lois de septembre. Il y gagne la haine des républicains, que Daumier exprime en caricatures vengeresses, mais il a le pouvoir et la fortune. En 1838, il épouse Mlle Dosne, mariage sur lequel courent des bruits fâcheux, qui lui donne une aisance qu'il apprécie. En 1834, il est reçu à l'Académie française. « Il n'est point parvenu, dit Talleyrand, il est arrivé. »

En 1836, Thiers est pour la première fois président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, mais il échoue dans sa tentative de marier le duc d'Orléans à une archiduchesse d'Autriche ; en outre, le roi, séduit par les ressources de l'esprit de Thiers, mais plus soucieux encore de « conduire son fiacre » comme il l'entend, s'inquiète de la politique espagnole de son Premier ministre, qui doit donner sa démission. Thiers retourne à l'opposition parlementaire et conduit contre le comte Molé un combat finalement heureux.

En 1840, Thiers retrouve la présidence du Conseil et le ministère des Affaires étrangères. Il veut, comme lors de sa précédente présidence, que la France ne se laisse pas dominer par les intérêts matériels, ne « s'accroupisse pas sur sa chaufferette ». Il désire l'achèvement de la conquête algérienne ; il fait décider le retour des cendres de Napoléon. Toutefois, il entend maintenir l'Entente cordiale avec l'Angleterre et, pour preuve de ses bons sentiments, liquide, au mieux des intérêts anglais, l'affaire des soufres de Sicile. La crise égyptienne l'oppose cependant à lord Palmerston et à la diplomatie des grandes puissances européennes : ayant souhaité réconcilier sans y mêler ces dernières le sultan et le pacha d'Égypte, Thiers se voit proposer un règlement négocié en dehors de la France et peu favorable au client de celle-ci, Méhémet-Ali. Il procède à des armements militaires et laisse entendre qu'il ne refusera pas la guerre. Mais, pour la seconde fois, le roi le désavoue et Thiers démissionne. Politique d'audace proche de la témérité et qui a des suites fâcheuses : l'Allemagne s'est réveillée et accuse la France de troubler l'ordre européen.

À nouveau Thiers est ramené à l'opposition contre le ministère Soult-Guizot qui s'éternise. Il lui reproche sa politique étrangère, sa politique universitaire, son refus de la réforme électorale. Toutefois, il accepte en 1842 que la régence soit confiée au duc de Nemours et non à la duchesse d'Orléans, il ne participe pas à la campagne des banquets (1847-1848). On peut le situer à la gauche de l'orléanisme, mais fidèle aux Orléans, quand la monarchie de Juillet est emportée. En fait, s'il dira sa peine à la mort de Louis-Philippe, il n'a jamais pardonné à la monarchie de ne pas lui avoir donné toute sa chance.

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Pour citer cet article

Pierre GUIRAL. THIERS ADOLPHE (1797-1877) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Portrait d'Adolphe Thiers par Disdéri - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Portrait d'Adolphe Thiers par Disdéri

Thiers - crédits : Universal History Archive/ Universal Images Group/ Getty Images

Thiers

Autres références

  • COMMUNE DE PARIS, en bref

    • Écrit par Sylvain VENAYRE
    • 210 mots
    • 1 média

    En mars 1871, les Allemands vainqueurs de la guerre contre la France, font le siège de Paris. Le second Empire a été renversé et, depuis le 4 septembre 1870, la République a été proclamée. L'Assemblée élue le 8 février 1871 est toutefois à majorité monarchiste ; elle siège dans la ville royale...

  • COMMUNE DE PARIS

    • Écrit par Édith THOMAS
    • 6 497 mots
    • 8 médias
    Soutenu par cette Assemblée en majeure partie composée de ruraux, le chef du pouvoir exécutif, Thiers, symbole même de la bourgeoisie, a les mains libres pour traiter avec l'Allemagne. La France devra payer un tribut de cinq milliards, abandonner l'Alsace, moins Belfort, et le tiers de la Lorraine. Le...
  • DEUXIÈME RÉPUBLIQUE

    • Écrit par André Jean TUDESQ
    • 4 300 mots
    • 1 média
    ...trois lois conservatrices : le 15 mars 1850, la loi Falloux assure la liberté de l'enseignement, ce qui profitera surtout à l'enseignement catholique ; sous l'impulsion de Thiers, une autre loi avait précédemment établi une surveillance plus étroite sur les instituteurs suspects de propagande socialiste...
  • ÉCLIPSE L' (1868-1876)

    • Écrit par Marc THIVOLET
    • 682 mots

    Hebdomadaire de quatre pages dont la première est en couleurs, L'Éclipse présente, dans la plupart des cas, une première page comportant un portrait-charge, deux pages de textes amusants et une quatrième page en partie composée d'images satiriques relatant les événements marquants de la...

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Voir aussi