Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PHILON D'ALEXANDRIE (20 av. J.-C. env.-45)

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par

La théologie mystique

La préoccupation dominante est de se rapprocher de Dieu, Dieu étant appelé l'Existant, l'Étant, suivant la traduction de la Septante, en Exode, iii, 14. Ce Dieu est au-dessus de toute expression, y compris celle de theos (dieu), beaucoup trop ambiguë. Aucun homme ne peut prétendre atteindre l'Existant. Moïse lui-même, qui s'est enfoncé dans la ténèbre du Sinaï, n'a pénétré que dans les concepts sans chemins et sans formes qui entourent l'Existant. Pourtant, si l'Existant demeure dans une transcendance inaccessible à l'homme, il est, selon la Bible, un Père compatissant qui désire communiquer aux hommes les plus saints de ses mystères.

L'itinéraire spirituel de l'âme est décrit selon un schème qui connaîtra une immense fortune dans la tradition chrétienne, celui de l'Exode. L'Égypte, où les Israélites vivaient en esclavage, représente le corps ou les sens dont l'âme doit se libérer. Lors de la traversée de la mer Rouge, les passions sont englouties dans la mer sous la figure du cheval et du cavalier. Le long passage au désert est une purification sous la conduite de Moïse, qui mène les Israélites au puits de la Sagesse.

Cette montée de l'âme vers l'Existant s'exprime en bien d'autres symbolismes. Ainsi, l'arche d'alliance, qui occupe une place centrale dans le culte juif, figure la présence divine. Dieu est incompréhensible, mais l'homme peut saisir le sillage de son action dans le monde et reconnaître sa miséricorde, sa souveraineté, son amour créateur. Ces manifestations divines sont appelées des puissances ; ces puissances, créatrice, royale, miséricordieuse, sont symbolisées par les deux Chérubins et le propitiatoire. Philon reprend ici les conceptions juives de l'époque, lesquelles, pour préserver la transcendance, tendaient à multiplier les intermédiaires. Au-dessus des puissances, on trouve le logosqui a donné lieu à tant d'interprétations. Le logos philonien est une notion centrale, extrêmement complexe, car Philon combine la conception hébraïque de parole divine, qui est aussi loi et sagesse, avec des concepts grecs dérivés du platonisme et du stoïcisme. Le logos est tantôt le lieu des idées archétypes, modèles des choses créées, tantôt considéré comme immanent au monde et comme constituant le lien de la création. Mais il tient également le rôle de la Sagesse dans le monde biblique ; or la Sagesse personnifiée était à la fois instrument de la création et intermédiaire entre Dieu et les hommes. C'est pourquoi Philon peut aussi présenter le logos comme un ange, un suppliant, qui se tient entre la créature et le Créateur. La cohérence qu'on peut trouver chez Philon n'est pas d'ordre conceptuel ou logique, mais d'ordre spirituel : par le logos se répandent sur les créatures toutes les grâces de l'Existant et toutes les illuminations de l'âme. Rares sont ceux qui, comme Moïse, ont pu dépasser le logos, sans pourtant atteindre Dieu. La doctrine philonienne du logos n'a pas eu d'influence directe sur le quatrième évangile, mais elle a joué un rôle dans les discussions trinitaires.

— Annie JAUBERT

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Annie JAUBERT. PHILON D'ALEXANDRIE (20 av. J.-C. env.-45) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • ALEXANDRIE ÉCOLE PHILOSOPHIQUE D'

    • Écrit par
    • 2 186 mots
    C'est dans cette traduction grecque, dite des Septante, que Philon d'Alexandrie, le plus célèbre représentant de la philosophie judéo-alexandrine, ignorant probablement l'hébreu, lisait les grands livres de l'Ancien Testament. À la coloration hellénique qui caractérise cette traduction, il ajoute,...
  • AMBROISE DE MILAN (339-397)

    • Écrit par
    • 1 921 mots
    ...théologie trinitaire, le De spiritu sancto et le De incarnatione. Plus tard, l'Hexaemeron et le De Nabuthe auront pour source Basile de Césarée. L'influence de Philon d'Alexandrie prédomine au début de l'épiscopat d'Ambroise. Le De paradiso, le De Cain et Abel, le De Noe et...
  • BIBLE - L'inspiration biblique

    • Écrit par
    • 4 564 mots
    • 1 média
    Le vocabulaire et les idées de Platon sur l'inspiration ont fortement marqué le grand commentateur juif de la Tōrah, Philon d'Alexandrie. Pour celui-ci, les « livres saints », qui ne sauraient être d'aucune façon des « témoins douteux », sont l'expression du « saint ...
  • ISAAC

    • Écrit par
    • 552 mots

    Deuxième personnage de l'histoire patriarcale et de la généalogie qui la sous-tend, Isaac se situe comme fils d'Abraham et père de Jacob. « Isaac » est un nom théophore (dont l'élément divin se trouve absent : Yischaq, « que [Dieu] rie », ou « [Dieu] a ri ». Les trois...