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TECTONIQUE DES PLAQUES

Les mystères des océans

L'essor de la géophysique apporte de nouvelles observations et une énigme supplémentaire. Dans les années 1930, on constate que les tremblements de terre sont localisés dans des bandes étroites qui sillonnent la surface terrestre. Les plus nombreux et les plus dévastateurs se regroupent à la périphérie des océans, où se trouvent les fonds marins les plus extrêmes, c’est-à-dire dans les fosses océaniques. Ces séismes se répartissent le long de plans inclinés, jusqu'à de grandes profondeurs (près de 700 kilomètres en certains endroits), appelés plans de Wadati-Benioff en l'honneur du géophysicien japonais Kiyoo Wadati (1902-1995) – qui les a mis en évidence dans plusieurs études publiées de 1927 à 1935 – et de l'Américain Hugo Benioff (1899-1968) – qui les a confirmés à la fin des années 1940. Des mesures du champ de pesanteur effectuées aux mêmes endroits indiquent la présence de masses anormalement élevées dans le manteau. Ces caractéristiques remarquables délimitent des structures très profondes qui ne peuvent être attribuées à aucun phénomène alors connu. Le mystère ne sera résolu qu'avec l'avènement de la tectonique des plaques.

Les océans restent en très grande partie inconnus en 1950. À cette époque, les mesures de la profondeur du plancher océanique sont encore lacunaires et imprécises, limitées à quelques trajectoires de navires réparties plus ou moins aléatoirement sur les mers du globe. Les fonds marins semblent sans structure et on parle de « plaines abyssales ». Les géologues ne disposent que de rares échantillons des roches qui se trouvent sous les sédiments marins et ne savent pas déterminer leur âge.

On sait aujourd'hui que le socle des fonds marins est constitué de basalte, une lave formée à très haute température, et que, par le jeu de failles, des roches appelées péridotites peuvent remonter en quelques endroits. Avant 1950, du fait d'un échantillonnage très incomplet, les géologues avaient les deux types de roches sous les yeux et ne pouvaient déterminer lequel dominait. De surcroît, ils ne savaient pas comment se formaient les basaltes. À cette époque, la minéralogie et la pétrologie, sciences des roches et de leurs conditions de formation, étaient dédiées en priorité aux granites qui, formant le socle des continents, étaient plus facilement accessibles. Les basaltes sont en réalité les laves les plus abondantes de notre planète et ont joué un rôle essentiel dans l'élaboration de la théorie de la tectonique des plaques.

Aujourd'hui, on date les roches par la mesure des concentrations de certains isotopes radioactifs, dont la désintégration dans le temps donne un âge. Ces datations, fournissant un résultat chiffré, sont dites absolues. Auparavant, on ne pouvait qu'ordonner chronologiquement les événements les uns par rapport aux autres (datations dites relatives) : une couche sédimentaire est plus jeune que les roches qu'elle recouvre ; une intrusion magmatique est plus jeune que les formations qu'elle traverse. L'âge exact des fonds océaniques est resté une énigme jusqu'au début des années 1960. Dater un basalte par la méthode isotopique est particulièrement ardu et n'est pas envisageable à l'échelle de tout un bassin océanique faute de disposer du nombre nécessaire d'échantillons. La réussite sans doute la plus remarquable des pionniers de la tectonique des plaques est d'avoir réussi à contourner cette difficulté.

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris et à l'Institut de physique du globe de Paris, membre de l'Académie des sciences

Classification

Pour citer cet article

Claude JAUPART. TECTONIQUE DES PLAQUES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Localisation des séismes enregistrés sur Terre - crédits : Lisa Christiansen/ Caltech Tectonics Observatory

Localisation des séismes enregistrés sur Terre

Le plan incliné de séismicité de Wadati-Benioff sous le Japon - crédits : Dapeng Zhao, 2004

Le plan incliné de séismicité de Wadati-Benioff sous le Japon

Mouvements de convection et tectonique des plaques - crédits : Encyclopædia Universalis France

Mouvements de convection et tectonique des plaques

Autres références

  • THÉORIE DE LA TECTONIQUE DES PLAQUES

    • Écrit par Florence DANIEL
    • 285 mots
    • 1 média

    La tectonique des plaques est l'aboutissement de toute une série d'hypothèses – depuis celle de la dérive des continents proposée par Alfred Wegener (1912) à celle de Frederick Vine et Drummond Matthews (1963) en passant par celle de l'expansion des fonds océaniques formulée...

  • TERRE - Planète Terre

    • Écrit par Jean AUBOUIN, Jean KOVALEVSKY
    • 9 225 mots
    • 9 médias
    Combinées entre elles et aux résultats de la sismologie, les données du paléomagnétisme ont fondé la tectonique des plaques, selon laquelle l'expansion océanique, ou accrétion, est compensée par la subduction, génératrice d'arcs insulaires et de cordillères ou annonciatrice de collisions...
  • ALASKA

    • Écrit par Claire ALIX, Yvon CSONKA
    • 6 048 mots
    • 10 médias
    L'activité sismique et volcanique est très importante dans le sud de l'Alaska. Les plaques continentales se rencontrent sous l'océan, immédiatement au sud des Aléoutiennes. La plaque du Pacifique s'étend vers le nord à la vitesse de quelques centimètres par an. En s'enfonçant sous la plaque d'Amérique...
  • ALPINES CHAÎNES

    • Écrit par Jean AUBOUIN
    • 4 539 mots
    • 5 médias
    En fait, ces « phases » ont une distribution régionale qui dépend du détail du mouvement des continents dans le cadre de la tectonique des plaques, notamment de leurs collisions avec des arcs insulaires ou entre eux. Par commodité de langage, elles tendent de plus en plus à être remplacées par...
  • AMÉRIQUE (Structure et milieu) - Géologie

    • Écrit par Jean AUBOUIN, René BLANCHET, Jacques BOURGOIS, Jean-Louis MANSY, Bernard MERCIER DE LÉPINAY, Jean-François STEPHAN, Marc TARDY, Jean-Claude VICENTE
    • 24 158 mots
    • 23 médias
    À l'activité de ces différents secteurs s'ajoute une tectonique extensive, dite du Basin and Range, si caractéristique de l'ouest des États-Unis et du nord-ouest du Mexique, qui élargit considérablement le domaine montagneux et dont l'origine est souvent attribuée à la subduction de la ride est-pacifique...
  • Afficher les 58 références

Voir aussi