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DRUZES

Les Druzes (en arabe Durzī, pluriel Durūz), population arabe du Proche-Orient professant une religion musulmane hétérodoxe, sont établis dans le sud du Liban, dans le sud de la Syrie (où ils occupent notamment la zone montagneuse du Hawrān, connue sous le nom de djebel Druze) et dans le nord de l'État d'Israël, en Galilée. Au début du xxie siècle, l'ensemble des Druzes – y compris ceux qui ont émigré pour gagner l'Europe, les Amériques ou l'Afrique de l'Ouest –est estimé à près de 900 000 personnes. Bien qu'ils ne constituent pas un groupe très important et qu'ils soient artificiellement séparés par les frontières politiques, les Druzes n'en représentent pas moins un élément dont les gouvernements dont ils dépendent doivent tenir compte en raison de leur propension à la révolte et de leur esprit d'indépendance.

Élaboration d'un système religieux

L'origine de la secte druze se situe sous le règne du calife fatimide d'Égypte, al-Ḥākim (996-1021) qui, à la fin de sa vie, prétendit être une incarnation divine. Cette idée fut admise par un certain nombre de fidèles, qui se groupèrent autour de l'un de ses vizirs, al-Darazī ; celui-ci a donné son nom à la secte : Daraziyya ou Durziyya, d'où Druze. Darazī, poussant à l'extrême les théories dogmatiques de l'ismaélisme, mit l'accent sur la foi ésotérique et sur l'adoration de l' imām (al-Ḥākim), représentant de cette foi, ravalant au second rang la foi exotérique et le Prophète. Darazī trouva quelque appui en Égypte auprès des communautés ismaéliennes établies dans ce pays, mais son action provoqua des troubles en 1017-1018 et al-Ḥākim lui retira son appui. Après la mort de Darazī, le chef de la secte fut un Iranien, Ḥamza b. ‘Alī, qui lui donna sa forme définitive : al-Ḥākim devint l'incarnation de l'Un ultime, Ḥamza fut l'imām de la secte, les croyants étant répartis suivant une hiérarchie dérivée del'ismaélisme. Les partisans du mouvement tentèrent, avec le soutien d'al-Ḥākim, d'imposer le « druzisme » comme seule religion, mais cette action fut la cause de graves troubles politiques.

Après la mort d'al-Ḥākim, ses fidèles allèrent s'établir en Syrie ; ils refusèrent de croire à la mort de l'imām, qui ne pouvait être qu'une épreuve « destinée à opérer la discrimination entre croyants et hypocrites ». Selon eux, il reparaîtra au moment choisi, mais jusqu'à son retour il n'y a plus à attendre d'incarnation de la divinité : c'est réclamer pour le druzisme la qualité de religion définitive et dernière de l'humanité.

En Syrie, les Druzes ont eu pour « guide » Bahā' al-dīn al-Muḳtanā, qui a posé les bases de l'orthodoxie druze, contenue dans ses Lettres de la Sagesse (Rasā'il al-ḥikma). Mais après Muḳtanā, tout prosélytisme a cessé, les Druzes n'ont plus accepté aucune conversion et sont devenus une communauté fermée, à la doctrine secrète, interdisant les mariages avec des membres d'autres communautés. Les Druzes ont alors formé un peuple homogène, placé sous l'autorité d'une aristocratie dirigeante. Certaines théories occidentales du xixe siècle, attribuant aux Druzes une origine iranienne ou franque, sont dénuées de tout fondement.

Au xve siècle, le moraliste ‘Abd Allāh al-Tanūkhī a réorganisé la communauté druze qui a été divisée en ‘uḳḳāl (sages, ou initiés), ayant à leur tête les ra'is al-din ou shaykh al-‘aḳl, chefs religieux proprement dits, et en djuhhāl (ignorants, ou non-initiés), membres de la communauté dirigés par des amīrs (émirs). Les Druzes estiment être les seuls à professer le tawhīd (l'unité divine) dans toute sa rigueur et s'appellent eux-mêmes [...]

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Écrit par

  • : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Provence-Aix-Marseille-I
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et Robert MANTRAN. DRUZES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Rebelle druze, 1958 - crédits : Central Press/ Hulton Archive/ Getty Images

Rebelle druze, 1958

Autres références

  • CALIFAT FATIMIDE DU CAIRE - (repères chronologiques)

    • Écrit par Pascal BURESI
    • 332 mots

    969 Djawhar conquiert l'Égypte pour le compte d'al-Mu‘izz, calife fatimide de Kairouan. Il fonde al-Qāhira (« la Victorieuse », Le Caire).

    972 La Grande Mosquée d'al-Azhar, au Caire, est achevée.

    973 Arrivée du calife et installation dans la nouvelle ville palatiale du...

  • CHOUF

    • Écrit par Jean-Marc PROST-TOURNIER
    • 273 mots

    Région traditionnelle de la montagne libanaise située au sud-est de Beyrouth, entre le djebel Barouk (1 980 m) et la mer Méditerranée, profondément entaillée par les gorges du Nahr Damour et de ses affluents. Le Chouf est copieusement arrosé et porte une abondante végétation méditerranéenne. Avant...

  • DRUZE DJEBEL

    • Écrit par Jean-Marc PROST-TOURNIER
    • 317 mots

    Massif volcanique du sud de la Syrie, le djebel Druze s'étend entre la plaine du Hauran à l'ouest et le désert du Hamad à l'est. Vaste dôme elliptique (environ 60 km du nord au sud et 40 km de l'est à l'ouest), il est formé de basaltes tertiaires et domine d'environ 1 000 mètres la plaine...

  • ḤĀKIM BI-AMR ALLĀH AL- (985-1021) calife fātimide (996-1021)

    • Écrit par Georges BOHAS
    • 438 mots

    Sixième calife fāṭimide et personnage central du système religieux druze, tantôt cruel et despotique, tantôt humble, généreux et juste. Les raisons profondes du comportement étrange de Ḥākim restent inexpliquées. Il est proclamé calife en 996, et les premières années de son règne sont fort agitées...

  • Afficher les 9 références

Voir aussi