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YEN

L'étalon or

À la suite de la guerre sino-japonaise de 1894-1895, le Japon reçoit de la Chine des réparations d'un montant de quelque 360 millions de yens, qui représente trois fois le budget annuel de l'État. Ce transfert d'or apporte suffisamment de réserves pour que le Japon établisse un véritable régime d'étalon or. Il promulgue en 1897 la loi sur la frappe des monnaies (Kahei Ho) qui fixe les parités de change par rapport au dollar américain et à la livre sterling à partir du pair or (1 yen = 750 milligrammes d'or fin, soit 1 yen = 49 et 7/8 cents, et 1 yen = 2 et 9/12 shillings). Le yen est donc dévalué approximativement de moitié par rapport au pair initial de l'ère Meiji.

Au début des années 1890, le Japon est déjà une puissance industrielle en voie de modernisation accélérée. La victoire navale de Tsushima sur l'Empire russe en 1905 procure à l'État une indemnité de guerre de 3 milliards de yens bienvenue pour rembourser la dette publique. L'étalon or assure pendant près de vingt ans la stabilité des prix. La Première Guerre mondiale stimule les exportations de marchandises du Japon qui se tient à l'écart du conflit. Le gouvernement interdit l'exportation d'or deux jours après les États-Unis (2 septembre 1917), suspendant ainsi l'étalon or. À la fin du conflit, les États-Unis rétablissent l'étalon or, suivi, en ordre dispersé, par les pays européens. Le Japon connaît une récession en 1919 et sa balance des paiements est déficitaire l'année suivante. En 1923, un grand tremblement de terre incendie Tōkyō où se produisent des ruées bancaires.

En 1927, à nouveau, une ruée bancaire déclenche une panique financière généralisée. En avril, de nombreuses banques provinciales suspendent leurs paiements pour avoir émis des montants excessifs de bons destinés au financement de la reconstruction de Tōkyō. Il faut, pour leur sauvetage, que la Banque du Japon intervienne comme prêteur en dernier ressort. À la suite de la crise, le secteur bancaire se consolide, le nombre de banques passant de 1 575 en 1926 à 651 en 1932, et les zaibatsu (conglomérats) bénéficient largement de la concentration en augmentant leur pouvoir de marché et leur contrôle sur les entreprises.

Le gouvernement poursuit une politique d'austérité financière pour revenir à l'or. Le Japon ne fait retour à l'étalon or qu’en 1930, en abrogeant l'interdiction d'exporter le métal. Un débat intense se développe sur la restauration du pair de 1919. Influencés par le Tract on Monetary Reform (1923) de John Maynard Keynes, Tanzan Ishibashi, futur ministre des Finances après 1945, et Kamekishi Takahashi, économiste, s'opposent à un retour à l'or sans dévaluation, car la restauration du pair, comme en Angleterre en 1925, obligerait à mettre en œuvre une politique déflationniste qui serait désastreuse pour l'activité économique. Le gouvernement décide néanmoins, comme l'a fait Winston Churchill, alors chancelier de l'Échiquier, d'emprunter ce chemin dangereux.

Le taux de change du marché s'établit autour de 1 yen = 43 cents (alors que le pair d'avant guerre était à 1 yen = 49 et 7/8 cents), la différence offrant de considérables perspectives de profit (acheter 100 yens d'or au prix de 43 dollars permet de les revendre avec un profit d’environ 16 p. 100 sans les frais). L'annonce du retour à l'étalon or suffit donc à provoquer un afflux massif de capitaux spéculatifs au Japon. Mais ce mouvement se retourne aussitôt après le rétablissement effectif du pair, car les spéculateurs sont convaincus que le gouvernement sera incapable de tenir cette parité or. De fait, l'intervention du gouvernement qui rachète des yens sur le marché ne parvient pas à contenir les sorties d'or qui atteignent 288 millions de yens en 1930. La[...]

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Écrit par

  • : docteure en sciences économiques, professeure des Universités en sciences économiques
  • : professeur de sciences économiques à l'université de Bordeaux-IV-Montesquieu, directeur du Groupe de recherche en analyse et politique économiques, unité mixte du C.N.R.S. 5113

Classification

Pour citer cet article

Sophie BRANA et Dominique LACOUE-LABARTHE. YEN [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DOLLAR

    • Écrit par Dominique LACOUE-LABARTHE
    • 11 247 mots
    • 2 médias
    ...marchés des changes, un certain partage de l'ajustement entre les grands pays formant le groupe des Cinq (États- Unis, Royaume-Uni, R.F.A., France, Japon). Le Japon accepte notamment de favoriser une appréciation ordonnée et substantielle du yen pour diminuer ses excédents commerciaux et ses investissements,...
  • ÉCONOMIE MONDIALE - 2008 : de la crise financière à la crise économique

    • Écrit par Nicolas SAGNES
    • 3 210 mots
    ... s'est fortement dépréciée : 1 livre ne valait pratiquement plus que 1 euro en fin d'année, contre 1,36 euro début janvier. Enfin, le yen s'est fortement apprécié par rapport à toutes les autres monnaies : dans un contexte de montée de l'aversion au risque, certains investisseurs ont...
  • ÉCONOMIE MONDIALE - 2007 : zone de turbulences

    • Écrit par Nicolas SAGNES
    • 3 054 mots
    ...repose sur la vue qu'une dépréciation de la seconde devise contre la première ne viendra pas réduire les gains tirés du différentiel de taux d'intérêt. Cette stratégie s'est avérée très efficace avec le yen, car la Banque du Japon a maintenu ses taux directeurs bas et est intervenue régulièrement sur le...
  • ÉCONOMIE MONDIALE - 1999 : la fin des turbulences ?

    • Écrit par Jacques ADDA
    • 3 444 mots
    • 1 média
    ...dépréciation des taux de change. Mesurée en termes réels, celle-ci approche 30 p. 100 en moyenne vis-à-vis du dollar par rapport aux niveaux de juin 1997. À cela s'ajoute l'effet de la dépréciation du dollar vis-à-vis du yen : de plus de 140 yen à la mi-1998, la devise américaine est revenue à près de 110...
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Voir aussi