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DOMINICAINS

Le poids du passé (XVIe-XVIIIe s.)

Les multiples questions soulevées depuis la Renaissance n'ont pas toutes été abordées par l'ordre des Dominicains avec la même lucidité et la même liberté. Déjà quelque peu prisonnier de son passé médiéval aussi bien dans ses formes de pensée que dans ses institutions, l'ordre apparaît désormais plus ou moins dépassé par des forces neuves, telles celles de la Compagnie de Jésus.

Devant le déchirement de la foi

Avant même que la stabilisation politique des diverses Églises dissidentes ne condamne de nombreux couvents à la ruine, l'ébranlement de la Réforme avait déjà atteint nombre de religieux, plus ou moins entraînés dans le sillage de Luther, religieux mendiant comme eux ; le plus célèbre étant l'Alsacien Martin Bucer, bientôt chef de file du mouvement luthérien à Strasbourg. Mais d'autres, en même temps, en Allemagne ou en Italie, s'engagent dans la controverse contre les novateurs. En réalité, c'est dans un climat différent que s'amorce un véritable renouveau théologique, au sein des universités espagnoles dont Francisco de Vitoria et ses disciples contribuent à transformer les méthodes et à élargir les préoccupations. Cet effort porte ses fruits au Concile de Trente (1545-1563), mais ne met pas un terme aux disputes d'école héritées du Moyen Âge. À l'ancienne opposition des Mineurs et des Prêcheurs au sujet de l'Immaculée Conception s'ajoutent maintenant d'âpres et stériles discussions sur les rapports entre secours divin et libre arbitre de l'homme, nourrissant une rivalité entre Dominicains et Jésuites qui se maintiendra longtemps, au-delà même de la crise janséniste.

Diversité des attitudes missionnaires

L'expansion des ordres mendiants suit celle des navigateurs et commerçants portugais et de la colonisation espagnole. Avec la prédication évangélique des frères prêcheurs à Saint-Domingue, en 1511, commence une courageuse prise de conscience des problèmes posés par la conquête. Les « Lois des Indes » de la monarchie espagnole portent la marque de cette persévérante « lutte pour la justice », menée conjointement par missionnaires et théologiens, à la suite de Bartolomé de Las Casas et de Francisco de Vitoria, celui-ci étant, avant Grotius, le véritable fondateur du droit international moderne.

Destruction des idoles du Nouveau Monde par les missionnaires espagnols - crédits : Glasgow University Library

Destruction des idoles du Nouveau Monde par les missionnaires espagnols

Indépendante des conditions politiques qui la favorisent ou l'entravent, l'évangélisation des peuples nouveaux présente des difficultés spécifiques. Les Dominicains les affrontent avec lucidité au Mexique, font une œuvre durable aux îles Philippines, et se dévouent généreusement en Extrême-Orient. Mais, entraînés dans le tourbillon des controverses, ils deviennent, aux xviie-xviiie siècles, les champions de l'opposition aux rites chinois, dans un conflit dont les passions européennes antijésuites faussent les données et aggravent les conséquences. Néanmoins, la province missionnaire des îles Philippines, dont l'action apostolique s'étend jusqu'au Vietnam, représente l'élément le plus vivant de l'ordre au moment où celui-ci s'anémie dans les couvents de plus en plus dépeuplés de l'Europe des Lumières.

Face à l'évolution culturelle

À Salamanque, Domingo de Soto et d'autres théologiens après lui s'intéressent aux questions que soulève l'évolution des structures économiques, mais il ne se trouve personne pour tirer parti de la réflexion des écoles de théologie et pour rejoindre le monde réel des affaires.

Face aux formes nouvelles de culture qu'annonçaient les premières manifestations de la Renaissance, l'ordre des Dominicains ne s'est pas situé comme le ferait la Compagnie de Jésus, rénovatrice des méthodes pédagogiques. Les réactions individuelles sont diverses. Novatrice peut-être dans ses méthodes, la peinture de [...]

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Écrit par

  • : dominicain, archiviste de la province de France

Classification

Pour citer cet article

André DUVAL. DOMINICAINS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Fra Angelico : Saint Dominique - crédits :  Bridgeman Images

Fra Angelico : Saint Dominique

Inquisition - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Inquisition

Destruction des idoles du Nouveau Monde par les missionnaires espagnols - crédits : Glasgow University Library

Destruction des idoles du Nouveau Monde par les missionnaires espagnols

Autres références

  • ALBERT LE GRAND (1193?-1280)

    • Écrit par Édouard-Henri WÉBER
    • 1 720 mots

    Dominicain, maître de l'université de Paris (d'où son nom de « Maître Albert »), évêque, savant, philosophe et théologien célèbre du xiiie siècle, Albert a, de son vivant, joui du titre de « Grand » et, par la suite, de celui de « Docteur universel ». La légende lui a beaucoup...

  • ALBIGEOIS (CROISADE CONTRE LES)

    • Écrit par Jacques LE GOFF
    • 4 152 mots
    • 2 médias
    ...contre les hérétiques prit la forme de l' Inquisition, organisée par le pape Grégoire IX en 1233 et confiée aux ordres mendiants – et surtout aux dominicains. Elle se heurta à une résistance clandestine. Il y eut pourtant des violences dans les villes, à Narbonne (1233-1235), à Cordes (1233), à Albi...
  • ANDRÉ DE LONGJUMEAU (mort en 1270)

    • Écrit par Marcel PACAUT
    • 216 mots

    Frère prêcheur, qui fit partie du groupe de religieux que le pape Innocent IV et le roi Saint Louis utilisèrent pour leur politique orientale. En 1244, André de Longjumeau accomplit une première mission, proprement religieuse, en Syrie et dans les régions voisines, et consolida les retours au catholicisme...

  • ANGELICO FRA (1400 env.-1455)

    • Écrit par Georges DIDI-HUBERMAN
    • 4 179 mots
    • 4 médias
    Mais Guido di Piero, au lieu de s'ouvrir d'emblée à l'humanisme renaissant, se clôt au contraire dans le couvent dominicain de San Domenico, à Fiesole : il y mène un long noviciat de pratiques dévotes et d'études théologiques approfondies, pour y revêtir l'habit blanc et noir du frère prêcheur et se...
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Voir aussi