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CONTE

Collecte et classement des contes

Par définition, le conte populaire, transmis de génération en génération, se situe dans ce que Fernand Braudel a appelé la « longue durée ». Seules peuvent être datées avec précision les versions manuscrites ou imprimées et les transcriptions de textes oraux que nous ont laissées les ethnographes du xixe siècle.

Les frères Grimm - crédits : General Photographic Agency/ Hulton Archive/ Getty Images

Les frères Grimm

Comme le souligne Marie-Louise Ténèze, la collecte systématique des contes est postérieure, dans tous les pays d'Europe, à la publication des Kinder- und Hausmärchen des frères Grimm (1812-1815), dont l'impact fut considérable.Elle fut tantôt l'œuvre d'institutions nationales, comme la Société de littérature finnoise, créée en 1831, tantôt celle d'individualités marquantes qui ont mené et coordonné des enquêtes sur le terrain : Asbjörnsen en Norvège, Svendt Grundtvig au Danemark, Pitré en Sicile, Paul Sébillot puis Arnold Van Gennep en France... En moins d'un siècle, ces collectes permirent d'accumuler un matériau immense, dont le classement même faisait problème : plus de trente mille documents pour les seules archives d'Helsinki en 1918. En dépit de la bigarrure des textes recueillis, les ressemblances sensibles entre les contes, d'une province à l'autre et d'un pays à l'autre, permirent au Finnois Antti Aarne de définir, dès 1910, la notion de conte type : une organisation de motifs suffisamment stable pour s'être inscrite dans des récits divers, un schéma narratif privilégié avec insistance par les conteurs, une « ornière traditionnelle », selon l'expression d'Ariane de Felice – si l'on admet que la narration emprunte fréquemment cette « ornière » sans s'y enliser jamais.

Le recensement des contes types, initialement mené à partir des collections scandinaves et germaniques, s'élargit bientôt à l'ensemble de l'Europe puis à l'Inde. Il aboutit à l'établissement d'une classification internationale à laquelle sont indissolublement liés les noms d'Antti Aarne et de Stith Thompson, auquel on doit aussi le monumental Motif-Index of Folk-Literature. La classification Aarne-Thompson comprend aujourd'hui 2 340 types répartis en quatre catégories : les contes d'animaux (T. 1 → 299), les contes proprement dits, qui incluent les contes merveilleux et les contes religieux (T. 300 → 1 199), les contes facétieux (T. 1 200 → 1999) et les contes à formule, qui sont souvent des randonnées ou contes en chaîne (T. 2 000 → 2 340). L'Aarne-Thompson a rendu possibles les monographies de contes par la comparaison de toutes les variantes et l'établissement de catalogues nationaux. Celui de Paul Delarue et de Marie-Louise Ténèze pour le conte populaire français est, à cet égard, exemplaire. Pour chaque conte type nous est donné le texte d'une version de référence puis un découpage narratif, suivi de la liste de toutes les versions recensées avec l'inventaire de leurs motifs. Chaque conte est assorti d'un commentaire. Lorsque les versions issues d'une aire géographique donnée présentent des caractères originaux, et ce, de façon persistante, on parle d'« œcotypes régionaux », reprenant en cela un terme proposé par Carl Wilhelm von Sydow.

Il est assez frappant de constater que l'ardeur des collecteurs du xixe siècle concernant le rassemblement des textes oraux semble s'accompagner d'une relative indifférence aux circuits de transmission du conte. Ils nous ont laissé peu d'informations sur la personnalité des conteurs, sur leur pratique narrative et sur les institutions de transfert qui ont permis aux contes de se perpétuer. Les ethnologues d'aujourd'hui attachent, au contraire, la plus grande importance à l'« horizon d'attente » dans lequel le conte surgit : « Par tout un jeu d'annonces, de signaux – manifestes ou latents[...]

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Pour citer cet article

Bernadette BRICOUT. CONTE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Les frères Grimm - crédits : General Photographic Agency/ Hulton Archive/ Getty Images

Les frères Grimm

Geneviève Calame-Griaule - crédits : D.R.

Geneviève Calame-Griaule

Autres références

  • AFRIQUE NOIRE (Culture et société) - Littératures

    • Écrit par Jean DERIVE, Jean-Louis JOUBERT, Michel LABAN
    • 16 566 mots
    • 2 médias
    ...genres dans des systèmes particuliers. Ainsi, en termes de genres narratifs de fiction par exemple, la nomenclature wolof distinguera plusieurs sortes de contes selon qu'ils ont une chute comique (mayé) ou non (leeb). Chez les Dioula, les contes se disent ntalen, mais s'ils se terminent par une ...
  • AKINARI UEDA (1734-1809)

    • Écrit par René SIEFFERT
    • 1 274 mots
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    Pour la postérité, Akinari est avant tout l'auteur des Contes de pluie et de lune (Ugetsu-monogatari). Dans ces neuf Contes fantastiques de jadis et naguère, il rompait délibérément avec le style et la manière des ukiyo-zōshi inaugurés au siècle précédent par Saikaku, et auxquels il...
  • ALCRIPE PHILIPPE LE PICARD dit PHILIPPE D' (1530/31-1581)

    • Écrit par Françoise JOUKOVSKY
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    Moine normand de l'abbaye cistercienne de Mortemer, dans la forêt de Lyons, Philippe d'Alcripe semble avoir suscité la défiance de ses confrères par une activité littéraire jugée peu sérieuse : c'est en effet l'auteur de La Nouvelle Fabrique des excellents traicts de vérité...

  • ALICE AU PAYS DES MERVEILLES, Lewis Carroll - Fiche de lecture

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    Les Aventures d'Alice au pays des merveilles naquirent lors d'une promenade en bateau à laquelle Lewis Carroll avait convié Alice, Lorina et Charlotte Liddell, les filles du doyen de Christ Church. Les enfants lui demandèrent de leur raconter une histoire qu'il inventa au fur et à mesure de leur...
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