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MAO ZEDONG ou MAO TSÉ-TOUNG (1893-1976)

Apprentissage de la politique (1921-1927)

Dans l'immédiat, un pas important est franchi avec l'adhésion au communisme, dessinée en 1920, à la faveur de brefs contacts à Shanghai et à Pékin, puis au sein d'un petit groupe marxisant de Changsha, que Mao représente au congrès qui fonde le Parti communiste chinois (P.C.C.) en juillet 1921. Cela ne fait de lui ni un dirigeant du parti – rôle réservé aux intellectuels cosmopolites de Shanghai – ni un « vrai » communiste. Tout au long des années 1920, il est un agitateur de province contré dans ses tentatives d'ascension, et, s'il est devenu un homme de parti, c'est autant et parfois plus dans le G.M.D. qu'au sein du P.C.C. (allié en Front uni à ce dernier de 1923 à 1927). Les années 1920 sont celles de l'apprentissage politique, qui sera dépassé. Le premier communisme de Mao est avant tout la volonté d'ancrer l'idéal de la transformation sociale dans un modèle d'organisation, alors confondu avec la révolution russe. La transformation sociale et l'organisation politique changeront de modèle, mais la formule subsistera. Jusqu'au bout, elle sera la marque indélébile de l'identification du maoïsme au communisme.

En acceptant l'instrument politique par excellence qu'est un parti, Mao suit une minorité d'activistes qui se sont persuadés que l'action de masse nécessite une organisation stricte à l'échelle du pays. Devenu prépondérant en 1919, l'exemple russe se durcit sous leurs yeux, passant de la démocratie des soviets à la dictature bolchevique. Les débats qui exposent la faiblesse organisationnelle du modèle activiste conduisent à mettre en lumière son caractère réformiste et modéré. S'identifier à la lutte des classes et à l'action ouvrière est un gage d'appartenance à une révolution mondiale perçue comme une voie d'accès à la modernité plus sûre pour la Chine que l'activisme fondé sur l'éducation, les coopératives, les réformes locales ou l'agitation s'adressant à l'ensemble de la société. Peu importe que les ouvriers soient si peu nombreux : quand ils se soucient de répondre à cette objection, les convertis au communisme déclarent que la Chine, dans sa totalité, face à l'impérialisme, est une « nation prolétaire ».

Chez Mao, les ajustements doctrinaux et le radicalisme social compteront beaucoup par la suite, mais ils s'effacent au départ derrière le postulat de l'organisation. Aussi prend-il le tournant du Front uni, alors que les dirigeants du P.C.C. se cabrent : le G.M.D. a le mérite d'être un géant à côté du pygmée communiste. À Changsha, à Shanghai, il cultive au sein du parti nationaliste des accointances qui le rapprochent des centres de décision, mais qui lui valent la vindicte des anti-Front du P.C.C. À partir de 1925, après un passage à vide encore mal expliqué, il fait de l'agit-prop dans la campagne hunanaise, travaille dans les organes chargés de lancer un mouvement paysan et s'affaire à décrire la réalité villageoise et la « grande union » en termes marxistes. La légende a porté aux nues ces textes et ces activités. Mao y prend, certes, un nouveau départ, car s'il n'a fait que de courts séjours à Pékin et à Shanghai, s'il n'a pas suivi ses amis qui se sont embarqués pour la France, s'il a été un provincial taxé de « localisme », ce fils de la terre ne s'en est pas moins formé politiquement dans l'univers de la ville. Mais sa conversion à l'action paysanne ne fait que suivre une voie ouverte par d'autres, qui comptent alors plus que lui.

L'année 1927 lui fait franchir des caps plus décisifs en direction de lui-même. Dans son Rapport d'enquête sur le mouvement paysan dans la province du Hunan, qui magnifie les troubles[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, directeur du Centre d'études sur la Chine moderne et contemporaine, E.H.E.S.S.-C.N.R.S.

Classification

Pour citer cet article

Yves CHEVRIER. MAO ZEDONG ou MAO TSÉ-TOUNG (1893-1976) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Naissance de la République populaire de Chine, 1949 - crédits : The Image Bank

Naissance de la République populaire de Chine, 1949

Mao Zedong à Yan'an, 1938 - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Mao Zedong à Yan'an, 1938

Révolution culturelle en Chine, 1966 - crédits : Pathé

Révolution culturelle en Chine, 1966

Autres références

  • AI QING [NGAI TS'ING] (1910-1996)

    • Écrit par Catherine VIGNAL
    • 2 092 mots
    ...par Zhou Enlai, parvient à traverser, sous un déguisement militaire, quarante-sept postes de contrôle du Guomindang pour atteindre la base de Yan'an. L'ascendant que Mao exerça sur lui fut irrésistible. Les poèmes qui le célèbrent nous le montrent bien. Quand Ai Qing voulut partir pour le front, Mao...
  • ARMÉE - Doctrines et tactiques

    • Écrit par Jean DELMAS
    • 8 017 mots
    • 3 médias
    Mais l'arme nucléaire ne serait-elle qu'un « tigre de papier » ? Oui, affirmait Mao Zedong, face à la guerre du peuple. Bien avant Hiroshima, l'homme de la Longue Marche et de Yan'an avait défini les principes de la guerre révolutionnaire en Chine, en en soulignant la spécificité, fonction de quatre...
  • ARMÉE ROUGE, Chine

    • Écrit par Michel HOANG
    • 1 016 mots
    • 4 médias

    « Le pouvoir est au bout du fusil » : quand Mao Zedong énonce, en novembre 1938, cette formule désormais célèbre, il parle en orfèvre. Il fait la guerre à Tchiang Kaï-chek depuis plus de dix ans. Il lui faudra encore combattre plus d'une décennie pour prendre le pouvoir en 1949. En guerre...

  • CENT FLEURS LES

    • Écrit par Michel HOANG
    • 944 mots

    C'est en mai 1956 que le président Mao Zedong énonce sa formule désormais célèbre : « Que cent fleurs s'épanouissent, que cent écoles rivalisent. » Ce slogan d'expression très classique fait référence aux « cent écoles », dénomination donnée par le philosophe taoïste Zhuangzi aux multiples...

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Voir aussi