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CALVIN JEAN (1509-1564)

Un réformateur de la fécondité de la grâce

En cinquante-cinq ans d'existence, Jean Calvin est ainsi devenu, presque malgré lui, le réformateur d'une ville et, à partir de ce modèle de république chrétienne des conseils, celui qui a dressé, au travers de l'Europe et bientôt au-delà des mers, une chrétienté qui ne s'appellera jamais calviniste, mais tantôt réformée, quant à la substance de son message à l'écoute des saintes Écritures, tantôt presbytérienne, si l'on s'attache à l'importance des laïcs, élus comme anciens, dans la direction des paroisses et le gouvernement de l'Église. Ce modèle d'Église sera destiné à jouer un grand rôle dans la participation des chrétiens à la création du monde moderne, puisque l'activité des puritains est la fille assez raidie, mais profondément efficace, de la discipline calvinienne. Si Luther a été le grand réformateur du salut par la grâce, Calvin est le grand réformateur de la fécondité active de la grâce. De même, l'Institution chrétienne, « œuvre d'enseignement qui a poussé comme un arbre pendant plus de vingt-cinq années de méditation » (Karl Barth), a été le livre qui a nourri la théologie des Églises réformées et qui a assuré la survie et la renaissance des paroisses à travers les dispersions et les persécutions, alors même que les pasteurs étaient martyrisés et que les synodes étaient interdits. Calvin s'est révélé, à l'usage des siècles, l'un des plus grands architectes de l'Église chrétienne et un pédagogue incomparable.

Pourtant, c'était un homme effacé derrière sa tâche. À Genève, il ne fut presque toute sa vie qu'un réfugié français assez difficilement admis. Genève elle-même est demeurée longtemps une ville assiégée par la Savoie. Ce n'est pas le catéchisme de Calvin qui est devenu le catéchisme officiel des Églises réformées, mais le catéchisme de Heidelberg, rédigé par deux théologiens d'une génération plus jeune, Ursinus et Olevianus. L'Institution chrétienne enfin ne peut pas se comparer à l'ampleur systématique et spéculative de la Somme théologique de saint Thomas au xiiie siècle, ni à celle de la Dogmatique de Karl Barth au xxe.

Tel est le destin contrasté de cet homme, indomptable et obéissant, dont l'œuvre, durant sa vie et après sa mort, a dépassé incomparablement la personnalité. Calvin, au tempérament timide et énergique, au style dru et clair, est certainement l'un des Français dont l'œuvre a le plus compté dans l'histoire universelle, sans qu'il y ait jamais prétendu, car il se voulait témoin et non héros.

— André DUMAS

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Écrit par

  • : doyen honoraire de la faculté de théologie protestante de Montpellier
  • : pasteur, président du journal Réforme

Classification

Pour citer cet article

Jean CADIER et André DUMAS. CALVIN JEAN (1509-1564) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<em>Calvin refuse la Cène aux libertins</em>, Jean-Léonard Lugardon, 1859 - crédits : G. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

Calvin refuse la Cène aux libertins, Jean-Léonard Lugardon, 1859

1500 à 1600. Expansion ibérique et Réforme - crédits : Encyclopædia Universalis France

1500 à 1600. Expansion ibérique et Réforme

Jean Calvin - crédits : Imagno/ Getty Images

Jean Calvin

Autres références

  • INSTITUTION DE LA RELIGION CHRÉTIENNE, Jean Calvin - Fiche de lecture

    • Écrit par Marianne CARBONNIER-BURKARD
    • 957 mots
    • 2 médias

    Le nombre des éditions de l'Institution de la religion chrétienne témoigne du succès de l'ouvrage, dès sa sortie en 1536 : vingt éditions en latin et dix-sept en français, jusqu'à la fin du siècle, outre une bonne vingtaine d'éditions en d'autres langues. Ce manuel, devenu la somme de la ...

  • ARMINIANISME

    • Écrit par Jean BAUBÉROT
    • 860 mots
    Dans la lignée d'Augustin, les réformateurs rendirent le salut de l'être humain indépendant de ses mérites propres. De formation juridique, Calvin élabora la doctrine de la prédestination, décret « éternel et inviolable de Dieu ». Comme prédicateur, il insista sur la grâce de Dieu, mais, dans...
  • BÈZE THÉODORE DE (1519-1605)

    • Écrit par Bernard VOGLER
    • 505 mots

    Successeur de Calvin et guide des huguenots lors des guerres de religion. Fils d'un bailli bourguignon, Théodore de Bèze mène d'abord, après des études juridiques à Orléans et à Paris, une vie de dilettante et de poète. Sa conversion et sa fuite à Genève (1548) lui permettent...

  • CALVINISME

    • Écrit par Jean CADIER, André DUMAS
    • 4 244 mots
    • 1 média

    Le calvinisme est une doctrine de la gloire de Dieu. « À Dieu seul la gloire », telle est sa devise. Avec une ferveur obstinée, Calvin rappelle sans cesse que Dieu est le Maître tout-puissant du monde et des personnes, et que nos destinées sont entièrement dans sa main. Dans la foi et dans...

  • CASTELLION SÉBASTIEN (1515-1563)

    • Écrit par Raoul VANEIGEM
    • 682 mots

    Il existe à la racine du protestantisme une revendication de liberté qui doit sa radicalité et ses limites à l'essor du libre-échange et à la première modernité du capitalisme. Sébastien Castellion appartient à l'aile radicale en ce qu'il privilégie les options individuelles et fait de la liberté...

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Voir aussi