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POLICIER ROMAN

L'évolution du genre aux États-Unis

James Crumley - crédits : Sophie Bassouls/ Sygma/ Getty Images

James Crumley

La vague du récit hard-boiled domine encore durant les années 1950 avec une foule d'histoires de détective privé. Mais après guerre, face à la progression importante de la délinquance et de la criminalité, la police apparaît pour la majorité des citoyens comme la seule protection efficace dans la jungle urbaine. Cet état d'esprit favorise la naissance du police procedural (procédure policière), récit qui décrit de façon minutieuse et réaliste le travail quotidien d'une équipe d'enquêteurs professionnels. Parmi les spécialistes de ce genre, on trouve Lawrence Treat (V comme victime, 1947), Hillary Waugh (On recherche, 1952), William McGivern (Coup de torchon, 1953), et surtout Ed McBain (Du balai, 1956) qui publiera plus d'une cinquantaine de récits avec ses inspecteurs du 87, un commissariat new-yorkais. À partir de 1970, le détective privé refait surface. Comme dans les années 1920-1930, certains romanciers vont l'utiliser pour ausculter une société en proie au doute, traumatisée par le drame vietnamien et le gangstérisme politique. Parmi les plus convaincants : Bill Pronzini (The Nameless), Roger Simon (Moses Wine), Arthur Lyons (Jacob Asch), Michael Collins (Dan Fortune), Lawrence Block (Matt Scudder), Robert Parker (Spenser), Loren Estleman (Amos Walker), et surtout James Crumley (Milodragovitch). Les policiers dépeints par Joseph Wambaugh (Patrouilles de nuit) préfigurent ceux que James Ellroy mettra en scène quinze ans plus tard. Vers la même époque, Mary Higgins Clark renouvelle le suspense psychologique (La Nuit du renard), suivie de quelques femmes de talent : Judith Kelman, Patricia MacDonald, Darian North, Jeannine Kadow et l’ancien médecin Tess Gerritsen (L’Embaumeur).

Elmore Leonard - crédits : MDCarchives

Elmore Leonard

Les années 1980-1990 sont marquées par l'émergence de romans d'une extrême violence. Thomas Harris (Le Silence des agneaux, 1988), John Sandford (La Proie de l'ombre, 1990), Patricia Cornwell (Une mort sans nom, 1995) s'illustrent notamment sur le thème du tueur en série, qui devient un personnage récurrent de la fiction policière. Mais la révélation reste James Ellroy qui, après quelques ouvrages atypiques, laisse éclater son originalité stylistique et compose des reconstitutions historiques au souffle puissant, comme sa tétralogie sur le Los Angeles des années 1950 (Le Dahlia noir, 1987) ou sa démythification des États-Unis des années 1958 à 1972 dans une trilogie historique où la politique est intimement liée au monde du crime. Le premier volume abonde en révélations surprenantes sur le clan Kennedy (American Tabloid, 1955), tandis que le second (American Death Trip, 2001), qui débute par l'assassinat du président, se poursuit au Vietnam où les boys s'enlisent dans une guerre inutile. Mais ce romancier d'exception ne doit pas cacher une foule de nouveaux venus qui se distinguent aussi par leur écriture et les thèmes qui les inspirent. Nick Tosches met en scène la lutte apocalyptique entre les triades asiatiques et la mafia (Trinités, 1994), Elmore Leonard use de l'humour pour explorer le crime en Floride (Punch Creole, 1992). Thomas Kelly rend compte sous l’ère Reagan de la collusion entre les mondes de l’entreprise, de la politique et du crime organisé (Le Ventre de New York, 1997). Carl Hiaasen dénonce la destruction des côtes par les promoteurs (Miami Park, 1991). Il invente le polar écologique, et Barry Gifford le « road novel » (Sailor et Lula, 1990), tandis que James Lee Burke traque le mal dans les bayous de Louisiane (Prisonniers du ciel, 1992) et Joseph Kanon n’en fini pas de conter les méfaits de la chasse aux sorcières (L’Ultime Trahison, 1998 ; L’Ami allemand, 2001).

Au cours des deux dernières décennies, d'autres romanciers à l'univers singulier, souvent empreint d'humour et de dérision, se sont révélés à un lectorat français toujours[...]

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Pour citer cet article

Claude MESPLÈDE et Jean TULARD. POLICIER ROMAN [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Andrea Camilleri - crédits : Antonelli/ AGF/ Bridgeman Images

Andrea Camilleri

Fred Vargas - crédits : Pierre Verdy/ AFP

Fred Vargas

Edgar Allan Poe - crédits : C.T. Talman/ Library of Congress, Washington, D.C.

Edgar Allan Poe

Autres références

  • DICTIONNAIRE DES LITTÉRATURES POLICIÈRES, (dir. C. Mesplède)

    • Écrit par Fanny BRASLERET
    • 1 068 mots

    Quatre ans après la première édition des deux volumes du Dictionnaire des littératures policières paraissait une deuxième version (Joseph K, Nantes, 2007) enrichie d'une seconde Préface, de cinq cents articles et d'une liste des entrées. Sous la direction de Claude Mesplède, ce dictionnaire,...

  • A.D.G. ALAIN FOURNIER dit (1947-2004)

    • Écrit par Claude MESPLÈDE
    • 666 mots

    C'est en août 1971 qu'A.D.G. publie son premier roman, La Divine Surprise, dans la collection Série noire de Gallimard. Il raconte les mésaventures d'Alfred le Cloarec et de son fils Albert, deux truands de la vieille école qui finiront piteusement. Si son écriture tout comme son sujet...

  • ARNAUD GEORGES-JEAN (1928-2020)

    • Écrit par Claude MESPLÈDE
    • 791 mots
    • 1 média

    3 juillet 1928 à Saint-Gilles-du-Gard, Georges-Jean Arnaud est encore étudiant lorsqu'il écrit son premier manuscrit, Ne tirez pas sur l'inspecteur. Il l'adresse au secrétariat du Prix du Quai des Orfèvres et remporte le prix (1952). Pour le publier, il utilise le pseudonyme de Saint-Gilles,son...

  • BIALOT JOSEPH (1923-2012)

    • Écrit par Claude MESPLÈDE
    • 663 mots

    Écrivain abordant des genres aussi divers que le polar ou le roman historique, Joseph Bialot fut aussi un témoin de la Shoah. Sa vie fut une succession d'épreuves qu'il s'efforça de surmonter grâce à une énergie de tous les instants, une énorme capacité de travail et un humour permanent qui empruntait...

  • BLOCH ROBERT (1917-1994)

    • Écrit par Jacques GOIMARD
    • 368 mots

    Pour le grand public, Robert Bloch reste avant tout l'auteur de Psychose, un grand roman dont Hitchcock tira un grand film, et qui marqua Anthony Perkins au point qu'il redevint Norman Bates dans trois suites (1983, 1986, 1990). Mais derrière l'arbre, il n'est pas interdit de voir la forêt :...

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Voir aussi