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ISIDORE DE SÉVILLE (560 env.-636)

Originalité de la culture isidorienne

Sélectionner, organiser, concentrer, rendre assimilable l'héritage de la culture hellénistique et romaine : pour réaliser ce programme, Isidore applique à toutes les connaissances quatre catégories de pensée qu'il tire des traditions de la grammaire antique. Des mots aux choses, la différence et l'analogie cernent tout objet de connaissance en le distinguant et le rapprochant des autres. La glose s'exerce à le définir en lui-même. L' étymologie ambitionne enfin de saisir l'essence même des choses à travers l'origine des mots, en vertu d'une conviction doublement fortifiée par la philosophie stoïcienne et les traditions exégétiques judéo-chrétiennes. Isidore la définit comme « l'origine des vocables, quand on saisit le sens d'un mot au moyen de son interprétation ». Cet esprit latin reste donc plus sensible à l'image historique impliquée dans le terme origo qu'au sens abstrait du vocable grec de l'etymologia, « par laquelle le vrai se manifeste dans sa clarté ». Le mouvement profond de la culture isidorienne se définit ainsi comme un pèlerinage aux sources des choses à travers celles des mots. Renaissance, mais dans une acception affectée de pessimisme stoïcien : la vérité ne peut renaître que par un retour à la pureté des origines.

Cette culture n'est point, pour autant, une fuite vers les origines perdues, hors d'un présent irrémédiablement dégradé. L'optimisme nationaliste de l'historiographie isidorienne est là pour démentir une exégèse aussi romantique de son œuvre. La plupart de ses ouvrages sont, comme naguère pour Augustin, les commandes de destinataires précis : parents, disciples, confrères, princes. Isidore est au moins l'auteur principal de la plus ancienne collection canonique : l'Hispana vetus. Homme d'Église et, indirectement, d'État, tout autant que « scholar » voué au culte de muses chrétiennes, évêque avant d'être écrivain, et écrivain parce que pasteur conscient de ses responsabilités.

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Écrit par

  • : professeur titulaire à l'université de Paris-IV-Sorbonne, président de l'Institut des études augustiniennes

Classification

Pour citer cet article

Jacques FONTAINE. ISIDORE DE SÉVILLE (560 env.-636) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BESTIAIRES

    • Écrit par Françoise ARMENGAUD, Daniel POIRION
    • 10 728 mots
    • 11 médias
    ...à cette tradition du Physiologus, dont la culture est en somme étroite et le symbolisme arbitraire, l'attitude beaucoup plus intelligente d' Isidore de Séville. Le livre XII de ses Etymologiae (« De animalibus ») montre que, dès le début du viie siècle, il y a des gens qui savent organiser...
  • ENCYCLOPÉDIE

    • Écrit par Alain REY
    • 5 659 mots
    • 6 médias
    ...recueil historique et anthologique. Au siècle suivant, le projet encyclopédique majeur, influent pendant tout le Moyen Âge, est un ouvrage de l'évêque Isidore de Séville (env. 560-636), au service des rois Wisigoths, qu'on nomme Etymologiae ou Origines. C'est une œuvre complexe, à la fois encyclopédie...
  • ÉTYMOLOGIE

    • Écrit par Paul ZUMTHOR
    • 5 411 mots
    ...jusqu'à l'ornementation rhétorique (calembours). Les Pères de l'Église l'utilisèrent comme un moyen auxiliaire en vue de l'interprétation du texte sacré. Isidore de Séville, au début du viie siècle, constitua une somme des spéculations de ce genre : ses Etymologiae (ou Origines : les deux titres sont...
  • MOYEN ÂGE - La littérature latine savante

    • Écrit par Alain MICHEL
    • 3 264 mots
    ...Aristote, pouvait s'accorder à la tradition chrétienne. Mais, dans l'immédiat, on assistait à la régression et à des solutions précaires. Isidore, évêque de Séville sous la domination wisigothique, essayait d'établir un « digest » du savoir antique dans ses Étymologies. Il y...

Voir aussi