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YEN

Le taux de change flottant

Dans les années 1960, l'économie mondiale est en pleine prospérité. Au Japon, l'innovation technologique, liée notamment à la révolution électronique, stimule l'industrie et donne de l'avance au pays. Le Japon commence à accumuler un fort excédent du compte courant de sa balance des paiements. La réponse appropriée aurait été de laisser le yen s'apprécier parce que sa réévaluation aurait permis de déconnecter les prix intérieurs du niveau des prix internationaux, c'est-à-dire de l'inflation mondiale. Au contraire, les autorités monétaires japonaises essaient de maintenir la parité dollar/yen au taux de 1 dollar = 360 yens, alors que l'Allemagne et les Pays-Bas abandonnent les parités fixes et laissent flotter leur monnaie en mai 1971. Les Japonais sont en fait très fiers d'avoir réussi, en élèves modèles du système de taux de change fixes et ajustables de Bretton Woods, à tenir la parité de leur monnaie nationale depuis 1949.

Le système de Bretton Woods est pourtant au bord de l'effondrement. Il n'est pas capable de fournir les liquidités internationales suffisantes pour accompagner la croissance des échanges mondiaux, et d'assurer l'ajustement nécessaire des taux de change quand les circonstances l'exigent. En particulier, un pays en situation d'excédent de sa balance des paiements est peu incité à réévaluer sa monnaie, alors qu'un pays en déficit trouve un avantage stimulant à la dévalutation. Le 15 août 1971, le président Nixon annonce la suspension de la convertibilité en or du dollar et impose une surtaxe de 10 p. 100 sur les importations américaines.

Le Japon est le seul grand pays à laisser ouvert son marché des changes et à continuer à échanger dollars contre yens au taux fixe de 360. La Banque du Japon est ainsi amenée à acheter près de 4 milliards de dollars au taux de change surévalué et une part importante des pertes de change subies par les entreprises japonaises et étrangères se trouve transférée aux contribuables japonais. Les autorités japonaises finissent par renoncer à cette attitude coûteuse et laissent flotter le yen à partir du 27 août.

La réévaluation du yen intervient juste un siècle après sa création en 1871. Jusqu'alors, le yen a toujours eu tendance à se déprécier par rapport au dollar. C'est la première fois qu'il s'apprécie. Pendant la période intérimaire de fluctuation des monnaies au sein des marges élargies définies par le Smithsonian Agreement, de décembre 1971 à février 1973, le taux pivot est fixé à 1 dollar = 308 yens, soit une réévaluation de 17 p. 100, mais le cours réel s'établit constamment près du plafond autorisé à 300 yens. L'accord du Smithsonian Institute ne dure pas et les autorités monétaires japonaises sont conduites à adopter un taux de change flexible en février 1973, en même temps que les autres pays industrialisés.

Après 1973, le taux de change yen/dollar fluctue beaucoup. Les autorités japonaises suivent une politique de gestion active du taux de change de leur monnaie, de type leaningagainst the wind, qui consiste à acheter des devises quand le yen s’apprécie et à en vendre quand il se déprécie, afin de réduire ses fluctuations. Le yen s'apprécie jusqu'en octobre 1973 puis fléchit au moment du premier choc pétrolier. À partir de 1977, le yen s'apprécie de nouveau, à 1 dollar = 176 yens en octobre 1978, soit plus de deux fois sa valeur de la période de change fixe 1949-1971. Le second choc pétrolier, en 1979, le fait à nouveau baisser. De 1982 à 1985, le taux de change fluctue autour du cours de 240 yens, alors que l'excédent de la balance des opérations courantes du Japon augmente, que le déficit du compte courant des États-Unis s'accroît, et que l'excédent de la balance bilatérale du Japon sur les États-Unis atteint[...]

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Écrit par

  • : docteure en sciences économiques, professeure des Universités en sciences économiques
  • : professeur de sciences économiques à l'université de Bordeaux-IV-Montesquieu, directeur du Groupe de recherche en analyse et politique économiques, unité mixte du C.N.R.S. 5113

Classification

Pour citer cet article

Sophie BRANA et Dominique LACOUE-LABARTHE. YEN [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DOLLAR

    • Écrit par Dominique LACOUE-LABARTHE
    • 11 247 mots
    • 2 médias
    ...marchés des changes, un certain partage de l'ajustement entre les grands pays formant le groupe des Cinq (États- Unis, Royaume-Uni, R.F.A., France, Japon). Le Japon accepte notamment de favoriser une appréciation ordonnée et substantielle du yen pour diminuer ses excédents commerciaux et ses investissements,...
  • ÉCONOMIE MONDIALE - 2008 : de la crise financière à la crise économique

    • Écrit par Nicolas SAGNES
    • 3 210 mots
    ... s'est fortement dépréciée : 1 livre ne valait pratiquement plus que 1 euro en fin d'année, contre 1,36 euro début janvier. Enfin, le yen s'est fortement apprécié par rapport à toutes les autres monnaies : dans un contexte de montée de l'aversion au risque, certains investisseurs ont...
  • ÉCONOMIE MONDIALE - 2007 : zone de turbulences

    • Écrit par Nicolas SAGNES
    • 3 054 mots
    ...repose sur la vue qu'une dépréciation de la seconde devise contre la première ne viendra pas réduire les gains tirés du différentiel de taux d'intérêt. Cette stratégie s'est avérée très efficace avec le yen, car la Banque du Japon a maintenu ses taux directeurs bas et est intervenue régulièrement sur le...
  • ÉCONOMIE MONDIALE - 1999 : la fin des turbulences ?

    • Écrit par Jacques ADDA
    • 3 444 mots
    • 1 média
    ...dépréciation des taux de change. Mesurée en termes réels, celle-ci approche 30 p. 100 en moyenne vis-à-vis du dollar par rapport aux niveaux de juin 1997. À cela s'ajoute l'effet de la dépréciation du dollar vis-à-vis du yen : de plus de 140 yen à la mi-1998, la devise américaine est revenue à près de 110...
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Voir aussi