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LAPLACE PIERRE SIMON DE (1749-1827)

La théorie des probabilités

Que les quarante-trois mouvements observables alors dans le système solaire soient tous des mouvements relatifs de rotation s'effectuant dans le même sens constituait pour Laplace la probabilité la plus grande pour une origine commune et l'exclusion d'un effet du hasard. Mais ce n'est que l'expression la plus simple d'une démarche de l'esprit qui est essentielle à son œuvre scientifique tout entière. La fécondité de cette œuvre et l'influence considérable qu'elle a exercée sont incompréhensibles sans référence au traité de la Théorie analytique des probabilités commencé en 1795, publié en 1812 et réédité deux fois du vivant de l'auteur.

Ce traité répond parfaitement à son titre. Il définit de manière précise la probabilité en considérant d'abord, pour un événement simple, le rapport des cas favorables aux cas possibles et en soulignant la condition essentielle que tous ces cas possibles doivent l'être également. Il pose des principes concernant les ensembles d'événements et la composition des probabilités suivant que ces événements sont indépendants ou non. Il introduit, en généralisant les méthodes de calcul symbolique déjà envisagées par Leibniz, l'application de l'analyse mathématique et établit la correspondance des probabilités composées avec les coefficients du développement de fonctions dites génératrices. Il ébauche la notion de corrélation, c'est-à-dire, selon la conception qui ne sera clairement perçue que plus tard, la notion de loi de probabilité d'une fonction aléatoire de la loi supposée fixée d'une autre aléatoire. Enfin, il envisage les problèmes plus connus aujourd'hui sous le nom de convergence stochastique et qui visent à fournir des données pour la décision, dans le resserrement des intervalles de probabilité.

La foi en la possibilité de dégager des expériences multipliées des rapports constants, susceptibles de fonder des règles de conduite, est un besoin incoercible de l'esprit humain, et en cherchant après bien d'autres à mettre la spéculation mathématique au service de cette idée simple, Laplace n'est pas essentiellement novateur. Mais il formule la première démonstration acceptable, encore que non complètement rigoureuse, des lois limites d'une probabilité variable lorsqu'on augmente indéfiniment le nombre des observations. C'est ainsi qu'il apporte à la physique un moyen de soumettre à la critique le redoutable problème des erreurs de mesure.

S'appliquant dans le même temps que Carl Friedrich Gauss à préciser le statut mathématique de la méthode dite des moindres carrés, qui consiste à fixer les résultats moyens à retenir en rendant minimale la somme des carrés des écarts par rapport aux résultats de l'observation, Laplace rend mieux compte de la loi des grands nombres (selon laquelle il faut multiplier les observations ou les expériences) en fournissant des expressions pour la probabilité que l'écart des moyennes par rapport à la vérité soit compris entre des limites données.

Sans doute la confiance avec laquelle Laplace proclame que la masse de Jupiter, calculée par Alexis Bouvard d'après les tables astronomiques corrigées sous son inspiration, est exacte au 1/100 selon une probabilité de 106 contre 1 est apparue plus tard excessive. Mais l'excès sur tel ou tel point n'enlève rien à l'importance de l'outil universel qui se trouve mis à la disposition des physiciens et dont les possibilités d'application s'étendent à toutes sortes d'autres domaines : biologique, juridique, social et même moral. On reste confondu devant l'ampleur des vues que les sciences humaines d'aujourd'hui ont confirmées et qui font de Laplace beaucoup plus qu'un pionnier, un maître qui peut continuer à instruire et à inspirer.[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études

Classification

Pour citer cet article

Pierre COSTABEL. LAPLACE PIERRE SIMON DE (1749-1827) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Le complexe des anneaux de Saturne vu par Voyager-1  - crédits : Courtesy NASA / Jet Propulsion Laboratory

Le complexe des anneaux de Saturne vu par Voyager-1 

Autres références

  • THÉORIE ANALYTIQUE DES PROBABILITÉS (P. S. de Laplace)

    • Écrit par Pierre COSTABEL, Universalis
    • 359 mots

    La Théorie analytique des probabilités, commencé en 1795, publié en 1812 et réédité deux fois du vivant de l'auteur, Pierre Simon de Laplace (1749-1827), représente la pierre angulaire de l'œuvre de celui-ci.

    Ce traité répond parfaitement à son titre. Il définit de manière précise...

  • ASYMPTOTIQUES CALCULS

    • Écrit par Jean-Louis OVAERT, Jean-Luc VERLEY
    • 6 250 mots
    • 1 média
    ...un nombre arbitrairement grand de termes, cela n'entraîne nullement que la série correspondante converge, comme le montre l'exemple suivant, étudié par Laplace. Considérons la fonction :
    (à une constante près, c'est la fonction « exponentielle-intégrale ») ; par intégration successive par parties, on...
  • DELAMBRE JEAN-BAPTISTE (1749-1822)

    • Écrit par Jean-Eudes ARLOT
    • 1 054 mots
    • 1 média
    À partir de 1791, il utilise le travail théorique de Pierre Simon de Laplace (1749-1827) pour publier les éphémérides du Soleil (jusqu’en 1862), de Jupiter et de Saturne (jusqu’en 1832) dans la Connaissance des temps, édition officielle des éphémérides françaises établie par le Bureau des...
  • DESCRIPTION ET EXPLICATION

    • Écrit par Jean LARGEAULT
    • 9 388 mots
    • 1 média
    ...problème de l'origine de l'ordre ne se pose pas. Les penseurs qui veulent éviter de recourir à un architecte divin ne peuvent éviter de poser le problème. Laplace, qui estime que l'univers globalement est semblable à la petite partie que nous en apercevons, se borne à considérer la formation du système...
  • DÉTERMINISME

    • Écrit par Étienne BALIBAR, Pierre MACHEREY
    • 9 713 mots
    Cette propriété avait déjà trouvé chez Laplace une formulation célèbre, bien que Laplace, strictement newtonien dans sa philosophie naturelle, n'emploie pas, et pour cause à cette date, le terme de déterminisme : « Nous devons envisager l'état présent de l'univers comme l'effet de son état antérieur...
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Voir aussi