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DOMINICAINS

Restauration ou réinvention ? (XIXe-XXe s.)

Le nom de Lacordaire domine mais ne résume pas à lui seul la restauration dominicaine au xixe siècle. L'implantation (1804) et le développement de l'ordre aux États-Unis, la reprise de la vie conventuelle aux Pays-Bas, en Angleterre, en Croatie, en Espagne ne doivent rien au fondateur des Conférences de Notre-Dame. Celui-ci néanmoins, engageant son crédit d'orateur et d'homme public au service du « rétablissement en France de l'ordre des Frères prêcheurs » (titre de son Mémoire, 1839) visait moins à reconstituer des formes de vie médiévale, comme Viollet-le-Duc qui à la même époque restaurait les cathédrales, qu'à retrouver les conditions profondes voulues par saint Dominique pour le service de la parole de Dieu auprès des hommes de sa génération. L'accès du Français A. V. Jandel à la tête de l'ordre (1850-1872) ne fut pas sans infléchir quelque peu cette orientation, mais servit à étendre un certain renouveau à la plupart des provinces. Donnant souvent le meilleur de ses énergies – même en dehors des « pays de mission » – à des tâches de type paroissial, l'ordre apporte peu d'éléments originaux à la vitalité du catholicisme au xixe siècle. Il suit plus qu'il ne précède le néo-thomisme patronné par Léon XIII ; mais il en dépasse bientôt les perspectives plus ou moins concordistes en cherchant à retrouver, suivant des méthodes plus historiques, la fraîcheur des intuitions ; cet effort ne sera pas sans fruit pour un certain renouvellement de la théologie, particulièrement dans le contexte de la crise moderniste. Une large voie avait été ouverte dans ce sens, sans qu'il y parût tout d'abord, par la fondation de l'École biblique de Jérusalem (1890, M.-J. Lagrange), engageant loyalement l'exégèse catholique sur le terrain scientifique. C'était en même temps, de très loin, préparer les conditions du rapprochement œcuménique qui se manifestera un demi-siècle plus tard.

Au xxe siècle, l'ordre des Dominicains recherche – non sans difficultés ni tensions – les implications pastorales, théologiques, institutionnelles de sa vocation missionnaire. En France, grâce aux équipes animées par V. M. Bernadot, fondateur des éditions du Cerf (1928) et de l'hebdomadaire Sept (1934-1937) ; par M. D. Chenu, éminent médiéviste et conseiller théologique, dès la première heure, du mouvement des prêtres ouvriers ; par Y. Congar, théologien de l'Église, de l'œcuménisme, du laïcat, les Frères prêcheurs jouent un rôle assez notable, au sein du catholicisme, dans le développement des orientations qui marqueront ensuite le IIe concile du Vatican ; E. Schillebeeckx, dominicain des Pays-Bas, dont l'influence s'exerce dans le monde entier, contribue grandement au renouvellement de la théologie, particulièrement de l'ecclésiologie. Les diverses initiatives de M.-J. Lebret, à partir du centre « Économie et humanisme » (fin 1940), auront été de première importance pour cet éveil de la conscience catholique aux problèmes du Tiers Monde qui a trouvé son expression la plus officielle dans l'encyclique Populorum progressio de Paul VI.

De par son propos originel, qui l'oblige à se redéfinir sans cesse par rapport aux hommes en attente de l'Évangile, l'ordre des Dominicains vit aujourd'hui de manière aiguë les tensions de l'Église post-conciliaire. Sa grande interrogation : quelles mutations doit-il opérer pour devenir ce qu'il est ?

— André DUVAL

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Écrit par

  • : dominicain, archiviste de la province de France

Classification

Pour citer cet article

André DUVAL. DOMINICAINS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Fra Angelico : Saint Dominique - crédits :  Bridgeman Images

Fra Angelico : Saint Dominique

Inquisition - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Inquisition

Destruction des idoles du Nouveau Monde par les missionnaires espagnols - crédits : Glasgow University Library

Destruction des idoles du Nouveau Monde par les missionnaires espagnols

Autres références

  • ALBERT LE GRAND (1193?-1280)

    • Écrit par Édouard-Henri WÉBER
    • 1 720 mots

    Dominicain, maître de l'université de Paris (d'où son nom de « Maître Albert »), évêque, savant, philosophe et théologien célèbre du xiiie siècle, Albert a, de son vivant, joui du titre de « Grand » et, par la suite, de celui de « Docteur universel ». La légende lui a beaucoup...

  • ALBIGEOIS (CROISADE CONTRE LES)

    • Écrit par Jacques LE GOFF
    • 4 152 mots
    • 2 médias
    ...contre les hérétiques prit la forme de l' Inquisition, organisée par le pape Grégoire IX en 1233 et confiée aux ordres mendiants – et surtout aux dominicains. Elle se heurta à une résistance clandestine. Il y eut pourtant des violences dans les villes, à Narbonne (1233-1235), à Cordes (1233), à Albi...
  • ANDRÉ DE LONGJUMEAU (mort en 1270)

    • Écrit par Marcel PACAUT
    • 216 mots

    Frère prêcheur, qui fit partie du groupe de religieux que le pape Innocent IV et le roi Saint Louis utilisèrent pour leur politique orientale. En 1244, André de Longjumeau accomplit une première mission, proprement religieuse, en Syrie et dans les régions voisines, et consolida les retours au catholicisme...

  • ANGELICO FRA (1400 env.-1455)

    • Écrit par Georges DIDI-HUBERMAN
    • 4 179 mots
    • 4 médias
    Mais Guido di Piero, au lieu de s'ouvrir d'emblée à l'humanisme renaissant, se clôt au contraire dans le couvent dominicain de San Domenico, à Fiesole : il y mène un long noviciat de pratiques dévotes et d'études théologiques approfondies, pour y revêtir l'habit blanc et noir du frère prêcheur et se...
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Voir aussi