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CASTRO FIDEL (1926-2016)

Une figure du tiers-mondisme

L' internationalisme prolétarien de Fidel Castro est un moyen de gagner le soutien d'autres nations, obligeant ainsi les États-Unis à disperser leurs forces et l'URSS à augmenter son aide. Il est également lié à la croyance en le symbole que représente la révolution cubaine : celle-ci est la preuve que l'émancipation et donc l'autodétermination, la souveraineté, l'intégrité territoriale et le choix de son propre système économique, social et politique, sont possibles.

Fidel Castro soutient les thèses tiers-mondistes affirmant que l'échange inégal crée un néocolonialisme. Il contribue, en 1961, à fonder le mouvement des non-alignés et s'en sert de tribune. Mais son engagement n'est pas, là encore, dépourvu d'ambivalence. Fidel Castro ne soutient pas les thèses chinoises selon lesquelles il existerait non pas un seul impérialisme (américain) mais deux (américain et soviétique). Il ménage son allié stratégique, ce qui lui vaut l'inimitié de Pékin jusqu'au début des années 1990. Castro réussit, malgré tout, à occuper une place de choix dans le mouvement des non-alignés. En obtenant la présidence du mouvement en 1979, il contribue au rayonnement des principes de la révolution cubaine dans les organisations internationales comme les Nations unies. Fidel Castro y introduit, en 1974, l'idée d'un nouvel ordre économique mondial dans lequel les nations pourraient défendre leur souveraineté sur leurs ressources naturelles, maintenir leur droit à l'autodétermination et réformer le système financier international.

Cuba a deux moyens d'action privilégiés : l'organisation de grandes conférences, comme la Tricontinentale en 1966, qui réunit à La Havane intellectuels et militants venus du monde entier, et les campagnes internationalistes à travers lesquelles Cuba a apporté une aide matérielle et militaire aux mouvements de gauche de nombreux pays (Algérie en 1960 et 1963, Angola de 1975 à 1989, Éthiopie de 1977 à 1987, Nicaragua de 1978 à 1990, Salvador et Guatemala dans les années 1980). Si le principe de l'internationalisme prolétarien disparaît de la Constitution en 1992 – Cuba n'ayant plus, avec l'effondrement de l'URSS, les moyens de sa politique –, un autre type de coopération solidaire prend le relais : l'exportation de capital humain, médecins et personnel de santé, enseignants et éducateurs sportifs sont envoyés gratuitement ou en échange d'accords commerciaux préférentiels, comme avec le Venezuela qui fournit, depuis l'arrivée au pouvoir d'Hugo Chávez en 1998, le pétrole à Cuba. Fidel Castro et le président vénézuélien ont également créé, en 2001, un nouvel axe de coopération solidaire (l'Alternative bolivarienne pour les Amériques, Alba), intégré ensuite par la Bolivie d'Evo Morales (avril 2006), le Nicaragua de Daniel Ortega (janvier 2007) et l'Équateur de Rafael Correa (juin 2009).

Le tiers-mondisme de Fidel Castro a réussi à faire de Cuba, pourtant dernier pays d'Amérique latine à avoir obtenu son indépendance (1898), un symbole des luttes d'émancipation des peuples. Par sa relecture de l'histoire cubaine, Castro crée une continuité entre les indépendantistes du xixe siècle et les révolutionnaires du xxe siècle, ce qui lui permet d'apparaître comme le catalyseur de l'identité cubaine. Il a construit le mythe de la petite île rebelle, David face à Goliath, l'Américain impérialiste. La révolution a, de plus, fonctionné comme un creuset gommant les différences sociales et raciales et ainsi engendré un fort nationalisme.

Funérailles de Fidel Castro, 2016 - crédits : Sven Creutzmann/ Mambo photo/ Getty Images

Funérailles de Fidel Castro, 2016

Avec son style de pouvoir personnel, autoritaire et paternaliste, sa capacité à organiser des centres de pouvoir parallèles aux institutions et à effectuer régulièrement des purges dans son cercle restreint[...]

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Écrit par

  • : enseignante ATER de science politique à l'Institut des hautes études de l'Amérique latine, chargée de cours à Sciences Po Poitiers (cycle ibéro-américain de Sciences Po Paris)

Classification

Pour citer cet article

Marie Laure GEOFFRAY. CASTRO FIDEL (1926-2016) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Fidel Castro, 1960 - crédits : Keystone/ Getty Images

Fidel Castro, 1960

Fulgencio Batista, 1955 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Fulgencio Batista, 1955

Castro et les <it>barbudos</it>, 1959 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Castro et les barbudos, 1959

Autres références

  • AMÉRIQUE LATINE - Évolution géopolitique

    • Écrit par Georges COUFFIGNAL
    • 7 514 mots
    ...réunion au sommet de chefs d'État « ibéro-américains » (Espagne, Portugal, Amérique latine) à Guadalajara (Mexique), avec – fait significatif – la présence de Fidel Castro. Cuba avait été, à la demande des États-Unis, exclu de l'O.E.A. (Organisation des États américains) en 1962. Tous les pays...
  • AMÉRIQUE LATINE - Rapports entre Églises et États

    • Écrit par Jean Jacques KOURLIANDSKY
    • 6 741 mots
    • 2 médias
    ...novo, adoptée en 1937, rendit à l'Église certains privilèges : l'enseignement religieux dans les écoles, ou la validité civile du mariage à l'Église. Fidel Castro, ancien élève des jésuites, entreprit sa marche victorieuse, en janvier 1959, avec la médaille de la Vierge du cuivre, patronne de Cuba,...
  • CASTRO RAÚL (1931- )

    • Écrit par Marie Laure GEOFFRAY
    • 1 432 mots
    • 1 média

    Raúl Modesto Castro Ruz, président de Cuba de 2008 à 2018, ne surgit sur la scène politique internationale qu'à partir du 31 juillet 2006, lorsqu'il succède à son frère Fidel, malade, comme chef de l'État par intérim. Numéro deux du régime depuis la révolution cubaine, ministre de la Défense depuis...

  • COMMUNISMES RELIGIEUX

    • Écrit par Henri DESROCHE
    • 3 049 mots
    ...aggiornamentos aux modernités inattendues, sous la forme de christianismes pararévolutionnaires ou révolutionnaires. D'où les paradoxes de l'histoire énoncés par Fidel Castro au Congrès culturel de La Havane en janvier 1968 : « Ce sont les paradoxes de l'histoire. Comment, quand nous voyons des secteurs du...
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Voir aussi