ADMINISTRATION La science administrative
Problèmes actuels et perspectives de développement de la science administrative
L'essor de la science administrative et sa reconnaissance comme science sociale à part entière sont hypothéqués pour l'instant par l'incertitude qui s'attache à la définition de son objet et par l'absence d'une réflexion épistémologique approfondie sur la visée et les méthodes de cette discipline.
La définition d'un objet propre. La science administrative est écartelée entre deux orientations principales, selon qu'on la considère comme la science de la seule administration publique ou comme la science des organisations de toute nature qui quadrillent la société. Dans le premier cas, on affirme implicitement la spécificité irréductible des tâches d'administration étatique par rapport aux autres activités sociales ; dans le second, on est au contraire amené à insister sur les analogies entre les différentes formes sociales instituées par-delà la démarcation traditionnelle des sphères publiques et privées. Plutôt que de privilégier l'une ou l'autre de ces thèses, une démarche plus féconde consiste à extraire de chacune d'elles la part de vérité qu'elle contient, en assignant pour tâche à la science administrative non pas l'étude d'un objet brut et préconstruit – que ce soit l'administration publique ou l'organisation –, mais précisément la mise en lumière et l'analyse approfondie du double aspect contradictoire de l'administration, à la fois spécifique comme appareil d'État et néanmoins reliée à l'ensemble des autres formes instituées. Si l'on accepte ces prémisses, on pourra alors la considérer simultanément comme une institution investie, au sein de la société dont elle est le produit, d'une fonction spécifique, comme une organisation délibérément construite pour poursuivre des buts déterminés et présentant à ce titre des caractéristiques communes à toutes les organisations, enfin comme un élément du système d'action par lequel elle exerce son emprise sur la société tout en subissant les contraintes émanant d'un environnement structuré et hiérarchisé – analyse qui permet de mettre en lumière l'ambivalence du rôle imparti à l'administration, à la fois agent de changement social et agent de stabilisation sociale.
La définition d'une épistémologie rigoureuse. Cette exigence revêt un double aspect. Elle implique d'abord une claire conscience des obstacles auxquels se heurte la connaissance scientifique des phénomènes administratifs : la sacralisation de l'État, qui empêche d'analyser sérieusement les institutions existantes par crainte d'en mettre à nu les fondements et de faire ainsi douter de leur raison d'être ; le pragmatisme, qui, en enfermant les recherches dans un cadre prédéterminé et en leur assignant un objectif utilitaire, risque d'en fausser les résultats, puisque la science administrative, en tant que science sociale, n'a pas pour but de définir les normes d'un fonctionnement idéal ou simplement meilleur de l'administration, mais bien de découvrir les mécanismes qui régissent son fonctionnement réel ; l'empirisme, également, qui cantonne la science administrative dans des monographies détaillées mais peu fécondes parce que purement descriptives, alors que cette discipline ne saurait se passer du support de la théorie, tant comme instrument heuristique que pour parvenir au stade de l'explication.
Simultanément, la science administrative doit forger des instruments d'analyse adaptés au but qu'elle poursuit, ce qui suppose avant tout de délaisser la démarche juridique, formaliste et déductive, et d'emprunter aux sciences sociales déjà constituées leurs méthodes, leurs concepts et leurs techniques d'investigation, qui ont fait la preuve[...]
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Écrit par
- Jacques CHEVALLIER : professeur de droit public et de sciences politiques à l'université d'Amiens
- Danièle LOCHAK : professeur de droit public et science politique à l'université d'Amiens
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