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NOBLESSE

La fusion des élites gallo-romaines et barbares (Ve-XIIe s.)

Les noblesses d'Europe occidentale semblent être nées des conséquences de la fusion des élites barbares et des élites gallo-romaines. Après une première réaction d'hostilité, dont le témoin est Sidoine Apollinaire, évêque de Clermont-Ferrand (v. 430-v. 487) et la panique une fois passée, les intérêts terriens communs, la nécessité d'employer les cadres traditionnels compétents, le rôle de l'Église latine « qui est, en elle-même, le triomphe d'une caste aristocratique romaine » (R. Fossier) aboutirent à un mélange des chefs locaux avec les cadres des envahisseurs. Les mariages mixtes, progressivement autorisés par les législations barbares, complètent ces rapprochements. Mais cette fusion est, évidemment, très variable de région à région. En Gaule du Nord, la panique fait refluer la majeure partie de la noblesse sénatoriale vers le sud du pays. Dans les îles Britanniques, la fuite d'une partie de la population indigène vers les « trois péninsules » ouest provoque un retour des catégories dirigeantes à un état de caste guerrière. En Italie, l'aristocratie est décimée par les Lombards et par les Byzantins. Mais, tôt ou tard, plus ou moins complète, la fusion s'opère sans que l'on puisse toujours donner davantage de précisions. Une seule certitude : le pourcentage des éléments barbares est presque partout plus fort dans la « noblesse » que dans le reste de la population. La mise en place définitive de cette noblesse s'opère au cours de la deuxième vague d'invasions, du ixe au xe siècle. L'effondrement de l'Empire carolingien, surtout dans l'Ouest européen, permet l'édification du système féodal qui, comme on le sait, se fait à partir d'éléments préexistants, remontant les uns au Bas-Empire, les autres aux traditions indigènes ou barbares. Les châteaux – d'abord refuges sommaires composés de palissades et d'un donjon de bois édifiés en hâte sur des « mottes » naturelles ou artificielles, puis constructions de plus en plus complexes de pierre – imposent aux paysages européens une marque nobiliaire et féodale jusqu'à nos jours indélébile. Nombre de villages ou de villes s'agglomèrent autour de ces remparts-refuges. Ainsi, le xie siècle constitue probablement la première apogée de cette « primitive » noblesse issue des mondes mérovingiens et carolingiens. Ce système, fondé sur une richesse terrienne et la suprématie militaire du cavalier de plus en plus lourdement armé, repose dans une large mesure sur la cohésion d'une famille « clanique » où l'étendue géographique et numérique du groupe familial importe plus que sa durée diachronique.

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes

Classification

Pour citer cet article

Jean MEYER. NOBLESSE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne moderne et contemporaine

    • Écrit par Michel EUDE, Alfred GROSSER
    • 26 883 mots
    • 39 médias
    Il y a en Allemagne deux noblesses. D'abord la vieille noblesse d'Empire – dans la mesure où elle a survécu aux guerres des xvie et xviie siècles. À cette catégorie appartiennent, d'une part les souverains d'États minuscules (Kleinstaaterei), représentés au collège des princes...
  • ANCIEN RÉGIME

    • Écrit par Jean MEYER
    • 19 103 mots
    • 3 médias
    L'Ancien Régime est d'abord une société aristocratique, à l'intérieur de laquelle la noblesse, et surtout la haute noblesse, sans cesse mise en cause par les progrès de la monarchie absolue, reste cependant le pôle autour duquel tout tourne. Qu'on ne se laisse pas abuser, en effet, par les expressions...
  • ARMES, héraldique

    • Écrit par Hervé PINOTEAU
    • 1 012 mots

    Le droit aux armes (composition dans un écu) et aux armoiries (l'écu plus ses ornements extérieurs) s'est progressivement dégagé au cours des siècles dans les diverses nations de l'Occident chrétien, mais de façon, parfois assez dissemblables. Prises par les chevaliers qui les arboraient sur écus...

  • AUTRICHE

    • Écrit par Roger BAUER, Jean BÉRENGER, Annie DELOBEZ, Universalis, Christophe GAUCHON, Félix KREISSLER, Paul PASTEUR
    • 34 125 mots
    • 21 médias
    ...autrichienne. Ce fut peut-être l'idéal vers lequel tendirent Ferdinand Ier, au xvie siècle, et Joseph II, dans la seconde moitié du xviiie siècle. Il faut bien avouer que ni l'un ni l'autre n'ont réussi à vaincre l'opposition des différentes noblesses locales ; Metternich lui-même ne gouverna qu'avec...
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